Le tir Aldebaran, premier tir nucléaire aérien français réalisé le 2 juillet 1966 à Moruroa ©DR
A un jour de l’arrivée en Polynésie française de la Ministre des Outre-mer, Le Parisien révèle une étude « alarmante » du Dr Christian Sueur menée « sur des enfants polynésiens dont les grands-parents ont travaillé sur les sites des explosions atomiques atmosphériques ». Cette étude révèle notamment « des anomalies morphologiques parfois couplées à des retards mentaux chez de nombreux enfants » polynésiens.
« 271 enfants ont consulté pour des troubles envahissants du développement (TED). Parmi ces jeunes patients, 69 d’entre eux ont également développé des anomalies morphologiques et/ou des retards mentaux », indique Le Parisien, qui s’est procuré l’étude du Dr Sueur. « Dans son rapport, le praticien relève des pathologies liées à des déficiences génétiques, susceptibles d’avoir été provoquées par des retombées radioactives sur les « cellules germinales » des grands-parents, avant de se transmettre sur plusieurs générations », poursuit le quotidien. La majorité des enfants cités ont des aïeux ayant travaillé sur les sites d’expérimentation de la bombe nucléaire française et ont également un parent né à cette période. « Fait troublant, plus de 70 % de ces enfants ont des parents mais aussi des frères et sœurs qui ont développé des pathologies tel que leucémies, cancers du rein ou de la thyroïde », en somme, des maladies « radio-induites », donc liées aux essais nucléaires.
Sur l’atoll de Tureia, un enfant 4 est atteint d’un cancer de la thyroïde
Toujours selon l’étude de Christian Sueur, c’est dans l’archipel des Tuamotu-Gambier, où se situe l’atoll de Moruroa, que l’on trouve les données les plus révélatrices. « A Tureia, atoll habité le plus proche de Moruroa et touché par 39 retombées radioactives, un enfant sur 4 est atteint d’un cancer de la thyroïde, de jeunes adultes sont décédés à la trentaine ou ont développé des pathologies héréditaires ». Sur cet atoll de près de 300 personnes, « le docteur Sueur a relevé une vingtaine de pathologies possiblement radio-induites, soit une morbidité d’une personne sur 5. A Reao, où vivent 369 habitants, près de 10 % de la population est touchée par une maladie radio-induite ». Selon Le Parisien, le praticien aurait bien tenté de prévenir les autorités polynésiennes, en vain.
Peu d’études sur la question
Chef du service de Pédopsychiatrie au Centre hospitalier de Polynésie française jusqu’en décembre 2017, Christian Sueur est de retour dans l’Hexagone depuis janvier. Son étude, menée entre 2012 et 2017 sur l’ensemble du Territoire, se base particulièrement sur la période des essais atmosphériques effectués de 1966 à 1974, soient 46 essais sur les 193 au total. Les répercussions génétiques sur les descendants des vétérans du Centre d’Essais du Pacifique (CEP) et plus généralement, sur les populations locales, sont un sujet prégnant sur le volet des conséquences des essais français dans le Pacifique. Néanmoins, peu de scientifiques se sont penchés sur la question. « Le pédopsychiatre a travaillé sur le lancement d’un programme de recherche avec l’aide de Bruno Barrillot, délégué du comité du suivi des conséquences des essais nucléaires », précise Le Parisien. « L’idée des deux experts était de lancer une recherche épidémiologique chez les anciens travailleurs du CEP et leurs descendants (première et deuxième générations) mais aussi au sein de la population de la Polynésie française ».
Pourtant, dans une enquête du Dixit publiée en exclusivité sur Outremers360, le Docteur Patrice Baert, qui dirige le centre médical de suivi des vétérans des essais nucléaires, réfutait toutes concordances entre des maladies mentales détectées chez des enfants et la radioactivité. « Même si on sait aujourd’hui que certaines maladies mentales ou des troubles du développement sont liées à des prédispositions génétiques ou des anomalies chromosomiques, il n’existe aucune étude permettant de suspecter une augmentation de ces maladies avec une exposition à la radioactivité », affirmait-il. L’étude du Docteur Christian Sueur pourrait changer la donne.
Toute l’enquête du quotidien Le Parisien ci-dessous:
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