©Jody Amiet / AFP
Alors que le Premier ministre a refusé hier de céder à la demande d’un plan d’aide de 2,5 milliards d’euros, le mouvement de grève générale ne s’essouffle pas. Une deuxième « journée morte » a été organisée ce mardi. On estime qu’environ 10 000 manifestants étaient présents autour du Centre spatial guyanais à Kourou.
Entre 10 000 et 11 000 Guyanais ont pris la direction de Kourou ce mardi 4 avril afin de manifester devant le Centre spatial guyanais, véritable symbole dans ce mouvement de grève générale en Guyane. A la mi-journée, une réunion a été organisée entre une quarantaine de membres des collectifs, les autorités préfectorales et le directeur du Centre spatial guyanais (CSG), David Faivre. Les collectifs espèrent en effet que le directeur du CSG pèsera « de tout son poids pour que la voix des Guyanais soit mieux entendue ».
Guyane : à Kourou, « la fusée décolle, mais on n’a pas de lumière » https://t.co/51BDTxiU05 pic.twitter.com/xCxJ5tkNDH
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« Vos fusées décollent mais notre Guyane reste au sol. Vous nous dîtes que le CSG que vous dirigez est un bien de la République. Nous vous répondons que nous sommes la République. Donc votre bien est notre bien. Vous êtes à l’intérieur de nos terres. Pour protéger votre structure, vous videz nos villes de forces de l’ordre déjà insuffisantes. Alors, aujourd’hui, nous sommes venus lancer un appel. Votre voix est très bien entendue des plus hautes autorités françaises », a déclaré Manuel Jean-Baptiste, membre du collectif Les Iguanes de l’Ouest, au directeur du CSG.
De son côté, le directeur du CSG se serait engagé à transmettre les demandes des collectifs sans leur assurer une réponse. A l’heure actuelle, la foule guyanaise rassemblée au rond-point de la Carapa marche vers le portail clos du Centre spatial guyanais. Une partie de la délégation, notamment Olivier Goudet, Mickaël Mancé, José Achille, Antoine Karam et Gabriel Serville ont décidé de rester dans la salle de réunion du CSG afin de maintenir la pression sur son directeur. « J’ai fait ce pourquoi je me suis engagé, j’ai relayé vos revendications à la direction du CNES. Ils sont en lien avec Paris », a assuré David Faivre, sans pour autant réussir à les faire quitter les lieux.
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Plus tôt dans la journée, une « fake news » circulant sur les réseaux sociaux affirmait que l’état d’urgence allait être déclaré en Guyane avec l’envoi de trois escadrons de gendarmes et 27 véhicules anti-émeutes dans le département, le tout acheminé par des avions gros porteurs A400m. Le cabinet du Premier ministre a formellement démenti, d’autant que l’état d’urgence est déjà décrété sur l’ensemble du territoire national depuis les attentats du 13 novembre 2015.
Vers un élargissement du mouvement à d’autres Outre-mer ?
En 2008, les Guyanais manifestaient déjà contre les prix élevés des hydrocarbures. Ce mouvement s’était ensuite propagé en Martinique et en Guadeloupe, donnant lieu à la crise de 2009 qui avait marqué le quinquennat de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République. Les Martiniquais et Guadeloupéens manifestaient alors contre le coût de la vie, portés notamment par des personnalités comme Elie Domota, tête de file du LKP. Dès le début de l’actuel mouvement de grève générale, historique, en Guyane, Patrick Karam, député de la Martinique ou encore, Christiane Taubira, tiraient la sonnette d’alarme face à une éventuelle propagation du mouvement aux Antilles, voire même, au-delà.
En effet, en Martinique d’abord, les transporteurs bloquent actuellement le Port de Fort-de-France et la Sara, Société anonyme de Raffinerie. Les transporteurs martiniquais demandent une détaxe du carburant à l’ensemble des véhicules de chaque société de transport ainsi qu’un accompagnement des départs à la retraite. Si pour l’heure les transporteurs excluent toute idée de blocage de la population, ces derniers souhaitent reprendre les négociations avec la Collectivité Territoriale de la Martinique (CTM), arrêtées en mars, avant un éventuel durcissement du mouvement.
En Guadeloupe, ce sont les gérants des stations d’essence qui montent au créneau. Ces derniers fustigent l’augmentation des marges des caburants, résultant de plusieurs mesures du gouvernement, et bénéficiant, selon eux, aux compagnies pétrolières. Pointant du doigt une « injustice », les gérants de stations services annoncent fermer celles-ci dès ce week-end si leurs revendications ne sont pas entendues. En parallèle, plusieurs parents d’élèves de l’école du Carmel (Basse-Terre) ont organisé un sit-in dans l’enceinte de l’établissement afin de protester contre la fermeture d’une classe de maternelle à la rentrée de spetembre 2017. Ce mouvement pourrait également s’étendre à d’autres écoles.
Mayotte l’oubliée ?
Flux migratoires massifs, problèmes dans les domaines de la santé, de la sécurité, de l’éducation et une pénurie d’eau qui dure maintenant depuis près de 4 mois, les élus de Mayotte observent la Guyane avec une pointe d’envie. Selon un cadre Les Républicains de Mayotte, les similitudes avec la Guyane sont criantes, et va même plus loin: « nous avons le désavantage à Mayotte d’être sur un territoire étriqué. Quand on regarde les chiffres, nous avons une surpopulation, nous avons une immigration clandestine qui bat tous les records ». Du côté des élus socialistes de Mayotte, on regrette également un traitement différencié et un manque de mobilisation de la population.
Dans le Pacifique, quelques mobilisations ont eu lieu depuis janvier, suite aux nombreuses tensions qui ont éclaté aux alentours de la tribu de Saint-Louis, bloquant par la même occasion la RP1, axe routier quotidiennement fréquenté par quelques dizaines de milliers de Calédoniens. Comme les Guyanais, les Calédoniens réclament plus de sécurité. Pourtant, le gouvernement avait annoncé l’envoi d’une cinquantaine de gendarmes supplémentaires dès le mois de novembre, soit juste après le début des exactions à Saint-Louis. Le décès récent d’une infirmière sur la RP1, qui traverse la tribu de Saint-Louis, a ravivé les tensions. Une manifestation a eu lieu hier devant le Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. Sur certaines banderoles, les Calédoniens affichaient leur soutien à la Guyane.