Présidentielle 2017: En Outre-mer, les appareils politiques déconnectés

Présidentielle 2017: En Outre-mer, les appareils politiques déconnectés

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Si l’issue du scrutin du 23 avril sonne le glas du bipartisme sur l’ensemble du territoire national, en Outre-mer, les résultats de ce premier tour démontrent des territoires aux votes complexes, souvent à contre-courant de l’Hexagone. Dans l’ensemble, Marine Le Pen arrive en tête, tous bassins confondus, avec 21,9%. La candidate frontiste, qualifiée pour le second tour, est suivie du leader de la France insoumise avec 20,8%. Suivent François Fillon (20,7%) et Emmanuel Macron (20,4%).

La percée du Front national

L’héritière du Front National aura surpris plus d’un au soir du premier tour. En 5 ans, elle passe d’un score moyen en Outre-mer de 8% à 21,9%. En Polynésie française, elle talonne François Fillon avec un score de 32,53%. Toutefois, sa percée sur ce territoire du Pacifique, un des bastions de la droite, n’est plus une surprise. Localement, elle a reçu le soutien de Gaston Flosse qui, en offrant ce résultat à la candidate frontiste, confirme son influence intact et ses chances de retour en 2018.

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Comme pour toutes les échéances nationales, la Présidentielle permet aux formations politiques polynésiennes de compter leurs voix: un sondage grandeur nature avant l’élection territoriale de 2018. Ainsi, les deux leaders autonomistes, Edouard Fritch et Gaston Flosse, sont dans un mouchoir de poche. Le premier, actuel Président de la Polynésie et soutien de François Fillon, devance son ancien mentor d’à peine plus de 2 000 voix.

Gaston Flosse, ancien Président de la Polynésie française, est le nouveau soutien de Marine Le Pen ©Gregory Boissy (AFP) / Robert Pratta (Reuters)

Gaston Flosse, ancien Président de la Polynésie française, est le nouveau soutien de Marine Le Pen ©Gregory Boissy (AFP) / Robert Pratta (Reuters)

En Nouvelle-Calédonie, la large percée de Marine Le Pen fait des remous (11, 66% en 2012 contre 29,09% en 2017). Et pour cause, la droite calédonienne ne l’avait pas vue venir. Pourtant, l’approche du référendum de 2018 et les récentes tensions, souvent violentes, qui ont éclaté fin 2016-début 2017 aux abords de Nouméa ont montré des signes de crispation dans l’électorat calédonien. Les sorties parfois virulentes de certains représentants de la droite locale ont renforcé ce nouvel électorat. Ajouter à cela, une abstention forte dans la communauté Kanak, dont les leaders indépendantistes ont soutenu Benoît Hamon, qui finit avec 9,34% des voix en Nouvelle-Calédonie.

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Enfin, à La Réunion, Marine Le Pen rafle une dizaine de grandes villes (23,46%), mais s’incline face à Jean-Luc Mélenchon (24,53%). La candidate du Front national obtenait 10,31% au premier tour en 2012. Ici, les candidats soutenus par les ténors politiques ne sortent pas finalistes. C’est le cas de François Fillon, soutenu par Didier Robert, qui recueille 17,26% des suffrages. Idem pour Emmanuel Macron, dont la candidature était défendue par Thierry Robert, Gilbert Annette ou Monique Orphé et qui arrive en 3ème position (18,91%). Enfin, Benoît Hamon, le candidat de la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts, n’atteint pas la barre des 10% des suffrages exprimés.

Jean-Luc Mélenchon porté par la Martinique, la Guyane, La Réunion et Saint-Pierre et Miquelon

Le candidat de la France insoumise fait aussi un résultat fracassant en Outre-mer, hormis ceux du Pacifique, où son score est parfois en dessous de celui de Benoît Hamon. En 2012, il était à 5,5% sur l’ensemble des Outre-mer, contre 20,8% en 2017. Fidèle à la gauche, la Martinique donne Jean-Luc Mélenchon vainqueur, tout comme Saint-Pierre et Miquelon, où il est loin devant ses adversaires. En Guyane, comme à La Réunion, Jean-Luc Mélenchon est au coude à coude avec Marine Le Pen. Seulement 114 voix les séparent en Guyane, où la crise sociale semble avoir fait vaciller les leaders politiques locaux. En effet, ces derniers avaient largement apporté leur soutien au candidat d’En marche!, qui n’arrive que 3ème du scrutin en Guyane. Celui-ci se rattrape d’ailleurs en Guadeloupe et à Wallis et Futuna (30,22% et 30,48%). L’appel du Président de la Région Guadeloupe en faveur du candidat d’En Marche semble avoir été entendu.

©Ministère de l'Intérieur

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De leur côté, les candidats des partis traditionnels François Fillon et Benoît Hamon pâtissent du même désaveu exprimé à l’échelle nationale. Si François Fillon arrive à sauver les meubles de la droite à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les Antilles, la Guyane, Saint-Pierre et Miquelon, La Réunion et même Wallis et Futuna ont décidé de tourner le dos au candidat Les Républicains.

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Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, échoue à réitérer le score de son prédécesseur, François Hollande, qui avait largement été porté par les Outre-mer en 2012 (47% au premier tour contre 7,8% en 2017). Surtout, le candidat socialiste a perdu la plupart de ses alliés locaux, comme en Polynésie. En 2012, les indépendantistes avaient soutenu François Hollande, permettant à ce dernier un score honorable sur une terre de droite. Mais en 2017, la convention de partenariat qui liait les deux partis n’a pas été renouvelée et les indépendantistes ont appelé à l’abstention.

L’abstention, vraie grande gagnante

Alors que le taux de participation s’élève à 78,69% sur l’ensemble du territoire national, l’abstention apparaît comme le 12ème candidat de la Présidentielle en Outre-mer avec 53%, un record. En Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, en Polynésie et à Saint-Martin/Saint-Barthélémy, elle dépasse la barre des 60%. Historiquement, les élections nationales mobilisent moins que les élections locales. En Polynésie, le leader indépendantiste Oscar Temaru avait appelé à l’abstention. Si sa base électorale est importante, reste à savoir s’il peut revendiquer l’abstention, qui s’élève à près de 80% dans sa commune où Marine Le Pen arrive en tête.

©DR

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En 2017, les spectres de l’éloignement des intérêts et de l’indifférence ressentie par bon nombre d’Ultramarins semblent aussi acter un désamour de ces derniers envers la politique nationale. C’est certainement une des raisons qui explique la percée inédite de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, d’autant que ce dernier portait un programme sociétal, environnemental et écologique presque directement destiné aux Outre-mer.

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