Nouvelle-Calédonie : La campagne du référendum d’autodétermination débute dans un contexte radicalisé

Nouvelle-Calédonie : La campagne du référendum d’autodétermination débute dans un contexte radicalisé

Isoloir lors du 1er référendum en Nouvelle-Calédonie, le 4 novembre 2018 ©Charles Baudry / Outremers360

Loyalistes et indépendantistes viennent de se lancer dans la campagne pour le deuxième référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, le 4 octobre prochain, dans un climat qui se radicalise et fait craindre des débordements.

« Les postures se durcissent en 2020, nous devons appeler à l’apaisement car il suffit d’une allumette. La haine, la violence et l’exclusion sont des choix faciles », a récemment déclaré Elie Poigoune, membre du Comité des Sages, chargé de veiller au déroulement apaisé de la campagne. Le président local de la Ligue des droits de l’homme a fait cette déclaration après l’incendie, dans la nuit du 10 au 11 juillet, d’une immense bâche aux couleurs bleu, blanc, rouge déroulée pour le 14 juillet sur la façade de la province sud dirigée par la droite loyaliste.

Tout en condamnant cette dégradation, Elie Poigoune a aussi considéré ce pavoisement à moins de trois mois du référendum comme une « provocation » alors que les réseaux sociaux ont été inondés de messages racistes. L’auteur des faits, qui a revendiqué un acte politique, a été condamné à 12 mois de prison dont 6 avec sursis. « La bipolarisation du paysage politique s’est considérablement cristallisée et le ton de la campagne est beaucoup plus offensif qu’en 2018 », observe Pierre Christophe Pantz, docteur en géopolitique.

Après les violences meurtrières entre « caldoches » d’origine européenne et indépendantistes kanak, qui avaient culminé avec la sanglante prise d’otages de la grotte d’Ouvéa (1988), la Nouvelle-Calédonie est engagée dans un processus de décolonisation négocié et progressif, inédit dans l’histoire française. Conformément à l’accord de Nouméa (1998), un premier référendum s’est tenu le 4 novembre 2018 et a vu la victoire des pro-français qui ont rassemblé 56,7% des suffrages.

Ce score, bien inférieur à tous les pronostics, a été vécu comme une « déception » par les loyalistes, tandis que la défaite des indépendantistes a fait figure de succès. Dans ce contexte, une coalition proche de LR, l’Avenir en confiance (AEC), incarnant une droite décomplexée et « ferme » avec les indépendantistes, est sortie gagnante des élections provinciales de mai 2019, au détriment de Calédonie ensemble, parti de centre droit, partisan d’un dialogue permanent avec les indépendantistes.

Drapeau tricolore autorisé dans la campagne

Unis sous la bannière « Les Loyalistes », AEC et trois autres partis de moindre représentativité dont le Rassemblement National ont rassemblé dimanche entre 5 000 et 8 000 personnes à Nouméa lors d’un grand pique-nique Bleu-Blanc-Rouge. « La volonté est de ne pas avoir honte de cette fierté d’être français », a expliqué Sonia Backès (AEC), présidente de la province Sud, satisfaite qu’en dérogation au code électoral, l’État a, contrairement à 2018, autorisé l’usage du drapeau tricolore pour la campagne officielle de septembre.

Vent debout contre cette disposition, le FLNKS (Front de libération nationale kanak socialiste) accuse l’État de « collusion » avec la droite et a menacé de contester le résultat du référendum du 4 octobre. La coalition indépendantiste, qui a donné le départ de sa campagne samedi dernier, a multiplié les prises de position tranchées au cours des dernières semaines.

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A l’occasion de la crise du coronavirus, qui a peu touché l’archipel, le président de l’Union Calédonienne (FLNKS) a réclamé le départ du haut-commissaire de la République, dont il dénonçait le jacobinisme, ainsi que celui du commandant des forces armées. Stigmatisant « un pillage des ressources naturelles », les indépendantistes ont en outre menacé de « se mobiliser sur le terrain » pour s’opposer à la volonté de groupes miniers d’augmenter leurs exportations de minerai de nickel, soutenues par l’AEC.

Alors que des discussions entre les trois signataires de l’accord de Nouméa (État, FLNKS, non indépendantistes) pour préparer « l’après référendum » s’étaient, non sans difficulté, tenues en 2018, celles-ci sont depuis interrompues. « Nous sommes dans une pause de la construction du destin commun, dans un débat manichéen soit « oui », soit « non ». Il ne faut pas que cette pause dure trop longtemps car elle est délétère », s’inquiète Pierre-Christophe Pantz, alors qu’en cas de défaite des indépendantistes, un troisième référendum peut avoir lieu d’ici 2022.

Interrogé par RT France, le docteur en géopolitique a estimé que le résultats du deuxième référendum devrait peu changer par rapport à la première consultation de novembre 2018, évoquant « un rapport de force qui s’est ancré et cristallisé depuis une trentaine d’années ». Seul changement, le Parti travailliste (indépendantiste) a décidé d’entrer en campagne pour le référendum du 4 octobre alors qu’il avait appelé au boycott du 1er. En outre, le parti communautaire wallisien l’Éveil océanien, entré dans l’échiquier politique calédonien en 2019, pourrait aussi changer la donne s’il se positionne en faveur d’un camp.

Avec AFP.