Adaptation du droit Outre-mer : Vers la suppression de l’amendement Virapoullé ?

Adaptation du droit Outre-mer : Vers la suppression de l’amendement Virapoullé ?

©AFP

Par trois fois, le Président de la République a évoqué la possible suppression de l’alinéa 5 de l’article 73, autrement appelé « amendement Virapoullé », qui exclut toutes possibilités d’adaptation des normes juridiques nationales à La Réunion. La députée Ericka Bareigts entrevoit une fenêtre de tir pour la suppression de cet alinéa, à la faveur d’une réforme constitutionnelle.

Il l’a évoqué trois fois : en tant que candidat à l’Elysée, puis en tant que Président de la République à la réunion des Préfets début septembre et à l’occasion de son déplacement en Guyane. Emmanuel Macron ne semble pas insensible aux demandes d’évolutions statutaires, et la suppression de l’amendement Virapoullé pourrait en faire partie. C’est en tout cas le souhait de l’ancienne Ministre des Outre-mer et actuelle députée (Nouvelle Gauche) de La Réunion, Ericka Bareigts. « Le temps politique qui s’ouvre est important » confie-t-elle, faisant référence aux Assises des Outre-mer. S’il faudra attendre le terme de ces assises pour entrevoir une éventuelle réforme constitutionnelle pour les Outre-mer, Ericka Bareigts se tient prête à mobiliser, rassembler et sensibiliser autour de ce sujet qui permettrait à l’île de l’Océan Indien d’adapter les normes économiques, juridiques voire sociales au territoire.

Expérimentation VS adaptation

L’article 73 dans ses alinéas 3 à 6 reconnait « une forme de « pouvoir normatif délégué » au profit des collectivités de Guadeloupe, Guyane, de Martinique et désormais de Mayotte puisqu’il leur reconnait la faculté de fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire après habilitation », explique Ferdinand Mélin-Soucramanien dans Nouveaux cahier du Conseil Constitutionnel. « La Réunion fait ici figure d’exception car l’article 73, alinéa 5, l’exclut du bénéfice de cette compétence par attribution ». Toutefois, La Réunion bénéficie du principe d’expérimentation prévu par la Constitution : celui doit passer par l’aval du Parlement, est limité dans le temps (5 ans) et peut être arrêté en cas de bilan négatif. Or, pour Ericka Bareigts, c’est une véritable adaptation, à l’instar de la Guadeloupe et de la Martinique, qui serait nécessaire à La Réunion.

Pour soutenir sa plaidoirie pour le principe d’adaptation, Ericka Bareigts cite un à un les secteurs qui pourraient être directement impactés par une délégation des moyens, pour lesquels « la règle se construira sur le territoire » : les énergies, les transports, le traitement et le transport des déchets, le BTP où l’ancienne Ministre espère même l’émergence d’une architecture spécifique aux villes tropicales. Ericka Bareigts en est convaincue, les planètes sont aujourd’hui alignées pour appeler « l’ensemble des politiques réunionnais pour un rassemblement régional » autour de ce sujet, affirmant sa volonté de « dépasser les clivages ». « On est dans le sens de l’Histoire » assure-t-elle. D’autant qu’en adoptant le rapport Omarjee, même l’Union Européenne semble sur la même ligne. De même, bon nombre de fédération d’entrepreneurs ultramarins plaident, pendant la campagne électorale, pour une adaptation des normes économiques et juridiques aux Outre-mer.

Techniquement, Ericka Bareigts devra user du levier des Assises des Outre-mer, et plus précisément l’atelier consacré à la réforme politique et institutionnel, pour demander à terme, la suppression de l’alinéa 5 de l’Article 73. Encore faudra-t-il mobiliser l’ensemble des représentants politiques de l’île, les convaincre du bien fondé de l’adaptation qui n’exclut pas l’expérimentation et ne remet pas en cause l’appartenance à la France. « À situation spécifique, moyens spécifiques » défend-elle. En attendant, la députée réunionnaise se dit prête à faire tomber ce qui semble être pour elle une barrière au développement de l’île. Lors de la précédente mandature, Ericka Bareigts avait déjà fourni un travail technique sur le sujet, alors que Jean-Jacques Urvoas présidait la Commission des Lois, sans toutefois être voté. « On a perdu beaucoup de temps », déclare-t-elle aujourd’hui.