Polynésie – Révision de l’Affaire Pouvanaa a Oopa : Le « Metua » sera-t-il innocenté ?

Polynésie – Révision de l’Affaire Pouvanaa a Oopa : Le « Metua » sera-t-il innocenté ?

©Outremers360

Condamné à huit ans de prison et à l’exil fin 1959 pour avoir tenté d’incendier la ville de Papeete, le défunt député puis sénateur de Polynésie, Pouvanaa a Oopa, pourrait être reconnu innocent par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation ce jeudi 5 juillet. Considéré comme le « Metua » (père) de l’autonomie et du nationalisme tahitien, Pouvanaa a Oopa avait clamé son innocence jusqu’à son décès en 1977. 

18 décembre 2017 à Papeete, « la terre a tremblé disent les anciens ». Sandro Stephenson, arrière-petit-fils du Metua, qui a repris le combat pour l’innocence de ce dernier après le décès de sa mère, se veut confiant. « On n’est jamais allé aussi loin » dans ce long combat judiciaire, nous avait-il soufflé. Ce jour-là, la Commission d’instruction de la cour de révision et de réexamen annonce avoir pris la décision de renvoyer l’affaire Pouvanaa a Oopa devant la cour de révision. Cette audience publique aura lieu ce jeudi 5 juillet. Selon la Cour de Cassation, contactée par la rédaction, le délibéré pourrait ne pas être rendu public ce jour-là, mais on n’en saura davantage sur la réhabilitation judiciaire du « Metua ». La Chambre criminelle peut demander plus d’éléments dans le dossier, déjà étayé durant ces dernières années, ou alors accepter ou rejeter cette demande.

Ancien combattant rallié à la France libre

Né en 1895 sur l’île de Huahine, Pouvanaa a Oopa devient le premier député d’origine tahitienne en Polynésie, en août 1949. Il occupa cette fonction jusqu’en 1958, à la faveur de nombreux succès électoraux. Très vite, il devient l’homme fort de la politique en Polynésie, et est élu vice-président du Conseil de gouvernement grâce au statut résultant de la loi-cadre Defferre, en 1957. Ancien combattant de la 1èreGuerre mondiale, Pouvanaa joua un rôle majeur dans le ralliement des Établissements français de l’Océanie à la France libre du Général de Gaulle. Autonomiste et père du nationalisme tahitien, Pouvanaa a Oopa portait des combats tels que l’océanisation des cadres ou encore, la souveraineté des Polynésiens dans la gestion des affaires de l’ancienne colonie.

Pouvanaa a Oopa a été arrêté en 1958 et dans la foulée, déchu de son mandat de député ©Tuatau Production

Pouvanaa a Oopa a été arrêté en 1958 et dans la foulée, déchu de son mandat de député ©Tuatau Production

En 1958, le « Metua » prône le non au maintien au sein de la République française lors du référendum constitutionnel. Essuyant son premier revers électoral, Pouvanaa est arrêté et accusé en octobre 1959 de « complicité de destruction d’édifices et détention d’armes et de munitions sans autorisation » et sera condamné à 8 ans de réclusion criminelle et à 15 ans d’interdiction de séjour en Polynésie. Les 10 et 11 octobre 1958, deux incendies criminels avaient en effet eu lieu à Papeete, mais les accusations à l’encontre de Pouvanaa a Oopa n’ont pas été prouvées. Nombreux observateurs ainsi que Sandro Stephenson considèrent que Pouvanaa a Oopa aurait pu, à travers son influence sur l’électorat polynésien, empêcher l’installation des essais nucléaires sur le territoire.

Gracié, autorisé à rejoindre la Polynésie et amnistié

Gracié de sa peine de prison début 1966, année du premier tir nucléaire, Pouvanaa sera autorisé à regagner la Polynésie en 1968. A son retour à sur l’île de Tahiti le 30 novembre, le « Metua » est accueilli à l’aéroport de Tahiti-Faa’a par une foule de sympathisant. Amnistié en 1971, il devient sénateur la même année et n’aura de cesse de clamer son innocence et de demander la révision de son procès. Il participa également aux premières manifestations anti-nucléaires à Papeete. Pouvanaa a Oopa décède en 1977, alors que la Polynésie accède la même année à son premier statut d’autonomie de gestion.

Affiche du documentaire Pouvanaa Te Metua : L'élu du Peuple (2012, Marie-Hélène Villierme)

Affiche du documentaire Pouvanaa Te Metua : L’élu du Peuple (2012, Marie-Hélène Villierme)

Après la mort du « Metua », c’est la famille de ce dernier qui prendra la suite du combat pour sa réhabilitation. En 2009, ce combat est appuyé par un vote unanime de l’Assemblée de la Polynésie d’une motion en faveur de la révision, compte tenu des travaux de l’Historien Jean-Marc Régnault, soutenu par l’ancien sénateur indépendantiste Richard Tuheiava. Le 18 juin 2014, la Garde des Sceaux Christiane Taubira saisi la commission de révision des condamnations pénales d’une requête en révision de cette condamnation. Dans le même temps, elle réforme le code de procédure pénal permettant aux héritiers de 2ème et 3ème génération de saisir la cour de révision.

Dès son retour d'exil, Pouvanaa a Oopa prend part aux manifestations anti-nucléaires ©Association Moruroa e Tatou

Dès son retour d’exil, Pouvanaa a Oopa prend part aux manifestations anti-nucléaires ©Association Moruroa e Tatou

« Pouvanaa a Oopa faisait confiance en la Justice, je n’ai pas le droit, moi, de ne pas faire confiance », nous confiait Sandro Stephenson dans un document exclusif. « Je n’ai ni haine ni rancune, la France est une grande nation, et c’est pour cela qu’elle me rendra Justice », disait Pouvanaa a Oopa. Réponse ce jeudi 5 juillet.