La pandémie a bien sûr marqué les esprits. Nombreux sont les moments où les pays en développement expriment leur colère ou leur déception de ne pas pouvoir accéder facilement aux vaccins. Tandis que sur tous les stands institutionnels ronronnent les principes de One Health « une seule santé », concept qui nous replonge au cœur du bien vivre sur une planète en bonne santé, et remet l’homme au cœur du vivant. Reconnaissance des faits : dont acte. Mais quelles suites ?
L’événement qui trouble ici le secteur, c’est le coup de semonce de la revue Lancet, très officiel journal de l’association médicale américaine, diffusant un éditorial commun aux deux cents revues scientifiques les plus prestigieuses, relayé par le journal Le Monde : « La plus grande menace pour la santé publique mondiale est l’incapacité persistante des dirigeants à maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 1,5 °C et à remettre la nature en état, écrivent les signataires de l’éditorial. Des changements urgents doivent être apportés à l’échelle des sociétés et conduiront à un monde plus juste et plus sain. En tant que rédacteurs en chef de revues spécialisées dans le domaine de la santé, nous appelons les gouvernements et les autres dirigeants à agir, en faisant de 2021 l’année où le monde changera enfin de cap. »
Un appel qui vient gravement interpeller le constat formulé depuis le début de la pandémie comme l’a rappelé la représentante de l’OMS : « nous avons sous estimé l’évaluation des risques liés à la modification des écosystèmes ». Il ne s’agit plus simplement de se préoccuper des zoonoses ou de leur prévention mais de relier les études santé aux changements climatiques et aux atteintes à la biodiversité, c'est-à-dire tenter de réduire les vulnérabilités.
Dès le 12 novembre 2020 au Forum de Paris sur la paix, répondant aux recommandations du rapport sur la biodiversité et les pandémies publié par IPBES en octobre 2020, émergeait « ONE HEALTH ».
A Marseille, à l’occasion d’une table ronde Benjamin Roche (1) confirme la volonté de prévoir davantage et surtout de n’opposer aucune des approches scientifiques et nous renvoie à PREZODE, initiative internationale mise en place en Janvier 2021 lors du One Planet Summit, développée sous l’égide du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation .
Ne cherchons pas dans cette initiative une quelconque réponse à l’état du système hospitalier ou aux fulgurances du Coovid 19. Fondé sur l’interdisciplinarité, PREZODE doit combiner des projets de recherche et des actions opérationnelles à l’international.. Le Congrès s’est donc penché sur une meilleure coexistence entre l’élevage et la faune sauvage, ou encore sur le trafic d’espèces sauvages et protégées.
Rappelons que la France se classe parmi les trois premiers pays importateurs d’espèces sauvages d’Europe et que le rapport TRAFFIC (WWF) relève le rôle central de la France métropolitaine et d’outre-mer dans le commerce d’espèces sauvages inscrites à la CITES.
Les 12 territoires d’outre-mer dispersés à travers le monde confèrent une diversité biologique, une richesse spécifique et un endémisme quasi unique. Cela explique en partie le fait qu’entre 2008 et 2017, 45 millions de spécimens ont été directement exportés depuis la France ou avaient la France pour pays d’origine. Bien sûr la Chine a ses responsabilités. Personne n’oubliera le rôle imputé à la vente du pauvre pangolin dans l’extension de la pandémie COVID19….
PREZODE s’attaque donc à la prévention et à la détection des causes des zoonoses. Mais l’enjeu pour la France sera de maintenir cette coordination et d’augmenter son budget « prévention » qui n’est actuellement qu’une portion congrue de 3% du budget santé.
En co-construction dans onze pays du monde, PREZODE rassemble 1000 chercheurs qui échangent leurs données au cœur d’un même centre de ressources. Son élargissement à échelle internationale se poursuit. Quarante ONG internationales l’ont rejoint pour un travail de longue haleine. « Si nous sommes entrés dans l’ère des pandémies, nous évoluons au sein d’opportunités sans précédent » prédit l’OMS en espérant construire de manière durable ce lien entre santé humaine, santé animale et santé environnementale. Les zones tropicales où pullulent les chauves- souris et où sévit la déforestation sont particulièrement touchées par ces exigences. La Guyane française renforce son observation des zones touchées par la déforestation et l’orpaillage illégal
Dominique Martin-Ferrari