INTERVIEW. « Je ne suis pas les autres, just me » : En représentation à Paris, la comédienne guadeloupéenne Laurence Joseph « ne veux pas qu’on la mette dans une case »

©Vinent Shango

INTERVIEW. « Je ne suis pas les autres, just me » : En représentation à Paris, la comédienne guadeloupéenne Laurence Joseph « ne veux pas qu’on la mette dans une case »

Du 16 au 26 octobre 2025, du jeudi au dimanche, la comédienne, humoriste, chanteuse et auteure guadeloupéenne, Laurence Joseph sera sur scène à Paris pour nous gratifier de son nouveau spectacle « Je ne suis pas les autres, just me », après l’avoir rôdé avec succès en Guadeloupe. Un one woman show original, hilarant et haut en couleur mêlant sketch et stand up où elle traite de la diversité sous toutes ses formes et aborde en chanson et avec une bonne dose d’humour et d’ironie des sujets brûlants d’actualité. A cette occasion, nous l’avons rencontrée et interrogée sur sa carrière d’artiste pluridisciplinaire, ses débuts dans le métier, son spectacle, son sentiment sur la place des artistes issus de la diversité dans le cinéma et à la télévision dans l’hexagone, ses projets, ses ambitions… Pleins feux sur une artiste pétrie de talent et en pleine ascension qui gagne à être connue.   

Comédienne, humoriste, chanteuse, auteure et même scénographe, diriez-vous que vous êtes une artiste moderne qui assume ses multiples casquettes ?

Oui aujourd’hui je peux le dire…disons que je suis un peu un caméléon. 

Vous vous êtes fait un nom grâce au « Duo Domino », un couple mixte composé d’une Antillaise et d’un Breton. Que retenez-vous de cette période ? Une histoire d’amitié ? Une opportunité d’ouverture dans le milieu du spectacle ? Des rencontres avec le public ? ...

 Je retiens de cette période beaucoup de joie de monter sur scène et de partager les rires car on a beaucoup ri. Oui une histoire d’amour et d’amitié…avec Laurent… et le public…qui ne m’a jamais lâché et pour cela je lui en suis très reconnaissante. 

Alors oui ça a aussi été une belle opportunité d’ouverture, le public hexagonal (pas seulement à Paris) nous a découvert et apprécié notre humour assez différent et décalé venu directement des Antilles. 

Et puis avec Laurent Tanguy et Bruno Messy notre manager, nous étions un peu comme les trois mousquetaires à la conquête du monde.  

 Après avoir rôdé votre nouveau spectacle « Je ne suis pas les autres, just me » au New-Morning en mars dernier sur une seule date, vous vous apprêtez à le présenter à Paris sur un plus long temps. Parlez-nous de ce spectacle ? Y-aura-t-il des changements par rapport à la première mouture ? Qu’en attendez-vous ?

 Alors après le New Morning en Mars je suis allée en Guadeloupe où je l’ai rôdé sur une dizaine de dates du 3 avril au 3 juin devant mon public adoré venu en masse car j’ai eu plus de 1500 spectateurs au total…

Je propose toujours mes spectacles en exclusivité en Guadeloupe. Ensuite je suis partie au festival d’Avignon à la Chapelle du verbe incarné (Théâtre des outre-mer) du 5 au 24 juillet dernier. J’ai d’ailleurs eu quelques belles critiques des médias (La Provence, Avignon et moi…) 

Dans ce spectacle j’informe à qui veut l’entendre que je veux être chanteuse et n’en déplaise à mes personnages de toujours (Ernestine, Killer, LJ et Karlita…) qui eux ne veulent pas que je chante car ils n’existeront plus. Il y a déjà beaucoup de changement par rapport à la 1ère mouture. C’est un spectacle qui évolue constamment. Je parle de l’écologie, de la place de la femme noire dans le divertissement, mais aussi de la politique, donc je m’adapte beaucoup à l’actualité. Et du coup les personnages aussi. lol

 Son titre est à la fois évocateur et accrocheur pour ne pas dire provocateur.  Quel est le message que vous voulez délivrer ? S’agit-il d’affirmer votre différence en tant que femme guadeloupéenne, noire, issue de la diversité, bref, d’une affirmation identitaire ou plus généralement d’un hymne universel à la tolérance et au respect de la liberté de chacun ?

 Il s’agit de tout cela en même temps. Plus largement oui, il faut être tolérante et respecter la liberté de chacun …mais notre liberté s’arrête souvent là où commencent celles des autres. Et puis je ne veux pas qu’on me mette dans une case genre « humour antillais ». Je trouve que ça me limite. En fait, pour la petite histoire je ne savais pas quoi mettre comme titre…car c’est mon 3ème spectacle solo. Le 1er c’était « Ça va décoiffer », le deuxième « surtout ne change pas » et puis je me suis rendue compte que le titre « je ne suis pas les autres, just me » parlait de lui- même. Je suis noire, guadeloupéenne, mais je vis dans l’Aveyron, une région que j’aime beaucoup. Je suis comédienne de théâtre, mais aussi de télévision et j’aspire à faire du cinéma depuis que j’ai commencé ce métier. Je me sens un peu différente dans ma façon d’aborder les choses. 

Dans ce spectacle, vous ne manifestez pas seulement le désir de chanter, mais vous chantez vraiment sur une musique composée par Fred Deshayes, connu pour être le leader du groupe guadeloupéen Soft, avec lequel vous avez réalisé un duo sur « la chanson du limbé des femmes ». Comment s’est passé cette collaboration ? Avez-vous l’intention de poursuivre dans la musique et la chanson ?

Alors ce fut une belle surprise de voir Fred venir me demander de chanter avec lui. Au départ, je lui ai dit :  Fred, je suis comédienne, pas chanteuse et qui plus est en duo, ça va me mettre des « guillons », lol.

J’ai mis genre 6 à 9 mois avant d’écrire la chanson et je l’ai finalement écrite en un après-midi, comme une grossesse et un accouchement rapide (mdr).

J’ai adoré collaborer avec Fred. On s’est bien amusé et surtout c’est un super chanteur et un musicien talentueux. C’est un honneur pour moi. J’ai eu la chance de performer avec Soft pour les différents concerts de leurs 20 ans, notamment au Palais des sports du Gosier devant 4000 personnes, à la Cigale à Paris… Il est venu plusieurs fois m’accompagner sur scène dans mes shows (souvent par surprise) pour interpréter cette chanson (qui est d’ailleurs dans le spectacle). Et oui, j’ai l’intention de continuer. J’ai déjà 2 autres titres en cours qui sortiront bientôt, dont « la sieste » que les spectateurs ont déjà découvert lors de mes dernières prestations. 

Vous êtes presque toujours l’auteure de vos spectacles. Est-ce un choix délibéré en vous disant que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, ou une façon de pallier le manque de visibilité et de propositions offertes aux comédiennes et comédiens issus de la diversité ?

C’est un peu des deux. Mais c’est vrai qu’on est jamais mieux servi que par soi -même. Au départ j’avais pas trop le choix et puis j’aime écrire depuis toujours. J’ai beaucoup collaboré avec Laurent Tanguy à l’époque de Domino. C’est vrai que je ne croule pas sur les demandes de collaboration en écriture mais je reste ouverte à diverses propositions. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de demander à d’autres auteurs et comédiens (je ne donnerai pas de noms) de coécrire ou collaborer, mais je n’ai pas encore eu de retour… Certaines personnes avec qui j’ai déjà travaillé et avec beaucoup de plaisir notamment Franck Lehen, auteur de « Bonjour Ivresse », pièce dans laquelle j’ai joué à ses côtés, sont susceptibles d’être dans mon futur paysage d’écriture…

Quel est votre sentiment quant à la question de la représentation des actrices et acteurs issus de la diversité dans le cinéma ou à la télévision dans l’hexagone ? Diriez-vous qu’elle est réduite à la portion congrue et que tout reste à faire dans ce domaine ?

Vu que je suis quelqu’un de plutôt positif, je dirai que j ’ai le sentiment que ça évolue très très doucement…Il y a encore beaucoup de choses à faire !!! Surtout pour qu’on ait une réelle visibilité. 

J’ai pu être visible dans divers projets audiovisuels…et j’ai l’impression que beaucoup de mes compatriotes et pas seulement ne connaissent pas vraiment mon parcours ou ne sont pas au courant. On a pu me voir dans « Comme des Gosses » sur M6, aux côtés de Michelle Bernier dans « Coup de Sang » où j’avais un rôle d’avocate super intéressant. On a pu me voir aussi aux côtés de Sonia Rolland dans « Tropiques Criminels ». Je tenais le rôle d’une meurtrière. J’ai aussi eu la possibilité de faire une voix dans un dessin animé « Mères anonymes » qu’on peut retrouver sur Arte TV.

Mais on est très peu représenté en tant qu’antillaise, caribéenne. Il faut être métisse ou avoir les cheveux bouclés pour avoir un rôle et encore même avec cela, c’est compliqué… Sinon, on nous cantonne à de la figuration ou à des très petits rôles. Souvent, on nous demande même de prendre un accent, lol. J’ai tout de même eu la chance de pouvoir jouer dans quelques films TV avec des rôles intéressants, dont : « Le rêve Français » avec Aissa Maiga, Yolli Fuller, « Les Sandales Blanches » avec Amel Bent, « Meurtres en Guadeloupe » avec Bernard Yerles, Clair Jaz, Greg Germain. Mais c’est beaucoup grâce à Eloa Prod, une production avec des Martiniquais à la tête, qui donne la possibilité d’incarner des rôles importants en tant que femme issue de la diversité ! Je serai d’ailleurs dans « Meurtre à Saint-Martin » qui sortira prochainement sur France TV.

Heureusement, l’industrie se développe de plus en plus chez nous en Guadeloupe et on peut nous voir un peu plus… On a d’ailleurs pu me voir aux côtés de Firmine Richard et notre défunt et talentueux comédien Jacques Martial dans « Wish Caribbean », dont les réalisateurs Julien Dalles, Marc Boye, et Dimitri Zandronis sont des guadeloupéens. 

Propos recueillis par Erick Boulard 

« Je ne suis pas les autres, just me »

De et avec Laurence Joseph

Du 16 au 26 octobre 2025

Du jeudi au samedi 21h - dimanche 18h

Le local des Artistes

18, rue de l’Orillon

75011 Paris 

Renseignements : https://lelocaldesautrices.fr  - Tél : 01 46 36 11 89