Législatives 2024 : En Nouvelle-Calédonie, les électeurs indépendantistes arrivent nettement en tête à l’échelle du pays

Un bureau de vote à Nouméa, ce dimanche ©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Législatives 2024 : En Nouvelle-Calédonie, les électeurs indépendantistes arrivent nettement en tête à l’échelle du pays

Si ce second tour des législatives a vu la victoire d'un député loyaliste et d'un député indépendantiste, le camp nationaliste a, au total, engendré 83 123 voix dans le pays, soit une avance de plus de 10 000 voix sur le camp non-indépendantiste. Signe d'une forte mobilisation de cet électorat qui peut donc être majoritaire dans un scrutin où le corps électoral n'est pas gelé. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

Peu de surprises dans le résultat de ces élections législatives, qui ont vu l'élection des candidats arrivés en tête au premier tour (le loyaliste Nicolas Metzdorf, dans la première circonscription, et l'indépendantiste Emmanuel Tjibaou, dans la seconde), si ce n'est la participation qui a atteint un niveau impressionnant, avec une moyenne de 71,35 % à l'échelle du pays, soit une hausse de plus de dix points par rapport au premier tour (où elle avoisinait les 60%). 

Plus de 10 000 voix d'écart

Une mobilisation massive qui a clairement joué en faveur du camp indépendantiste et nationaliste puisque leurs deux candidats ont réuni 83 123 voix, contre 72 897 voix pour le bloc loyaliste, soit une large avance de 10 226 bulletins. Un écart qui s'est donc encore creusé puisqu'il était de 7 834 suffrages le dimanche 30 juin. 

Signe que durant cet entre-deux tours, la participation en hausse a davantage rassemblé l'électorat indépendantiste et convaincu certains indécis puisque ce bloc a fait un bond de 29 825 voix supplémentaires là où le camp loyaliste en a gagné 23 543. Dans le détail, c'est sans surprise Emmanuel Tjibaou qui enregistre, de loin, le gain le plus significatif (+18 798 voix), suivi de Nicolas Metzdorf (+ 12 261 voix) puis par Alcide Ponga (+11 282 voix) dans un mouchoir de poche avec Omayra Naisseline (+11 029 voix).

Dans un communiqué diffusé ce lundi, l'Union calédonienne salue des résultats « historiques et sans appel » des deux candidats nationalistes qui « ont su convaincre au-delà de l'électorat indépendantiste traditionnel car ils portent la parole du dialogue, de la paix et défendent une décolonisation pacifique de la Nouvelle-Calédonie », dans le respect de l'Accord de Nouméa, estime le parti pour qui ce score « est aussi la réussite de tous les Calédoniens progressistes, de tous ceux qui se  reconnaissent dans l'esprit de Nainville-les-Roches et qui sont prêts au dialogue pour que nous  puissions bâtir ensemble une nation souveraine, démocratique et pluriculturelle. »

Une participation à géographie variable

D'une manière générale, la participation a été globalement plus élevée dans les communes qui ont placé en tête l'un des deux candidats indépendantistes. Ainsi dans les îles, où Omayra Naisseline a été plébiscitée, la participation est en moyenne de 78,6% tandis que dans les vingt communes de Brousse qui ont soutenu Emmanuel Tjibaou, ce taux s'élève à 77,2%. C'est à Canala, Hienghène et Kaala-Gomen que ce chiffre est le plus élevé du pays (plus de 84%). 

En revanche, c'est dans les communes où l'électorat s'est positionné pour le bloc loyaliste que la participation est la plus faible en particulier à Nouméa, qui a vu la victoire de Nicolas Metzdorf, où ce taux frôle 66%, ainsi que dans le Grand Nouméa, avec près de 67% de votants. Des chiffres qui tendent une nouvelle fois à prouver que la mobilisation a nettement joué en faveur des indépendantistes. 

Un premier député indépendantiste dans ce découpage

Emmanuel Tjibaou, qui fait ses premiers pas en politique, est seulement le deuxième député indépendantiste à siéger à Paris. Il succède ainsi à Roch Pidjot, élu à l'Assemblée nationale de 1964 à 1986. Mais depuis le découpage actuel (dit « Pasqua »), décrié depuis sa mise en place en 1986 par le camp indépendantiste, aucun politique nationaliste n'avait jusqu'alors réussi à décrocher de siège au Palais Bourbon. La forte mobilisation d'hier (quasiment deux fois plus élevée qu'aux élections de 2022 pour le camp nationaliste) a donc prouvé le contraire et tordu le cou à cette idée reçue. 

« Notre pays a été brûlé et détruit inutilement »

Dans un communiqué de presse, l’Éveil océanien, qui se positionne désormais en tant que troisième voix « médiane » dans le paysage politique, tire un enseignement sans concession de ce scrutin, au vu de ces résultats. « Sur un corps électoral totalement dégelé, c’est-à-dire sur la liste électorale générale, le bloc indépendantiste est majoritaire. Ce qui me fait dire que l’on arrive à la pire des situations : notre pays a été brûlé et détruit inutilement car le dégel, avec dix ans glissants pour les résidents, est, contrairement à l’idée reçue, favorable aux indépendantistes dès lors qu’ils se mobilisent », analyse le président du mouvement Milakulo Tukumuli.  

« C’est une vraie question que l’on se pose. Le peuple kanak a peur de se mettre en minorité, je comprends, sauf que le bloc nationaliste et indépendantiste est aujourd’hui plus important que les non-indépendantistes, à condition qu’il se rende aux urnes ». Toutefois, Milakulo Tukumuli, pour qui ce scrutin et en particulier ce second tour « a sonné comme un référendum », juge bon de rappeler que 25 000 voix ne se sont pas exprimées à Nouméa. 

« Parmi ces inscrits, il y a des gens qui ne votent pas d’une manière générale, mais il y a également des électeurs qui ne peuvent donner leur bulletin pour Nicolas Metzdorf, dont le discours s’est radicalisé avec Sonia Backès. Aujourd’hui, des non-indépendantistes, notamment de l’Éveil océanien et de Calédonie ensemble, ne se reconnaissent pas dans leurs messages. »

Pour le chef de file de la droite non-indépendantiste modérée Calédonie ensemble, Philippe Gomès, la victoire indépendantiste à l’échelle du pays est aussi à mettre sur le dos de la « radicalité à l'œuvre depuis 2019 », désignant clairement le député Nicolas Metzdorf et l’ancienne secrétaire d’État Sonia Backès.

Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes