Après avoir présenté les nouveaux intercepteurs à la fois de la police et la gendarmerie, Thierry Suquet est revenu sur la politique de lutte contre l’immigration à Mayotte, ce vendredi après-midi. Il espère que « la situation se normalisera» avec les Comores qui refusent toujours d’accueillir leurs ressortissants sous le coup d’une expulsion en lien avec l’opération Wuambushsu. Détails avec notre partenaire Mayotte Hebdo.
Sur le ponton de plaisance de Dzaoudzi, difficile de ne pas évoquer l’actualité récente, ce vendredi après-midi. Alors que Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, évoquait il y a quelques jours « qu’aucun kwassa » n’arrivait à Mayotte depuis le début (officiel) de l’opération Wuambushu, le préfet Thierry Suquet précise « qu’il y en a peu. On a intercepté quelques kwassas sortants, cinq qui arrivaient. Manifestement, le dispositif de dissuasion porte ses fruits ». Il reconnaît qu’avec les liaisons suspendues entre Mayotte et les Comores, sur fond de tensions avec le pays voisin, il n’y a pas « de retours ». « On a bon espoir que la situation se normalisera », appelle-t-il cependant de ses vœux. Interrogé sur la possibilité que des personnes expulsées au cours de ces derniers mois soient déjà de retour, Frédéric Sautron, le sous-préfet de Mayotte en charge de la lutte contre l’immigration illégale, répond : « C’est encore une légende urbaine que je ne peux ni confirmer ni affirmer. Oui, effectivement, certains disent que Mayotte est un gruyère et qu’à chaque fois qu’on part, on revient le lendemain. Moi, je ne suis pas convaincu. Je rappelle qu’on a interpellé 8.000 personnes en mer en 2022, c’est un nombre conséquent. Oui, on a des gens qu’on a reconduit plusieurs fois à des périodes proches. Mais on voit aussi de plus en plus de départs volontaires, 5.000 personnes l’année dernière ».
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En attendant une réouverture côté comorien, la préfecture a décidé de créer une quarantaine de places dans les locaux de rétention administrative pour éviter la surcapacité. « On maintient au centre de rétention administrative, en dehors des gens arrivés en mer, des gens qui sont considérés comme des auteurs de troubles à l’ordre public, des gens qui sortent de prison. On a une gestion très pointue des places en rétention », estime le préfet de Mayotte. Sur terre, les personnes en situation irrégulière interpellées se voient remettre une obligation de quitter le territoire français avec une assignation à résidence. « Cela nous permettra en cas de contrôle, s’ils n’ont pas quitté le territoire français dans les jours qui viennent, de les placer au CRA », défend le délégué du gouvernement, qui tient à rappeler « qu’on continue à avoir des renvois en direction de Madagascar, de l’Afrique de l’est. Évidemment, ça n’a pas de rapport en termes de chiffres avec ce que vous avez l’habitude d’avoir. Aujourd’hui, c’est la volonté, malgré les difficultés que nous rencontrons, de montrer que les reconduites ne sont pas interrompues ».
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« Trois bateaux en même temps »
Faute de renvoyer les étrangers en situation irrégulière vers les Comores, le préfet de Mayotte compte toujours intercepter leurs embarcations. Amarrés au pont de plaisance de Dzaoudzi, les deux navires, « Titan » et « Dharubba », viennent de rejoindre la flotte de neuf intercepteurs chargés de veiller sur les côtes mahoraises. L’un sera utilisé par la police aux frontières et l’autre par la gendarmerie maritime. « L’objectif, c’est d’avoir trois bateaux minimums en mer en même temps. Évidemment, ça peut monter en fonction des besoins », rappelle Frédéric Sautron. « De nouvelle génération », les engins commandés il y a plusieurs mois maintenant peuvent aller à 40 nœuds (environ 70 km/h). Ils remplaceront deux bateaux qui seront réformés. « On est sur 571 kwassas interceptés en 2022, qui transportaient 8.000 personnes environ. 299 repérés ont réussi à « beacher » pour des raisons diverses et variées, des gens présents qui aident, l’état de la mer, en fonction des marées », comptabilise le sous-préfet. « L’amélioration du dispositif, le renforcement des moyens et la professionnalisation des équipes permet d’être plus efficace d’année en année. »
Le préfet de Mayotte voit, lui, une façon « d’assurer la présence de l’État sur le lagon et les eaux territoriales, assurer du secours en mer et assurer l’étanchéité en mer ». Ces intercepteurs et leurs équipes sont confrontés à des passeurs qui tentent de plus en plus de forcer le passage. « Oui, on a affaire à des refus d’obtempérer, des gens qui prennent des risques inconsidérés lorsqu’ils sont proches des côtes. Ils peuvent venir au contact, frapper l’intercepteur, aux risques de chavirer », révèle le commissaire Fabrice Guinard-Cordroch, directeur adjoint de la police nationale. « On a eu le cas il n’y a pas si longtemps avec des gens qui sont tombés à l’eau. »
Par Alexis Duclos pour Mayotte-Hebdo