Lors des auditions de la Commission d'enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’Outre-mer, l’ancien directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte Olivier Brahic, parmi d’autres, avait tiré la sonnette d’alarme dès le mois de février, anticipant les conséquences désastreuses d’un passage d’un cyclone sur l’archipel.
Le 12 février 2024, les auditions de la Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs en Outre-mer se poursuivent. Dorénavant directeur général adjoint de l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur, spécialiste de la gestion globale des risques et des crises, l’ancien directeur général de l’ARS de Mayotte, Olivier Brahic (de novembre 2021 à septembre 2024), prend la parole et n’y va pas par quatre chemins. « Compte tenu de l’étendue de l’habitat informel sur l’île, le bilan victimaire d’un cyclone serait catastrophique. En outre, le système de santé, déjà très déficitaire, aurait le plus grand mal à faire face à un événement majeur, d’autant plus dans la période de crise actuelle », assène-t-il d’entrée.
À Mayotte, la principale emprise médicale, qui se trouve à Mamoudzou, comporte l’essentiel d’un plateau technique avec le service des urgences, la chirurgie et la réanimation. S’y ajoutent quatre centres médicaux de référence – une sur Petite-Terre et trois sur Grande-Terre. Ils assurent principalement la maternité, les soins programmés et les urgences légères. Mais ce maillage « ne s’agit absolument pas d’un service d’urgence, et c’est d’ailleurs là une des difficultés », souligne Olivier Brahic.
L’ancien directeur général de l’ARS de Mayotte relève cependant que le territoire peut compter sur le Smur de Mamoudzou et d’un héliSmur, (SMUR : structures mobiles d'urgence et de réanimation, ndlr), ce qui représente une sécurité, et de PSM, des boîtes contenant du matériel médical qui permettent de prendre en charge des victimes sur le terrain. « S’agissant de la logistique et du matériel, à court terme, je ne suis pas inquiet parce que notre pharmacie à usage intérieur (PUI) dispose de six mois de stock de médicaments et d’oxygène. Nous devrions donc tenir », précisait-il. Mais un gros problème se pose : l’absence totale de préparation de la population en cas de cyclone, ainsi que celle de la culture du risque sur le territoire, contrairement à La Réunion et aux Antilles par exemple.
Et de poursuivre : « Habituellement, un cyclone fait peu de blessés relevant de la traumatologie – cela a été le cas pour Irma, semble-t-il. Il en irait très différemment à Mayotte où le bilan victimaire pourrait être très lourd dans ce qu’on appelle les bangas, dans les bidonvilles, où les tôles qui s’envolent pourraient causer de très gros dégâts. En outre, les capacités de mise à l’abri sont largement insuffisantes : les centres de vie, qui sont identifiés dans chaque commune, pourraient accueillir 30 000 personnes alors que la population est estimée entre 300 000 et 400 000 habitants ».
Autre fragilité, le problème du turnover des professionnels de santé, avec un centre hospitalier de Mayotte fonctionnant grâce à des renforts nationaux. Par exemple, en 2023, 1200 professionnels de santé ont été envoyés à Mayotte pour permettre au centre hospitalier de tenir. « Ce turnover a pour effet que, sur notre territoire, à la différence de ce qui se passe notamment à La Réunion, où le Samu et les services d’urgence sont aguerris face à ces situations, de nombreux professionnels de santé manquent totalement de cette culture et il est très difficile de les former à la prise en charge d’événements causant de nombreuses victimes », déplorait Olivier Brahic.
Enfin, il conviendrait de sécuriser le dispositif aéroportuaire à Mayotte « Un autre point de fragilité est l’aéroport, dont la piste est très courte et très fragile, ce qui accroît le risque qu’elle ne soit plus praticable. Ce danger, associé aux faibles effectifs de nos équipes, fait de la coopération régionale un enjeu important », ajoutait-il. La Réunion étant trop lointaine pour fournir une base logistique de repli, les équipes d’intervention devraient pouvoir atterrir à Madagascar ou aux Comores. Encore faudrait-il que ces deux pays acceptent le transit de l’aide française.
PM