Aérien : En Polynésie, Air Moana lance deux nouvelles lignes et espère « arriver à l’équilibre en 2027 »

©Air Moana

Aérien : En Polynésie, Air Moana lance deux nouvelles lignes et espère « arriver à l’équilibre en 2027 »

La compagnie domestique polynésienne, concurrente directe de l’historique Air Tahiti, va lancer deux nouvelles lignes : l’une sur l’atoll touristique de Fakarava aux Tuamotu, la seconde sur l’île de Huahine, dans l’archipel de la société. La compagnie, qui espère « arriver à l’équilibre en 2027, a récemment reçu des aides du gouvernement : plus de 1,5 milliard de francs par la Sofidep, un prêt de 600 millions de francs et une garantie de plus de 500 millions de francs d’emprunt de la société privée. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti, suivie d’une interview de la directrice générale adjointe d’Air Moana.

La direction de la compagnie domestique lancée début 2023 s’est récemment déplacée à Huahine et Fakarava pour préparer l’ouverture de ses deux nouvelles lignes. Des destinations qui s’ajoutent à Bora Bora, Raiatea, Rangiroa, Nuku Hiva, Hiva Oa et Moorea, et dont la desserte sera rendue possible, à partir du 1er juillet, par l’arrivée d’un nouvel avion dans le courant de ce mois de juin.

L’ATR 72-600 XT sera le troisième appareil de la flotte du concurrent d’Air Tahiti, et le premier à être acquis neuf. Air Moana a évoqué, avec les mairies des deux îles, leur programme de vol : quatre rotations par semaine pour Fakarava, 9 fréquences hebdomadaires en juillet et août à Huahine, puis jusqu’à 14 à partir de septembre.

Cette extension du réseau a aussi été rendue possible par l’aide apportée par le Pays à la jeune compagnie, en grave difficulté financière dans le courant de l’année dernière. Après un premier apport de 100 millions de francs de la Sofidep au lancement de la compagnie, puis un nouvel engagement sur 500 millions par la même société de financement début 2024, le gouvernement avait fini par valider, en septembre, un apport au capital d’un milliard de francs à Natireva, la société mère.

Une bouffée d’air financière qui a permis à la société d’exploitation de lever trois milliards supplémentaires auprès d’investisseurs privés, déjà actionnaires pour la plupart, notamment les familles Vanfau et Bréaud. En début d’année, Moetai Brotherson annonçait un nouveau soutien à la compagnie, qui a provoqué beaucoup de débats à l’assemblée, mais qui a bien été voté, et récemment publié au journal officiel.

Le Pays a aussi acquis auprès de la Sofidep 54 actions de Natireva, pour lui permettre de prêter à la société privée, en tant qu’actionnaire, quelques 600 millions de francs. S’ajoute une garantie d’emprunt de la Polynésie sur un prêt contracté à l’étranger pour 1,1 milliard de francs. Le Pays se porte caution sur 50% de la somme. Des fonds qui doivent permettre, à terme, l’acquisition de trois nouveaux ATR qui devraient aussi bénéficier de la défiscalisation locale.

Ces mesures avaient sans surprise fait réagir la direction d’Air Tahiti, qui avait accusé le gouvernement, avec ces aides « massives » et « sans précédent », de fausser la concurrence, et de mettre en péril un secteur où les deux acteurs sont aujourd’hui largement déficitaires. La compagnie historique, qui dénonçait aussi le fait que plusieurs de ses demandes de soutien soient ignorées par le gouvernement, n’excluait alors pas des recours en justice.

INTERVIEW : Marania Boixiere Guérin, directrice générale adjointe chez Air Moana, assure que les difficultés du début de la compagnie sont derrière elle

Radio 1 Tahiti : Air Moana annonce l’ouverture de deux nouvelles lignes, Fakarava et Huahine, grâce à un nouvel ATR qui arrive. Vous l’attendez pour quand exactement ?

Marania Boixiere Guérin : Nous attendons ce troisième avion avec impatience. Il vient de sortir des usines d’ATR à Toulouse. Il est en train de finir les derniers ajustements, les derniers essais en vol. Il est prévu qu’il parte de métropole le 20 juin pour un convoyage qui devrait durer 5 ou 6 jours. Nous espérons l’avoir sur notre territoire le 25 ou le 26 juin.

Il partira ensuite sur ces nouvelles lignes pour Huahine et Fakarava ?

Il y aura d’abord une cérémonie pour l’accueillir et le baptiser. Il s’appellera Poehere. C’est un événement important puisque c’est notre premier avion en propriété propre. Il sera normalement mis en service le 1er juillet, à l’occasion du premier vol inaugural sur Huahine.

C’est le premier ATR en propriété propre d’Air Moana et deux autres doivent rejoindre la flotte ?

Nous avons prévu un plan d’investissement et un plan de financement sur trois avions neufs, il faut compter 25 millions d’euros pour un ATR neuf (3 milliards de francs). Le premier arrive donc en juin et les deux autres en 2026. Ces deux avions doivent remplacer ceux que nous avons actuellement en location. Donc nous serons en juillet 2025 à trois avions et nous continuerons en 2026 à trois avions.

On a parlé des difficultés de la compagnie, de l’aide du pays. Quel est l’horizon de viabilité aujourd’hui ?

Nous avons beaucoup plus de visibilité maintenant grâce à de nombreux éléments. Effectivement, grâce au soutien financier du pays, le fait qu’il garantisse nos investissements, nous avons pu contracter des emprunts auprès des banques. Nous avons des financements d’investisseurs également de métropole et la double défiscalisation sur ces trois avions. Nous avons beaucoup de dynamisme et de projets de développement. Nous faisons aussi des opérations commerciales sur le terrain. Aujourd’hui, nous sommes à Raiatea, nous allons aussi sur les marchés visiteurs en France, aux États-Unis. Ce sont des actions conjointes qui nous permettent aujourd’hui d’être beaucoup plus serein sur l’avenir d’Air Moana. Et l’objectif est d’arriver à l’équilibre en 2027.

Est-ce que la guerre commerciale avec Air Tahiti est toujours aussi féroce ?

On va dire que c’est serré. Au mois de mars, nous avons sorti une promotion. Et trois jours après, Air Tahiti a sorti une promotion avec les mêmes tarifs. Donc, ça nous a fait sourire. Maintenant, c’est au bénéfice de la population. Ceci étant dit, nous multiplions les actions, un petit peu différemment. Ce n’est pas forcément toujours des promotions. Ce sont aussi d’autres actions pour répondre aux besoins de la population, continuer notre développement et on verra comment se positionnera Air Tahiti.

Est-ce que la bataille commerciale sur les prix des billets va se poursuivre ? Les deux compagnies avaient reconnu ne pas pouvoir continuer comme ça…

Notre politique tarifaire consiste à faire des promotions régulièrement ou à des moments bien ciblés. Et ensuite, avoir des paliers de tarifs progressifs qui augmentent en fonction de la disponibilité. Une promotion concerne des périodes bien particulières avec des conditions et des restrictions. Et après, au fur et à mesure des remplissages des vols, il est évident que les tarifs remontent. Ce sont les politiques tarifaires de toutes les compagnies.

Toujours concernant votre concurrent, Air Tahiti était plutôt fâchée de voir le soutien financier accordé par le Pays à votre compagnie. Qu’est-ce que vous répondez ?

On peut comprendre. On comprend aussi qu’effectivement, voir arriver un nouvel entrant, c’est toujours inquiétant. Ce n’est pas la première fois que ça arrive, mais je pense que c’est la première fois que ce nouvel entrant, on va dire, reste. Nous arrivons avec notre expertise, notre plan d’action et nous avons vraiment l’intention de continuer notre développement. De notre côté, nous parlons de concurrence saine. Nous n’avons pas des ambitions extrêmes, juste celle d’apporter une offre de transport supplémentaire à la population. La concurrence est saine dans le sens où elle fait bouger l’opérateur historique. Maintenant, nous, notre ambition, c’est juste d’occuper une petite place, mais une place qui correspond à un besoin réel.

Allez-vous vous positionner sur la délégation de service publique ?

Aujourd’hui, je ne peux pas répondre à cette question. Nous n’avons pas encore suffisamment de visibilité. Notre objectif premier est de viabiliser la situation actuelle. Nous n’avons pas des ambitions de développement fort. Nous verrons comment le marché s’équilibre.

Les billets sont en vente pour Huahine et Fakarava ?

Ils sont en vente depuis le dernier Salon du Tourisme. Nous avions lancé une promotion et une nouvelle est lancée aujourd’hui : 15 000 francs, l’aller-retour entre Tahiti et Huahine et 21 900 francs entre Tahiti et Fakarava. On a hâte d’accueillir et d’ouvrir sur toutes ces nouvelles lignes. 

Charlie René et Lucie Rabreaud pour Radio 1 Tahiti