La Réunion : les récifs coralliens fragilisés par un blanchissement massif et le cyclone Garance

Colonies coralliennes (acropores branchus) blanches sur la pente externe de Grande Anse, mars 2025 (© Marex)

La Réunion : les récifs coralliens fragilisés par un blanchissement massif et le cyclone Garance

Les récifs coralliens de La Réunion font actuellement face à un épisode de blanchissement intense, aggravé par le passage du cyclone Garance. Ce phénomène, étroitement lié à l’élévation de la température de l’océan, touche l’ensemble des formations coralliennes de l’île.
 

Démarré fin janvier 2025, le blanchissement corallien a atteint son pic à la fin du mois de mars. Il s’agit d’un état de stress au cours duquel les coraux, encore vivants, perdent leur coloration et deviennent vulnérables à d’autres agressions, comme les apports d’eau douce, les boues ou les polluants.
Une vaste étude pilotée par l’État et l’Ifrecor (Initiative française pour les récifs coralliens), en lien avec la Réserve naturelle nationale marine de La Réunion et plusieurs acteurs locaux, est en cours afin de mesurer l’ampleur du phénomène et ses conséquences. Il s’agit de l’évaluation la plus étendue réalisée à ce jour sur les récifs réunionnais.

Des résultats préoccupants

Les premiers relevés montrent que tous les récifs frangeants de l’île sont touchés, notamment ceux de Grand-Bois, Grande Anse, Saint-Gilles, et l’Étang Salé. En moyenne, environ 60 % du recouvrement corallien est concerné par le blanchissement. Si la mortalité reste faible pour l’instant (3 %), certaines zones sont plus affectées que d’autres. Les pentes externes des récifs présentent un taux de blanchissement estimé à 78 %, contre 54 % pour les platiers. Les récifs de Grand-Bois et de Grande Anse sont parmi les plus impactés, avec 92 % du recouvrement corallien touché.
Les espèces d’Acropores, connues pour héberger une grande diversité d’organismes marins, figurent parmi les plus sensibles au phénomène.
L’estimation finale des pertes dépendra de l’évolution des températures marines, attendue à la baisse avec l’arrivée de l’hiver austral.

Le cyclone Garance, un facteur aggravant

Le cyclone Garance, qui a frappé La Réunion le 28 février 2025, a engendré des apports massifs d’eau douce, de sédiments, de terres et de polluants via les ravines. Contrairement aux effets habituels des cyclones, qui provoquent des dégâts mécaniques sur les coraux via la houle, c’est ici la stagnation prolongée de ces apports en l’absence de forte houle qui inquiète les spécialistes.
Des dépôts de vase pouvant atteindre jusqu’à 40 centimètres ont été observés, accentuant la pression sur des coraux déjà affaiblis par le stress thermique.

Un enjeu environnemental et socio-économique

Les récifs coralliens jouent un rôle central pour l’écosystème marin et les populations locales. Ils abritent une biodiversité importante, soutiennent des activités économiques comme la pêche et le tourisme, et participent à la protection du littoral contre l’érosion et les submersions marines.
Leur dégradation est également liée à l’aménagement du territoire. L’imperméabilisation des sols, le défrichement ou encore certaines pratiques agricoles accentuent l’érosion et le ruissellement, contribuant à la sédimentation des lagons. Des efforts de préservation sont engagés, notamment à travers des partenariats institutionnels visant à mieux gérer les bassins versants.

Selon les estimations de l’Ifrecor, les récifs de La Réunion représentent une valeur économique de services rendus annuelle de 49 millions d’euros. Leur préservation apparaît dès lors comme un enjeu majeur pour l’avenir de l’île. 

Damien CHAILLOT