« Plus que tout autres territoires, les Outre-mer ont besoin de stabilité et de visibilité pour se développer, et cela passe par la stabilité des institutions nationales » écrit la sénatrice de Saint-Martin et Saint-Barthélemy Micheline Jacques, également présidente de la délégation Outre-mer au Sénat, dans une tribune co-signée avec les sénatrices et sénateurs Marie-Do Aeschlimann, Lana Tetuanui et Georges Naturel, ainsi que les députés Stéphane Lenormand et Nicolas Metzdorf.
Nous devons dire la vérité aux Ultramarins. L’augmentation des intérêts d’emprunt, se traduira inévitablement par une réduction des marges de manœuvre budgétaires, alors que le budget pour les Outre-mer est déjà considéré comme insuffisant. Les Outre-mer, territoires fragiles, seraient alors arrimés à une France financièrement affaiblie, dont ils reçoivent des transferts publics qui représentent entre 25 et 37 % de leur PIB. Rappelons, d’ailleurs, que la dernière grande crise financière et budgétaire de 2008 avait été suivie des grandes grèves de 2009. En Martinique, les tensions du fait du coût de la vie bloquent le pays depuis bientôt trois mois.
Surtout, pas un mot pour les Outre-mer dans les textes de motions de censure. Faut-il y voir une approbation tacite de la politique outre-mer du Gouvernement ou de l’indifférence à leur sort particulier ?
Il nous semble nécessaire d’éclairer les populations sur les conséquences d’une censure du gouvernement à court terme sur leur quotidien. En entraînant le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), elle maintiendra, certes, le niveau des exonérations patronales. Si la situation n’était pas aussi grave, on pourrait sourire de l’ironie d’une motion de censure issue de la gauche qui annule la fiscalité sur les plus hauts revenus mais rendra imposables des foyers non-imposés dans les Outre-mer. L’accord sur les prix passé en Martinique ne pourra pas davantage entrer en vigueur, ni être étendu à d’autres collectivités. Pour la Nouvelle-Calédonie, qui a cruellement besoin de trésorerie pour faire face aux mois de tensions qu’elle vient de traverser, une subvention de 500 millions d’euros ne pourra pas être examinée au Sénat.
Les Outre-mer pourraient, au contraire, utiliser cette séquence pour donner un contenu à cette formule si souvent entendue « faire entendre la voix des Outre-mer ».
Plus que tout autres territoires, les Outre-mer ont besoin de stabilité et de visibilité pour se développer, et cela passe par la stabilité des institutions nationales. Or, la crise politique que nous traversons n’ayant jamais existé sous la Vème République, nous sommes sur le point de plonger dans l’inconnu. Cela arrive à l’heure où la grande majorité des Outre-mer sont encore fragiles, ont encore des retards à rattraper et que tous les territoires sont concernés par la vie chère.
L’obligation, pour les régions ultrapériphériques (RUP) d’importer des produits aux normes européennes empêche tout approvisionnement dans les zones régionales. Il faut se rendre compte que les crevettes de Madagascar sont importées à Mayotte depuis la Bretagne, que le bois de charpente de la Guadeloupe et la Martinique vient de Scandinavie et que le bois du Brésil arrive en Guyane de Nantes ! C’est autour de cette problématique vitale pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens que les élus ultramarins doivent se retrouver. Desserrer l’étau normatif doit pour cela être au centre de notre action.
Un texte d’actualisation du droit outre-mer a été déposé au Sénat, il permettra d’adapter un certain nombre de règles pour faciliter la vie administrative dans les outre-mer. Des propositions de lois sur la vie ont été également déposées. Mais pour que ces travaux puissent suivre leur cours au service de nos territoires, plus que tout autres, ils ont besoin d’institutions stables…
Micheline Jacques, sénateur de Saint-Barthélemy
Marie-Do Aeschlimann, sénatrice des Hauts-de-Seine
Stéphane Lenormand, député de Saint-Pierre-et-Miquelon
Nicolas Metzdorf, député de la Nouvelle-Calédonie
Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie
Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française