Villes tropicales en métamorphose: « Une ville du « bon sens » que l’on concevrait autour du vivre ensemble »

Villes tropicales en métamorphose: « Une ville du « bon sens » que l’on concevrait autour du vivre ensemble »

©Duanrevig.com

Le 8 juin dernier se tenait au Sénat le premier colloque sur la Ville tropicale en métamorphose. Une manifestation sous l’égide et à l’initiative de notre partenaire Métamorphoses Outremers, dirigée par Dominique Martin-Ferrari. L’occasion pour les experts, élus, juristes, scientifiques de donner un sens à la ville tropicale de demain et de préparer la Conférence Habitat III qui aura lieu à Quito en octobre prochain. Lors de ce colloque, sept jeunes ultramarins, originaires de différents Territoires d’Outre-mer, ont livré leur vision de la ville tropicale qui sera le foyer des populations urbaines de demain. Outremers360 a décidé dans cette édition de livrer les témoignages de ces jeunes des Outre-mer qui portent leur enthousiasme sur les innovations technologiques et sociales de façon originale.

Suite et fin de notre série de l’été Villes tropicales en métamorphose. Tout au long de cette semaine, Jessy Rosillette, Océane Patole, Xavier Francietta, Nancy Ngoupayou, Maureen DIjenaihi et Niels Bernardini nous ont exposé leur vision de la Ville tropicale de demain. Aujourd »hui, Edouard Gibert, entrepreneur, réserviste de l’Armée et originaire de la Polynésie française clôture notre série et nous livre sa Ville tropicale de demain, centrée sur les nouvelles technologies que peuvent lui offrir son environnement.

Avec ses 5 millions de km² de ZEE, la Polynésie française est le premier domaine maritime de France, aussi vaste que l'Europe ©DR

Avec ses 5 millions de km² de ZEE, la Polynésie française est le premier domaine maritime de France, aussi vaste que l’Europe ©DR

« Lorsque Jordan Eustache m’a proposé d’intervenir à ce colloque, j’ai été un peu surpris. En effet, mon parcours, n’a absolument rien à voir avec l’écologie. De près comme de très loin… Car hier, j’étais entrepreneur dans le numérique, et aujourd’hui, je suis militaire de réserve… à quasi temps plein du fait du climat d’insécurité que l’on connaît.

Cependant, l’exercice paraissait plutôt simple. Jordan m’avait demandé d’imaginer la ville tropicale de demain façon « baguette magique ». Et ça, rien de plus facile ! C’est vrai, cette exercice on l’a tous déjà fait une fois dans notre vie à l’exception près que la baguette magique s’appelle « ticket gagnant du loto ». J’ai donc, entre deux missions, tenté d’imaginer ce que pourrait être la ville tropicale de demain. Et je suis arrivé à une certitude: La ville tropicale de demain devra remettre l’océan au centre de ses priorités environnementales et économiques, en le considérant comme le moteur d’une croissance éco-responsable.

Le port autonome de Papeete ©DR

Le port autonome de Papeete ©DR

Et la Polynésie est un parfait exemple pour illustrer cette idée. En effet, la Polynésie française est possède un zone d’exploitation exclusive (ZEE) de 5 M de Km2, soit la taille de l’Europe, alors que son territoire est plus petit qu’un département comme la Corse. Il est don essentiel de penser la ville tropicale de demain autour de l’exploitation de cette économie bleue. Et pour cela, l’énergie que peut produire l’océan me semble un bon point de départ vers cette idée de la ville écologique « made by ultramarins ».

Véritable continent océanique, le Pacifique offre un potentiel aussi infini que sa surface ©DR / Wikipédia

Véritable continent océanique, le Pacifique offre un potentiel aussi infini que sa surface ©DR / Wikipédia

De nouvelles technologies tel que le SWAC (sea water air conditionning) sont déjà employées par nos amis réunionnais depuis 2008 pour alimenter les climatisations des bâtiments publiques des villes de Saint-Denis et Sainte-Marie (ainsi que part quelques hôtels en Polynésie française, ndlr). Ce système révolutionnaire qui pompe l’eau de mer à 1100m sous la surface à 5°C, permet, par des échanges thermiques d’alimenter en continu et de façon complètement écologiques, les climatisations des aéroports, centre commerciaux, hôpitaux… Tous ces gros bâtiments énergivores et qui polluent beaucoup passer complètement vert. C’est une des prouesses de l’océan. Et ce n’est pas la seule ! Ce système permet également de remonter de l’eau, riche en nutriments, qui peut alimenter de nouveaux secteurs économiques et éco-responsables. Cette eau est valorisable en aquaculture, pisciculture, cosmétique, bains thermales et même en eau potable…

La technologie SWAC est utilisée dans des Hôtels de Bora Bora et à l'Hôtel The Brando sur l'atoll de Tetiaroa ©DR

La technologie SWAC est utilisée dans des Hôtels de Bora Bora et à l’Hôtel The Brando sur l’atoll de Tetiaroa ©DR

Ce premier changement amorcera la mutation de nos ports qui se transformeront en usines de production d’électricité bleue. Les bateaux à quai arrêteront de s’alimenter par le biais de leurs gros moteurs diesel et utiliseront l’énergie bleue pour assurer leurs chargements. La ville pourra se développer en fonction en amenant à l’écologie, son alter égo indispensable: L’économie. De véritables « sea food hub bio » pourront être créer et générer des emplois durables. Comme à Tahiti où l’offre de crevettes à un déficit de 400t par an rien que face à sa demande locale.

L'aquaculture est une filière qui a de l'avenir, en Polynésie française mais aussi dans tous les Outre-mer. Ici, des crevettes bleues cultivées à Teahupo'o. Elles sont pêchées selon la demande et nourries sans antibiotiques ©NDD / Tahiti-infos

L’aquaculture est une filière qui a de l’avenir, en Polynésie française mais aussi dans tous les Outre-mer. Ici, des crevettes bleues cultivées à Teahupo’o. Elles sont pêchées selon la demande et nourries sans antibiotiques ©NDD / Tahiti-infos

Et puis derrière on peut se prendre à rêver de tous les effets collatéraux que cette mutation pourrait amorcer. Un port vert à énergie bleue qui déteindrait sur la ville. Une ville avec des transports en commun électriques. Des forêts entières qui pousseraient sur les murs de la Poste ou des centres commerciaux. Une ville piétonne où aucun véhicule à énergie fossile ne circulerait. Une ville où le simple trie sélectif ne serait pas un parcours du combattant. Une ville où l’on trouverait des jardins pour tous et tous les jardins… Une ville du « bon sens » que l’on concevrait autour du vivre ensemble. Où le collectif et le collaboratif seraient mis en avant. Une ville qui serait surtout conçue par les jeunes d’aujourd’hui et pour les jeunes de demain autour de deux concepts indissociables et essentiels à la ville tropicale de l’avenir : l’ECOlogie et l’ECOnomie ».

Edouard Gibert, jeune entrepreneur du Numérique et réserviste de l’Armée, Papeete, Polynésie française.