Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par l’armée Russe le 24 février dernier, une logique inflationniste s’est emparée de la planète avec des territoires impactés à différents niveaux. Mayotte a pour l’heure été relativement épargnée, mais un compte à rebours est lancé avant que la tendance s’emballe et touche les consommateurs mahorais. Cela passera notamment par le port de Longoni par lequel transitent 90 % des marchandises. Explications de notre partenaire France Mayotte Matin.
La présidente du délégataire du port de Longoni Mayotte Channel Gateway, Ida Nel dresse un bilan de la situation économique actuelle. Une situation difficile et encore appelée à se compliquer qui trouve son origine avec la crise de la covid. En effet, avec des dockers tombés malades à travers le monde, les échanges maritimes se sont arrêtés et les grandes compagnies maritimes en ont profité pour mettre au rencard leurs navires passés de vie.
Ainsi, aujourd’hui, le temps que les armadas soient reconstituées, les porte-conteneurs manquent, les ports ne peuvent plus être alimentés de manière aussi régulière qu’avant crise. Ce qui se fait donc rare est plus cher... A cela s’ajoute la crise ukrainienne qui constituait le grenier en quelque sorte le grenier du monde avec une capacité d’ex- ports de l’ordre de 40 % de la demande mondiale en matière de céréales. Là encore, ce qui est rare est cher... Il s’agit d’un effet ciseau qui atteint le port de Longoni. Celui-ci ne saurait être épargné.
Ainsi, ces derniers mois, le prix d’un conteneur à destination de Mayotte s’est envolé. Dans le détail et de manière générale, une boite transportant 20 000 kilos de marchandises coûte 10 000 € lorsque le fret est passé aujourd’hui de 2 500 € hier à 8 000 € aujourd’hui, soit une embellie financière de + 5 500 € qui ne saurait passer inaperçue. A cela s’ajoutent les frais de douanes qui sont calculés à raison du coût de l’emport. Ils gonflent ainsi (toujours en moyenne), de 3 750 € à 5 400 € pour une inflation de 1 650€.
Mais ce n’est pas fini dans la mesure où il faut encore ajouter les frais d’acconage (transbordement) qui n’ont cependant pas bougé à 668€, puis les frais de transit : 300 € hier et 350 € désormais... Au final, le coût d’une boite pleine est plus chère de 7 400 € à l’arrivée à Mayotte. Bien évidemment, les importateurs et revendeurs mahorais ne sont pas des philanthropes et appliquent des marges bénéficiaires pour vivre et qui se reportent sur le prix final.

Plusieurs études de la préfecture décortiquant la vie chère à Mayotte ont établi que le niveau de marge moyen à Mayotte tournait aux alentours de 15 à 20% selon les secteurs et parfois plus, selon les marchandises ou les marchés... Ce qui signifie que le coût de la vie va devoir suivre et ce à tous les niveaux puisque Mayotte vit grâce à un niveau d’importations de l’ordre de 90 % et plus. La production locale est loin d’être majoritaire et comme tous les territoires insulaires, Mayotte peut difficilement inverser la tendance sur un claquement de doigt.
Le verdict de la présidente de MCG Ida Nel est donc sans appel : « les foyers les plus démunis ne pourront pas suivre et seront les premières victimes de l’inflation qui arrive et est même déjà là » ... Avec des hausses qui pourraient ainsi atteindre les 40 % sur les étals et dans les rayons, beaucoup de produits vont devenir inaccessibles pour beaucoup sur un territoire où faut-il le rappeler, 77 % de la population vit en des- sous du seuil de pauvreté.
Le gouvernement a prévu pour sa part de mettre en place un bouclier à l’instar du ticket carburant dont il reste à définir les contours globaux Le bouclier qualité prix qui existe depuis 2012 en Outre-Mer et qui n’a guère démontré ses effets positifs, ne saurait constituer à lui seul le médicament à tous ces maux. Par quoi cela devra-il alors passer ? Plusieurs pistes existent, mais elles sont très limitées, à l’instar de la baisse des taux de l’octroi de mer déjà bas, des taxes douanières, ce que l’État ne pourrait supporter à moyen terme, ou l’encadrement des prix par l’État.
Cette dernière piste est néanmoins peu envisageable, la fixation de plafonds en France n’étant que virtuelle, les prix pratiqués restant libres... Il s’agit donc d’un casse-tête qui se transforme en observation d’une vague s’apprêtant à déferler sur le territoire. Les produits de première nécessité et les carburants ont été les premiers impactés, de très nombreuses autres marchandises vont devoir suivre et cela risque de faire très mal...
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Samuel Boscher pour France Mayotte Matin