En Nouvelle-Calédonie, le retour sobre de Christian Tein devant les militants du FLNKS

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En Nouvelle-Calédonie, le retour sobre de Christian Tein devant les militants du FLNKS

De retour en Nouvelle-Calédonie après plus d'un an de détention dans l'Hexagone, le président du FLNKS Christian Tein s'est exprimé pour la première fois devant les militants, dans un contexte d'isolement du mouvement indépendantiste.

« Le capitaine du bateau est là ! » : la joie des militants contraste avec l'attitude du président du FLNKS, polo bleu sur les épaules, qui attend discrètement l'ouverture des travaux pendant que chaque comité local dépose sur la natte denrées et tissus symbolisant le lien, comme le veut la coutume kanak.

Propulsé en pleine lumière par la force des événements, le militant de terrain, honni par les non-indépendantistes radicaux qui n'hésitent pas à le qualifier de « terroriste », a fait un retour sans ostentation, samedi lors du 46e congrès extraordinaire du FLNKS, à Ponérihouen, sur la côte est de la Nouvelle-Calédonie.

Le retour de Christian Tein en Nouvelle-Calédonie a lieu alors que le mouvement indépendantiste apparaît isolé depuis qu'il s'est désolidarisé de l'accord de Bougival, conclu début juillet entre l'État, indépendantistes et non-indépendantistes.

Au point mort

La ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, comme son prédécesseur Manuel Valls, ont décidé de poursuivre le processus engagé en région parisienne, tout en assurant que « la porte restait ouverte » à un retour du FLNKS.

Le Front a par ailleurs perdu deux de ses composantes historiques : le Parti de libération kanak (Palika) et l'Union progressiste en Mélanésie (UPM), en désaccord avec le virage radical opéré par le FLNKS en 2024 et tous les deux favorables à l'accord de Bougival. Fin novembre, ils ont donc acté leur retrait définitif du FLNKS.

Mais celui-ci n'est peut-être pas aussi affaibli que ses détracteurs veulent le croire. Une partie des militants du Palika partage le point de vue du Front sur Bougival. « Un État de Nouvelle-Calédonie, mais dans la France ? Pour moi, ce n'est pas ça l'accès à la pleine souveraineté », pointe Eugène Merempon. 

A la tête du comité régional Palika de Ponérihouen, qui s'est officiellement opposé à la sortie du FLNKS, il a fait le déplacement au congrès. A ses côtés, des militants et des cadres d'autres comités, notamment des îles Loyauté.

L'accord de Bougival est lui au point mort. Le report des élections provinciales, cruciales dans l'archipel, a été acté in extremis fin octobre par l'Assemblée nationale. Mais les députés, à l'initiative du groupe socialiste, ont enlevé au passage toute référence à la « mise en œuvre de l'accord de Bougival », raison invoquée pour différer le scrutin.

« Respecter les vieux »

Face aux critiques, locales comme nationales sur l'absence de consensus, le gouvernement a proposé l'organisation d'une « consultation anticipée » pour « donner la parole aux Calédoniens », avait justifié la ministre des Outre-mer lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie en novembre.

Mais la proposition, hors du cadre habituel d'une réforme constitutionnelle, a jeté le trouble. Plusieurs groupes politiques accusent le gouvernement de « mettre la charrue avant les bœufs » et d'empêcher toute possibilité d'amender l'accord puisque les Calédoniens devront s'exprimer sur la version parue au Journal officiel. Or les indépendantistes de l'UNI avaient demandé des modifications substantielles.

Résultat, les groupes socialistes à l'Assemblée nationale et au Sénat ont écrit au Premier ministre, Sébastien Lecornu, pour lui demander de suspendre le projet. 

« L'accord de Bougival est mort », estime le FLNKS, qui doit maintenant réussir la mue entamée en 2024 avec l'intégration des mouvements dits « nationalistes », bien plus radicaux que l'Union calédonienne, la principale composante du Front, et avec qui les relations ne sont pas toujours au beau fixe.

Christian Tein, dont la nomination à la présidence du FLNKS alors qu'il était en détention provisoire dans l'Hexagone pour son rôle présumé dans les violences de 2024 doit beaucoup à ces nouveaux venus, a été clair sur ce point : « Je dis aux jeunes qui ont intégré le bureau politique : « Attention. Il faut respecter les vieux. Chacun à sa place au sein du mouvement ».

Dans son discours, Christian Tein a assuré vouloir maintenir le fonctionnement consensuel du FLNKS par un « travail horizontal » et appelé les militants à être « collectivement à la hauteur ». L'objectif fixé reste celui adopté après le rejet de l'accord de Bougival : discuter avec l'État pour conclure, avant la présidentielle de 2027, un accord devant conduire à l'indépendance.

Avec AFP