Nous en parlions en août dernier, la Collectivité de Wallis et Futuna pourrait bien, courant 2021, être desservi par une nouvelle compagnie aérienne, créée par un enfant du pays. Louis Alphonse, entrepreneur, s’est en effet lancé dans une aventure aéronautique avec WF Aviation et sa compagnie régionale Air Corail. Il espère remettre au goût du jour la Route du Corail, un chemin aérien qui s’étendait de la Nouvelle-Zélande à Tahiti, en passant par les îles du Pacifique. INTERVIEW.
Outremers360 : Avant de parler de votre projet de compagnie aérienne régionale, pouvez-vous nous raconter votre parcours personnel et professionnel ?
Louis Alphonse : J’ai grandi à Wallis et Futuna, et y ai fait tout mon parcours scolaire jusqu’au baccalauréat. Après son obtention, et comme beaucoup de jeunes du territoire, je suis ensuite parti pour la France où j’ai initié mon expérience professionnelle dans plusieurs secteurs d’activité. J’ai ensuite fait un passage à la CCI du Doubs à Besançon pour une formation managériale. De retour au Fenua, j’ai repris la Direction de l’entreprise familiale qui distribue Toyota et Yamaha sur le Territoire. Depuis, je poursuis le développement de Technic Import en optimisant sa gestion, en explorant de nouvelles opportunités et de nouveaux circuits d’approvisionnement. Enfin, je me lance dans le monde aéronautique avec WF AVIATION, avec pour but le désenclavement du territoire de Wallis et Futuna.
Vous avez initié ce projet en 2019. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Il y a plusieurs axes ; tout d’abord nous continuons de communiquer sur nos intentions et les différents aspects du projet. Nous sommes allés à Paris en Janvier où nous avons été reçus au Ministère des Outre-Mer, à Matignon, l’Aviation Civile, interlocuteurs privilégiés pour un projet de cette ampleur, et bien sûr notre recherche d’investisseurs afin de terminer la capitalisation du projet.
Créer une compagnie aérienne est un projet très ambitieux, qui nécessite un financement conséquent. Est-ce indiscret de vous demander comment vous financez votre projet ? Avez-vous déjà des investisseurs ? Je pense notamment à l’achat d’appareils…
A ce jour, j’ai financé l’ensemble des frais inhérents au projet sur fonds propre. Nous échangeons avec quelques Investisseurs, mais vous comprendrez qu’il est prématuré de révéler leurs identités. Par ailleurs, notez que notre besoin en capital est limité puisque nous n’envisageons pas d’achat d’appareils (sauf accès à des incitations fiscales), mais la flotte de la compagnie sera constituée en leasing.
Vous avez rencontré beaucoup de monde pour promouvoir votre projet, notamment des élus de Wallis et Futuna. Comment ont-ils accueilli votre projet ?
Nous avons bien eu une rencontre avec quelques élus, restée sans suite. Il nous semblerait légitime que les Élus, en leur qualité de Représentants des Wallisiens et Futuniens et garants de l’intérêt collectif, étudie le projet de desserte aérienne sur lequel nous travaillons. Nous les avons collectivement sensibilisés sur le potentiel de création de valeur pour le Territoire, la création d’emplois directs et indirects, A voir comment vont se dérouler les prochains mois et si nous devons repositionner le projet sur un autre Territoire (Nouvelle-Calédonie ou Polynésie).
Avec la crise liée au Covid-19, on ne peut pas dire que le secteur aérien ait le vent en poupe. Il fait même partie des secteurs les plus touchés par la crise. Avez-vous eu un doute à ce sujet et durant cette crise ?
Si la crise est à priori défavorable, elle génère néanmoins de nouvelles opportunités, parmi lesquelles un accès théorique moins onéreux aux ressources matérielles (disponibilités en appareil et conditions économiques du marché) et humaines (compétences plus accessibles sur le marché). Par ailleurs, la reconfiguration envisagée du réseau aérien des Opérateurs actuels dans notre région, pourrait nous permettre d’identifier de nouveaux flux à transporter.
J’ai pu voir que vous avez créé le statut de votre entreprise en Polynésie française, ou en tout cas que vous avez pensé à cette option, pourquoi ce choix ?
Il n’existe pas encore de statut en Polynésie française. Si l’entité WF Aviation a enregistré ses statuts à Wallis, nous travaillons actuellement sur les statuts d’Air Corail, la compagnie aérienne. La possibilité d’installer Air Corail à Tahiti est avérée, y compris pour les motifs exprimés précédemment. Les économies de nos Territoires insulaires sont souvent très liées aux politiques locales qui peuvent règlementer (et parfois accompagner ou empêcher) certains secteurs d’activités, aussi, nous souhaitons travailler en bonne intelligence avec des Interlocuteurs constructifs représentant les intérêts des Communautés qu’ils représentent par mandat.
Parlez-nous de votre associé, comment l’avez-vous rencontré ? Quel est son parcours, ses expériences dans l’aéronautique ?
J’ai rencontré Monsieur Olivier Bole il y a deux ans à Papeete et la discussion qu’on avait eu m’avait grandement intéressé, surtout la connectivité régionale dans le Pacifique, la possibilité pour des territoires ultra-marins de se développer en facilitant les déplacements. Il est dans l’aéronautique depuis près de 25 ans, a travaillé chez AOM, Air Tahiti Nui et en qualité de Consultant pour plusieurs compagnies aériennes, ainsi que des Institutions sur les problématiques de dessertes régionales. Son parcours managérial au plus haut niveau des organisations lui permettra d’accompagner Air Corail au poste de Dirigeant Responsable et Directeur général en s’entourant d’autres compétences aéronautiques confirmées afin d’assurer à notre start-up les meilleures conditions d’exploitation.
Pour faire voler une compagnie il faut des pilotes, des PNC, des PNT et bien sûr, du personnel au sol : quand et où commencerez-vous à recruter ?
Une fois la capitalisation, l’obtention de notre licence et certificat de transport aérien, et les plans d’acquisition de flotte finalisés, nous initierons les recrutements des meilleurs profils en prévision des formations et des premiers vols. Chaque membre de l’équipe d’Air Corail sera sélectionné selon des critères précis alliant compétence, dynamisme, enthousiasme et loyauté afin que chacun adhère à un projet d’entreprise dont le centre est le client.
Vous avez donc choisi comme nom Air Corail, pourquoi ce choix ? Qu’évoque-t-il pour vous ?
Nos perspectives étant la connectivité aérienne régionale, nous nous inscrivons dans la filiation avec la route de corail qui a autrefois desservi Fiji, Samoa, Papeete, aujourd’hui envisagé dans notre réseau. Par ailleurs, nous souhaitions trouver un symbole qui puisse évoquer le voyage aux habitants de tous ces pays, dont Wallis et Futuna. Ainsi est né Air Corail.
N’est-il pas risqué d’essayer de remettre au goût du jour cette fameuse route du corail qui a existé dans les années 50 avec les hydravions ? Pensez-vous qu’il y a une vraie demande des populations du Pacifique de se rencontrer ? De voyager régionalement ? De se mettre au tourisme au régional ?
La route du Corail était une expérience très appréciée, outre pour la qualité de son service, mais pour la capacité à pouvoir enfin se déplacer par voie aérienne entre différents pays du Pacifique Sud depuis la Nouvelle Zélande à la Polynésie française, les extrémités du parcours.
Avant cette période du COVID19, il existait déjà une très forte demande des Pays de la région qui manifestent périodiquement leurs besoins au sein du Forum des Îles du Pacifique. Chacun est parfaitement conscient qu’une situation d’insularité doit impérativement obliger les Pays à dimensionner une desserte aérienne maîtrisée au mieux pour dynamiser les économies et générer de la valeur. Une offre créée (ou renforcée) en sièges pour les Communautés et le Tourisme (création d’infrastructures et d’activités) ou en soute pour les échanges de fret, produit des flux qui participe immanquablement à de la création d’activité et d’échanges.
Pour en savoir plus : Aircorail.com