Géopolitique : la campagne de désinformation de l’Azerbaïdjan vers les DROM-COM et la Corse décryptée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

Des représentants des Outre-mer à Bakou, en juillet 2024 ©DR

Géopolitique : la campagne de désinformation de l’Azerbaïdjan vers les DROM-COM et la Corse décryptée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

Entre juillet 2023 et octobre 2024, VIGINUM (Service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, rattaché au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale) a mené une analyse approfondie de l'activité en ligne du Baku Initiative Group (BIG) et d'un réseau de comptes X associé. Les résultats de cette étude révèlent une stratégie de communication délibérément hostile à la France, axée sur les tensions socio-politiques dans les DROM-COM ainsi qu'en Corse, afin de nuire à l’image internationale de Paris.

 

« Cette campagne numérique de manipulation de l’information a pour objectif de tenter (sans succès) de remettre en cause l’intégrité territoriale de la France dans ses territoires ultramarins, en instrumentalisant notamment les mouvements et idées indépendantistes », souligne le rapport de VIGINUM, publié le 2 décembre. Deux tentatives distinctes ont marqué cette opération.

Tout d’abord, entre juillet 2023 et février 2024, un premier réseau de comptes inauthentiques sur X a multiplié les tentatives d'amplifier la portée des communications du Baku Initiative Group (BIG). Par la suite, lors des émeutes en Nouvelle-Calédonie en mai 2024, ces mêmes comptes, ainsi que d'autres, ont activement participé à une campagne de désinformation en diffusant de fausses preuves accusant les forces de l'ordre. Cette campagne a été rendue possible grâce à des techniques d'amplification artificielle, selon VIGINUM.

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Depuis le printemps 2024, le BIG a facilité l’établissement de relations entre des mouvements indépendantistes et l’Azerbaïdjan. Cela s’est concrétisé par des événements et des conférences médiatisés, durant lesquels des mémorandums d’entente non contraignants ont été signés. Le 18 avril 2024, une délégation de Nouvelle-Calédonie a été reçue au parlement azerbaïdjanais, laquelle a signé un mémorandum reconnaissant le droit à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.

 Par ailleurs, « le 30 avril 2024, dans le cadre d’une conférence organisée par le BIG, au sein des locaux des Nations unies à Vienne, son directeur, Abbas Abbasov, a signé à son tour un mémorandum avec un représentant du parti polynésien Tavini Huiraatira. Tout comme pour le mémorandum avec la Nouvelle-Calédonie, cette signature a été largement relayée par les médias azerbaïdjanais », relève le rapport de VIGINUM. Le BIG a aussi annoncé la création de bourses d’études pour les étudiants issus des territoires d’Outre-mer.

Le 18 juillet 2024, le BIG a encouragé la création d’un « Front International de Libération des Dernières Colonies Françaises » (FILDECOF), rassemblant des représentants des formations indépendantistes des DROM-COM et de Corse. « Le programme de ce nouveau mouvement, selon les publications du BIG, est « d’unir les efforts des colonies dans leur processus de décolonisation », et de permettre aux représentants des différents mouvements de dénoncer « la politique raciste et les répressions » supposées de la France », constate le rapport.

 Face à la détérioration de la sécurité en Martinique liée aux manifestations contre la vie chère, le BIG a cherché à exploiter les tensions entre manifestants et forces de l’ordre (notamment la compagnie républicaine de sécurité n°8). Entre le 8 et le 11 octobre 2024, VIGINUM a identifié sur X la diffusion d’au moins onze vidéos. Celles-ci visaient à manipuler l’opinion publique en promouvant un narratif trompeur, notamment en accusant la France de mener une politique de répression coloniale dans les DROM-COM.

 « La publication de ces vidéos a été accompagnée par plusieurs séries de hashtags tels que « #martinique #independence #colonialism #frenchcolonial #liberty #unión #union », sans que ces derniers ne contribuent à augmenter véritablement la visibilité des publications de l’organisation », note cependant l’étude.

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 En conclusion, le BIG, se présentant comme une organisation non gouvernementale luttant contre le colonialisme, dissimule en réalité une activité numérique orchestrée par les autorités azerbaïdjanaises, précise VIGINUM, « essentiellement dictée par les objectifs de politique étrangère des autorités de Bakou », notamment envers l’Arménie. Malgré une audience limitée, les conférences du BIG font l'objet d'une promotion démesurée en ligne. L'analyse des réseaux numériques impliqués révèle des liens étroits avec le pouvoir politique azerbaïdjanais, notamment le parti présidentiel YAP.

« Par conséquent, la raison d’être revendiquée par le BIG (lutte contre le colonialisme et soutien des initiatives de décolonisation) semble en réalité viser prioritairement la France, révélant ainsi la véritable finalité poursuivie par cette officine de propagande d’État : instrumentaliser les mouvements et idées indépendantistes afin de porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un État dont les prises de position ou déclarations sont contraires aux intérêts de l’Azerbaïdjan », déplore VIGINUM.

 

PM