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Mardi 4 octobre au siège des Nations Unies à New York, la Quatrième commission chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation se réunira et se penchera sur le cas de deux Collectivités des Outre-mer: la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. Pour l’occasion, d’importantes délégations polynésiennes et calédoniennes ont fait le déplacement et prendront part au débat autour des statuts de ces deux Collectivités. Explications.
Élaborée début 1946, la liste des territoires non-autonomes selon l’ONU comporte des territoires que l’organisation considère comme non-décolonisés et « dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes ». Tous les Outre-mer étaient inscrits sur cette liste jusqu’en 1947, date à laquelle tous furent retirés. En 1986, la Nouvelle-Calédonie est réinscrite. En 2013, c’est au tour de la Polynésie française d’être réinscrite sous l’impulsion du leader indépendantiste Oscar Temaru. Pour les deux collectivités, la réunion de la Quatrième commission qui aura lieu demain est spéciale.
Nouvelle-Calédonie : A deux ans du référendum
Lors de cette réunion de la Quatrième commission chargée de la décolonisation, le parti calédonien majoritaire Calédonie ensemble sera représenté par le coutumier et élu du Congrès Gérard Poadja. Depuis le début des années 2000, les élus non-indépendantistes calédoniens exposent leur point de vue devant l’ONU. Gérard Poadja prendra la parole devant la Quatrième commission et « fera entendre à l’ONU la voix d’une Nouvelle-Calédonie émancipée qui souhaite continuer à affirmer sa singularité au sein de la République Française », explique le parti sur son site. Pour Calédonie ensemble, Gérard Poadja est avant tout un gage de crédibilité, étant d’origine Kanak et « issu de la lignée des grands chefs du district ». Pour le Caillou, cette réunion intervient deux ans avant le référendum de 2018. Le but sera essentiellement d’étudier et d’exposer les sujets importants comme la liste référendaire. Les experts onusiens en mission en Nouvelle-Calédonie ont rendu leurs recommandations, en août dernier, sur l’élaboration de cette liste, cruciale pour le référendum de 2018.
Polynésie française : essais nucléaires et souveraineté sur les ressources
Pour la Polynésie française, la réinscription prend une nouvelle tournure. En effet, les indépendantistes ne seront plus les seuls à défendre leur point de vue sur le statut de la Collectivité. Demain, le Président autonomiste Edouard Fritch prendra également la parole devant la commission et défendra, seul, le statut actuel de la Polynésie française. La récente obtention du statut de membre à part entière au Forum des îles du Pacifique jouera certainement en sa faveur, démontrant que la Polynésie peut être largement autonome tout en restant française.
En face, l’association 193 et l’Eglise Protestante Ma’ohi interviendront sur le sujet du nucléaire. Une pétition a été lancée par l’association, pour la reconnaissance et la réparation des conséquences des essais tandis que l’Eglise Protestante Ma’ohi s’est engagée dans une plainte contre la France pour crime contre l’Humanité. Patrick Galenon, syndicaliste polynésien, présentera l’économie polynésienne et soulignera notamment le taux de chômage très élevé dans cette Collectivité: environ 25%. Les indépendantistes polynésiens ont aussi convié des personnalités de la société civile afin de dresser un tableau du statut actuel de la Polynésie française.
Comme à l’accoutumée, les indépendantistes prendront aussi la parole devant la Quatrième commission. Ces derniers défendront, entre autres, une pétition, signée par environ 48 000 personnes, pour que la prochaine Assemblée générale de l’ONU adopte une résolution sur les essais nucléaires et la souveraineté des Polynésiens sur leurs ressources naturelles et sous-marines notamment. En effet, la hantise des indépendantistes est que la France arrive à retirer ces points à aborder lors de la prochaine Assemblée générale. Les indépendantistes militent aussi pour que la France reconnaisse la réinscription. Jusqu’à présent, l’Etat joue le jeu de chaise vide et a dénoncé en 2013 une ingérence de la part de l’ONU. Mais les indépendantistes ont bon espoir que, comme pour la Nouvelle-Calédonie, l’Etat participe aux débats liés à la décolonisation du territoire. Les indépendantistes polynésiens pourront aussi compter sur le soutien des Corses. Lors de sa visite sur l’île de Beauté en août dernier, Oscar Temaru a invité le Président de l’Assemblée territoriale corse, Jean Guy Talamoni. Il y sera représenté par son directeur de cabinet qui dressera également le statut de la Corse.
C’est donc un véritable tour de force diplomatique qui se jouera cette semaine à l’ONU. Membre permanent du Conseil de sécurité, la France ne souhaite pas d’ingérence ni même une mauvaise image au sein de l’organisation. Les indépendantistes polynésiens vont au forceps pour que l’Etat s’engage dans un processus de décolonisation et d’auto-détermination comme ce fut le cas pour la Nouvelle-Calédonie. Ils comptent notamment sur un consensus avec la frange autonomiste autour du statut actuel. Car s’il y a bien un point qui peut rassembler indépendantistes et autonomistes, c’est que ces derniers souhaitent toujours plus d’autonomie.