Energies renouvelables : Le Gouvernement de Polynésie lance un second appel à projets de fermes solaires pour le nord de l'île de Tahiti,  avec option évolutive sur les capacités de stockage

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Energies renouvelables : Le Gouvernement de Polynésie lance un second appel à projets de fermes solaires pour le nord de l'île de Tahiti,  avec option évolutive sur les capacités de stockage

Le Pays a lancé la deuxième tranche d’appel à candidatures pour la construction de grandes fermes solaires à Tahiti. Une procédure limitée au Nord de l’île, qui promeut plus que jamais la double valorisation du foncier… Mais qui reprend dans les grandes lignes le cahier des charges de la première tranche, appelée en 2021 et connectée en fin d’année dernière. Les professionnels qui espéraient pouvoir proposer des installations plus légères sont déçus : les prochaines fermes devront elles aussi être dotées de capacités de stockage, au moins pour leur première décennie d’existence. Pour la suite, le Pays pourrait décider de prendre le relais en équipant directement le réseau de batteries. Précisions avec notre partenaire Radio 1.

 

C’est peu de dire qu’il était attendu, ce deuxième « appel à projets sur la réalisation et l’exploitation d’installations photovoltaïques avec stockage sur l’île de Tahiti ». La première cuvée, lancée en avril 2021, avait abouti en fin d’année dernière au raccordement de quatre fermes solaires, toutes situées dans le Sud de Tahiti et à la Presqu’île. Mahana O’hiupe (famille Siu et alliés), Mana Solar (groupe Moux), Fare Meri et Fare Gouwe (Ito Nui, filiale d’EDT-Engie)… À cette « première tranche », d’une puissance totale de 30 MWc – de quoi fournir 8% de la consommation électrique tahitienne – devait, dès l’origine, succéder une deuxième.

Et du côté du gouvernement et de sa direction de l’Énergie, on avait d’abord envisagé de les enchaîner : la nouvelle procédure avait été lancée dès la fin 2023, sur les mêmes bases que la première. Mais certains professionnels – notamment au sein du groupement Synergie – avaient obtenu du gouvernement de temporiser et de réétudier certaines règles du jeu pour ouvrir davantage le marché et réduire les coûts d’installation. Une quinzaine de mois plus tard, l’appel à candidatures de la « tranche 2 » a donc été relancé : les porteurs de projets ont jusqu’au mois d’août pour boucler leurs dossiers.

25 MWc pour combien de projets ?

Entre temps, les règles du jeu ont quelque peu évolué. D’abord, comme l’avait déjà annoncé le gouvernement, les nouveaux projets devraient tous se situer au Nord de l’île de Tahiti, de Atimaono à Faatautia, soit la zone couverte par le réseau 90 000 volts de Transport d’énergie électrique de Polynésie (Tep). Le Sud de l’île avait attiré les premiers promoteurs par son foncier disponible et moins onéreux. Mais son réseau de 30 000 volts est déjà au bord de la saturation : si de grandes fermes solaires y étaient raccordées dans les prochaines années, les pics de production ne pourraient être absorbés.

Lire ici : Énergies : En Polynésie, quatre fermes solaires de 58 000 panneaux photovoltaïques en service fin 2024, et plus encore à venir

Autre changement, de chiffre cette fois : ce nouvel appel ne porte que sur 25 MWc de puissance installée. Cela représente au moins deux projets de grande envergure – aucune ferme solaire actuelle ne dépasse les 11 MWc – ou, potentiellement, quelques dizaines de petites fermes. La limite basse de puissance a été fixée à 500 kWc, plus que ce que la plupart des toits d’entreprises ou d’entrepôts peuvent accueillir. Il est toutefois probable, vu les coûts de raccordement de chaque installation et le manque d’espace dans la zone, que les candidatures portent sur des projets de 2 à 10 MWc. Et donc que le nombre de projets retenus par les services instructeurs se comptent sur les doigts de la main.

« Coactivité » largement encouragée, mais installations sur toiture complexes

Moetai Brotherson avait aussi annoncé qu’une plus grande priorité serait donnée aux projets présentant une « coactivité » sur les sites des centrales. Le président voulait même faire de la double valorisation du foncier une obligation pour les candidats. Pour des raisons de sécurité juridique, et pour ne pas fermer complètement la porte à des opportunités dans cette zone nord où les grands terrains agricoles sont beaucoup plus rares qu’au Sud, le ministère et la direction de l’énergie ont finalement opté pour un relèvement du coefficient accordé au « type d’implantation du projet » pour classer les candidatures. 50 points sur 100 dans la notation sont consacrés au « type d’implantation », contre 25 lors du premier appel d’offres. Et pas question, cette fois, d’envisager des cultures et des élevages de « décoration » : intégré au jury, le ministère de l’Agriculture jugera de la crédibilité de chaque proposition agricole.

Courant janvier, le gouvernement avait précisé que les installations « en ombrière », sur des parkings par exemple, permettraient d’avoir ces points, comme les installations « en toiture » sur des bâtiments et hangars. Il sera toutefois difficile – mais pas impossible – pour les promoteurs, de trouver des toitures disponibles assez vastes pour installer de telles fermes photovoltaïques. À titre d’exemple, les 6 300 mètres carrés de panneaux installés sur le toit du centre Moana Nui (Carrefour Punaauia) représentent une puissance installée de 1,28 Mwc destinée à l’autoconsommation. Les installations sur toiture seront aussi rendues plus complexes par l’obligation de chaque projet de se doter d’importantes batteries.

Des batteries sur toutes les centrales…

Et c’était bien le débat qui avait animé les professionnels avant le lancement de cet appel. Les groupes déjà expérimentés et équipés en matière de stockage de l’électricité, qui représente au niveau technique autant que financier le défi le plus important pour les promoteurs, demandaient à reprendre le même cahier des charges. D’autres insistaient pour lever cette obligation et cette lourdeur dans les installations. Certes le caractère fatal et intermittent de l’énergie solaire doit inévitablement être pris en compte. Quand il fait beau sur Tahiti, toutes les fermes produisent à plein régime, quand un nuage passe, elles s’arrêtent de produire presque au même moment. Et ce genre de variations soudaines est, une fois que la puissance photovoltaïque installée atteint une part significative de la production, impossible à tenir pour le système électrique. Mais beaucoup de réseaux modernes s’équipent eux-même de systèmes de batteries, évitant ainsi aux producteurs d’avoir à les installer et les gérer, et permettant au solaire de se développer plus facilement. C’est la proposition qui était défendue par le groupement Synergie, ainsi que par la Tep, qui aurait pu être, pourquoi pas, en charge de ce stockage « centralisé ».

Ce n’est toutefois pas le choix qui a été fait dans cet appel à projets, qui reprend l’obligation de stockage de la première tranche. Le Pays comptait s’appuyer sur les résultats d’une étude commandée par l’Ademe sur les besoins du système électrique polynésien, pour faire ses choix techniques. Mais ces résultats, un temps attendus pour 2024, ne seront pas sur la table des autorités avant août ou septembre 2025. S’ajoutent les incertitudes sur les besoins électriques au long terme de l’île de Tahiti, sur l’avenir des concessions, et sur l’évolution du coût et de l’efficacité des batteries, technologie en mouvement permanent. Même si les analystes préconisaient un stockage centralisé, il faudrait le concevoir, le dimensionner, et bien sûr le construire avant de pouvoir raccorder les nouvelles centrales. Hors de question de perdre davantage de temps dans le développement du renouvelable, a estimé le gouvernement… Qui s’est tout de même aménagé une porte de sortie.

… Mais une option pour les supprimer à mi-parcours

Car les promoteurs, dans leur calcul de coûts de la centrale, prennent généralement en compte la commande et l’installation d’importantes batteries, mais aussi leur renouvellement, souvent à mi-parcours dans la durée de vie de leur centrale. Soit une dizaine d’années sur les 20 ou 25 ans du contrat de rachat de l’électricité qui sera signé. Or le nouveau cahier des charges dispose que le Pays pourra, avant que soit lancé ce coûteux renouvellement, demander aux promoteurs de ne pas le lancer. Et ainsi prendre le relais du stockage électrique, par des moyens centralisés ou non.

L’activation ou non de cette option aura bien sûr un impact sur le tarif de rachat de l’électricité dans la deuxième partie de la vie de la centrale. Mais pour l’exécutif, c’était la solution idéale pour se laisser le temps de la réflexion sur l’avenir du réseau électrique. Difficile de dire si cette solution comblera tous les professionnels, mais plusieurs groupes, notamment les porteurs des quatre projets déjà construits (Siu, Moux, Ito Nui – EDT-Engie), ont déjà indiqué qu’ils seraient sur les rangs de ce nouvel appel à candidatures. Certains promoteurs non retenus lors de la première tranche pourraient vouloir les concurrencer, et des groupes internationaux, alliés ou pas à des locaux, pourraient eux aussi tenter une entrée sur le marché. Les lauréats devraient être annoncés avant la fin de l’année, avant de lancer les études et la construction sur leurs sites respectifs. La nouvelle fournée de fermes solaires devrait donc, si tout va bien, être branchée d’ici 2028.

Par Radio 1