Le gouvernement de Michel Barnier est tombé, ce mercredi soir à Paris, suite au vote par 331 voix de la mention de censure déposée par le Nouveau Front Populaire, avec les rangs du Rassemblement national. Il s’agit d’une première depuis 1962.
« On a espéré jusqu’à la dernière minute, jusqu’à ce matin, qu’il puisse y avoir un appel du Premier ministre pour rencontrer notre président de groupe et dire qu’il pouvait y avoir encore un chemin » a déploré le député socialiste de Guadeloupe, Elie Califer, qui, comme la plupart des député(e)s Outre-mer de gauche, a voté pour la motion du NFP.
« Il faut maintenant que la censure convoque le président de la République et le futur Premier ministre ou la future Première ministre, à un engagement d'échanges démocratiques et de compromis, tout ceci dans l'intérêt supérieur de la Nation française » ajoute le député pour qui, ce vote était une « manière de faire entendre la détresse de nos territoires, mais aussi d'appeler un gouvernement qui prendrait de façon sérieuse la problématique ultramarine en proposant des plans pluriannuels de développement pour nos territoires ».
« Nous sommes face à un gouvernement qui préfère discuter avec l'extrême droite plutôt que de discuter avec l'essentiel des élus ultramarins » a justifié de son côté le député de Martinique, Jiovanny Williams (PS). « J'espère qu'il y aura un gouvernement qui prendra en compte le vote des Françaises et des Français, le vote des Ultramarins aux dernières élections législatives, et qu'il y ait véritablement des compromis ».
Bien que la chute du gouvernement fasse aussi tomber les dispositifs législatifs du protocole signé en Martinique visant à une baisse des prix de 20%, le député appelle l’État et la Collectivité, qui « ont pris des dispositions », « à s’y tenir ». « Mais ça ne suffira pas de toutes les manières pour faire en sorte que les prix baissent et de manière pérenne » a-t-il concédé. « Nous avons fait adopter une loi d'urgence contre la vie chère. Un nouvel outil qui va nous permettre d'aller plus loin sur la lutte contre les prix trop élevés » a tempéré de son côté la députée socialiste de Martinique Béatrice Bellay.
« Nous espérons qu'avec un nouveau gouvernement, nous pourrons discuter des questions relatives, notamment à la continuité territoriale, qui nous semble être aujourd'hui une mesure d'équité et d'égalité pour tous les habitants des pays des océans » a-t-elle poursuivi. « Il semblerait que le Président ait dit qu'il ne prendrait que 24h pour nommer un nouveau Premier ministre. Nous espérons qu'il aura la clairvoyance de nommer un Premier ministre de gauche (…). Nous avons dit être prêts à travailler les uns avec les autres et à construire aussi ce qui pourrait être un accord de non-censure ».
« Je ne vote pas la censure, mais le cœur y est »
Du côté des votes contre cette motion, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (Liot) « refuse de participer à une instabilité politique et économique que nos territoires ne peuvent pas se permettre ». « Je refuse aussi que ça ait un effet mécanique d'augmentation des impôts pour les foyers, de gel des minima sociaux et de gel de certains crédits qui sont importants pour nos territoires. Même si ce n'est que temporaire, on est trop fragile pour se le permettre » a ajouté la députée qui se dit toutefois « très critique de la politique qui a été portée par le Premier ministre ».
« Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même sur la situation dans laquelle il se retrouve » tance la députée de Mayotte qui a « fait appel à toutes (ses) capacités de responsabilité pour ne pas voter la censure (…). Le Premier ministre a très mal manœuvré pour nos territoires, il n'a strictement rien fait ». « Je ne vote pas la censure, mais le cœur y est ».
Député du même groupe, Max Mathiasin (Guadeloupe) a également voté contre la motion, dans un souci de « visibilité » et de « stabilité ». « Je ne peux pas, moi, me lancer dans un jeu politique où je vois que chacun joue sa partition et où c'est le Rassemblement national qui mène la danse », regrette Max Mathiasin qui estime que « le jeu qui se joue aujourd'hui, c'est déjà la Présidentielle ». « Dans tout cela, il y a 3 200 milliards d'euros de dettes. Il faut bien que quelqu'un paye à un moment ».
Autre vote contre, celui du député de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf (EPR). « On a besoin d'avoir un gouvernement qui fonctionne pour discuter du futur de la Nouvelle-Calédonie (…) et on a besoin d’avoir une stabilité économique et financière et du soutien de l’État ». « Un gouvernement qui manque à Paris ce sont des décisions budgétaires qui ne sont pas prises pour 2025 » pour la Nouvelle-Calédonie, a déclaré le député qui travaillerai déjà, avec le délégué interministériel Emmanuel Moulin, sur une solution pour pallier à la perte d’1 milliard d’euros en garanti de prêt, prévu au budget 2025.
« Je regrette que ceux qui votent pour participent à la déstabilisation de la France et des Outre-mer » a poursuivi Nicolas Metzdorf, selon qui « la France n’a plus le choix aujourd’hui que d’être dans le compromis ». Bien qu’absent lors du vote, le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou (GDR) a, comme son collègue non-indépendantiste, voté contre cette motion.