Guyane : Un livre pour préserver les arts traditionnels Wayana-Apalai du Haut-Maroni

©Radio Péyi

Guyane : Un livre pour préserver les arts traditionnels Wayana-Apalai du Haut-Maroni

Un ouvrage dédié aux arts traditionnels des populations Wayana et Apalaï du Haut-Maroni vient de paraître aux éditions GADEPAM. Fruit d'un travail de vingt années, ce livre coordonné par Marie Fleury, maître de conférences au Muséum National d'Histoire Naturelle, vise à documenter et transmettre des savoir-faire en voie de disparition. Focus avec l’interview de Marie Fleury par nos partenaires de Radio Péyi.

L'ouvrage recense les principaux motifs, modèles et techniques issus de la tradition wayana et apalaï : vannerie, tissage, architecture, céramique, entre autres. L'objectif premier est de fournir un support documentaire aux jeunes générations, souvent scolarisées et ne pouvant plus observer directement les gestes de leurs aînés.

Marie Fleury explique la genèse de ce projet : « Le point de départ, c'est dans les années 2000, j'avais choisi de travailler avec Kiwaiana puisque j'avais déjà commencé à travailler avec Kiwaiana depuis 1996. Très vite, on s'est rendu compte, c'était un petit peu le cas dans toutes les communautés de Guyane d'ailleurs, qui avaient une très grande richesse au niveau des arts traditionnels, mais aussi une très grande fragilité parce que beaucoup de détenteurs de savoirs, de personnes qui savaient faire des choses ne le fabriquaient plus. Et la raison qui était la plus souvent invoquée, c'était le manque de débouchés économiques, le fait qu'il ne l'utilisait plus dans la vie quotidienne, parce que ça a été largement remplacé par des gamelles en plastique, en aluminium et qui ont remplacé les objets qui étaient vraiment utiles au quotidien. La démarche elle est partie de là, essayer de remédier à la disparition des savoir-faire et de toutes ces connaissances qui sont liées au milieu naturel ».

Le livre décrit également les processus de fabrication de certains objets emblématiques, permettant de mieux appréhender la complexité des savoirs artisanaux. « On voit certains objets (...) on ne se rend absolument pas compte de la quantité de matériaux qu'il faut connaître, aller ramasser, récolter, transformer, travailler, et cætera. Et c'est un peu ça que j'ai voulu montrer. Dans le livre, vous avez accès à un QR code qui vous emmène sur un site où vous allez trouver des films qui retrace la fabrication de tel ou tel objet, de telle partie d'objet parce que c'est la pointe de flèche, l'empennage, il y a plein de techniques. C'est là où on se rend compte du temps et de la technicité, mais extrêmement poussée, extrêmement raffinée que ces peuples ont mis en place pour arriver à produire cet art », décrit Marie Fleury.

Un enjeu majeur de ce projet a été la protection des savoirs traditionnels. L’ensemble des connaissances recensées dans cet ouvrage appartient aux populations Wayana et Apalaï, et un label a été créé afin d’assurer une protection juridique. Marie Fleury explique : « Dans un premier temps, mon idée c'était de faire un DVD interactif à visée des jeunes. J'ai mis dix ans déjà à réaliser le DVD, qui est devenu un site internet. Mais quand j'ai terminé, je n'ai pas pu le sortir parce que j'avais un blocage, je me suis dit, je vais livrer ça au public, aucune protection. Et ça faisait déjà plus de 10 ans que les Wayana se plaignaient de se faire piller en fait de leurs motifs. Comment protéger un savoir autochtone ? C'est très compliqué dans la législation française. Le peuple autochtone, on a à peine le droit de le prononcer puisqu’ils ne sont pas reconnus dans la loi française. En plus là, on parle de propriété collective, donc ça, c'est quelque chose de très compliqué à appréhender. Donc il y avait plusieurs possibilités qui s'offraient et ils ont choisi le label qui est une forme assez souple en fait, qui est une forme de protection juridique plutôt défensive. C'est-à-dire à partir du moment où c'est publié, on sait que ça leur appartient. Et après on verra, éventuellement discuter avec le Brésil. Ils ont déjà eu des registres de protection dans notre patrimoine culturel immatériel ».

Ce livre, réalisé en collaboration avec l’association ITENKOM, est désormais disponible en Guyane. Une ressource qui se veut essentielle pour la préservation et la transmission d'un patrimoine inestimable. 

Damien Chaillot