En Guyane, plus vaste département de France, organiser des élections dans un délai aussi court que celui des législatives anticipées est un véritable défi logistique, tant pour les services de l'Etat que les mairies.
La Guyane est également l'un des moins densément peuplés d'après avec 3,4 habitants au km2. Sept communes sur les vingt-deux ne sont pas reliées au réseau routier, peu dense et limité à la bande littorale, où se concentre la majorité des 300.000 habitants.
À chaque élection, le matériel de vote (bulletins, enveloppes) est acheminé dans ces communes isolées par hélicoptères. "Notre mission est de s'assurer que chaque Français puisse disposer du droit de vote, fondamental en démocratie, y compris au fin fond de la forêt amazonienne", explique à l'AFP Gwenaëlle Coat, directrice de la citoyenneté à la préfecture de Guyane.
Ce vendredi, elle rentre tout juste d'une tournée de 4 heures en hélicoptère pour distribuer le matériel électoral aux communes et bureaux de vote isolés, certains se trouvant parfois à plusieurs jours de pirogue et de transport de Cayenne.
Au cours du circuit, la préfecture a également livré aux communes qui en ont fait la demande des antennes Starlink permettant d'avoir accès à internet par satellite. "Comme les réseaux publics fonctionnent par intermittence et que nous avons besoin de contacts fiables, à la fois pour faire descendre la communication et pour faire remonter les résultats, on doit s'assurer que chaque commune puisse être joignable" les jours de vote, les 29 juin et 6 juillet en Guyane, explique Mme Coat.
La gendarmerie mobilisée
Dans le village amérindien de Trois-Sauts, sur le fleuve Oyapock, frontalier du Brésil, à plus de deux jours de transport de Cayenne, un gendarme sera dépêché pour doubler la remontée des informations, les moyens de communication militaires étant jugés plus fiables.
Autre spécificité, la mobilisation des militaires et leurs moyens héliportés au lendemain du premier et du second tour afin de faire remonter jusqu'à Cayenne les résultats et PV des bureaux de vote, des documents sensibles placés sous plis sécurisés.
Cette tournée des gendarmes passera notamment par le bureau de vote de Taluen, village amérindien situé à deux heures de navigation de la commune de Maripasoula (Sud-Ouest) et ses 15.000 habitants, elle-même située à plusieurs heures de pirogue du littoral.
"Nos quatre bureaux de vote sont un peu éparpillés", décrit le maire, Serge Anelli. "A part ça, la logistique est la même qu'en métropole", résume l'édile de cette commune isolée où un collectif pour lutter contre l'enclavement est né en 2022 et présente cette année un candidat sur la 2e circonscription.
"Tout est précipité"
"Pour l'instant, nous sommes dans les temps pour fournir le matériel d'ici au 29 juin. Le timing sera en revanche beaucoup plus réduit pour le second tour. Mais globalement, le rythme est très intense, nous ne faisons plus que ça", souligne la directrice de la citoyenneté depuis le Palais des sports de Matoury, près de Cayenne, reconverti en plateforme logistique électorale.
C'est dans ce lieu plutôt habitué à accueillir compétitions sportives et salons en tout genre que les candidats ont dû faire livrer leurs professions de foi, avant qu'elles ne soient mises sous pli par les services de l'Etat, puis distribuées par La Poste aux électeurs.
Rodés, les agents du service élections de la mairie de Cayenne, chef-lieu de la Guyane, le sont après l'organisation récente des élections européennes. Pour autant, les ressources humaines sont en tension à l'approche du scrutin. De nombreux assesseurs, secrétaires et présidents de bureaux de vote ne seront en effet pas présents les jours de vote.
"Il y a beaucoup de départs en vacances, programmés avant la dissolution, donc pour l'instant, nous manquons de monde pour gérer les 38 bureaux de vote de la ville", déplore Aïcha Belameri, responsable du service élections à la mairie de Cayenne. "Tout est précipité. D'ordinaire, on organise sur six mois les élections. C'est ce que nous avons fait pour les Européennes. Là, il faut tout faire en 15 jours. Toutes nos autres missions sont mises de côté".
En 2017, l'absence d'assesseurs dans deux bureaux de vote de Maripasoula avait conduit à l'annulation de l'élection législative de la 2e circonscription de Guyane.
Avec AFP