Philippe Gomes, Roch Wamytan et Sonia Backes ©Réseaux sociaux
Au lendemain de ce deuxième référendum en Nouvelle-Calédonie, la rédaction d‘Outremers360 est allée récolter les réactions des politiques calédoniens, indépendantistes et non indépendantistes. Volonté de dialogue, implication de l’État, troisième référendum : les six mois qui suivent diront la forme que prendre la sortie de l’Accord de Nouméa. En encadré, l’interview de Philippe Gomès, député et leader du parti non indépendantiste, Calédonie Ensemble.
Gil Brial, élu loyaliste à la province Sud et au Congrès, interrogé par Caledonia :
On voit pour la deuxième fois en deux ans que les Calédoniens ont dit non à l’indépendance, que l’écart s’est resserré et qu’il y a toujours une Nouvelle-Calédonie qui est scindée. Ce qui nous amène à dire qu’il faut qu’on évite le troisième référendum. On voit que les esprits s’échauffent. Il faut maintenant que le partenaire État nous mette autour de la table et trouve une solution qui respect l’ensemble.
On a six mois avant de pouvoir déclencher le 3ème référendum (…). Il faut utiliser ces six mois pour savoir ce que chacun veut et ce qu’on est capable de faire pour la Nouvelle-Calédonie pour les 30, 40 prochaines années. Si on trouve une solution qui corresponde à la fois à ce que veut la majorité des Calédoniens, et ce que veut la minorité importante, tant mieux. Mais si on n’arrive pas, on ira vers un troisième référendum qui sera forcément plus tendu. Il faut une discussion entre loyalistes et indépendantistes. Mais on sait que si les choses ont avancé en Nouvelle-Calédonie, c’est parce que c’est l’État qui nous a obligé à avancer.
Sonia Backes, président de la province Sud et de l’Avenir en Confiance, sur Facebook :
La Nouvelle-Calédonie a décidé de rester Française ! La participation exceptionnelle des Calédoniens pour ce scrutin pose les équilibres politiques de manière incontestable. Malgré un corps électoral à notre désavantage, malgré des manœuvres pour nous enlever encore des électeurs en empêchant les natifs d’être inscrits, malgré des tentatives d’intimidation devant les bureaux de vote, malgré une déstabilisation visant à faire partir les Calédoniens, 81 501 personnes ont voté pour la France, contre 71 536 pour l’indépendance. Avec une participation pareille, le constat est clair : il n’y a pas de majorité pour l’indépendance.
Hier soir, tous les responsables politiques présents sur le plateau de NC1ere ont accepté de se retrouver autour de la table avec l’État pour construire une solution d’avenir, pour poser les sujets qui leur semblent essentiels. J’espère désormais que l’État, totalement absent, muet, entre le 1er et le 2ème référendum, incapable de sortir du rôle d’arbitre pour prendre des initiatives, sera enfin à la hauteur de l’enjeu. Au vu des tensions fortes qui ont eu lieu pour ce scrutin, si les indépendantistes demandaient un 3eme référendum sans perspective de solution de sortie, ils prendraient le risque d’accentuer encore les tensions sans être en capacité de les contrôler. Le pari de l’intelligence, ça doit être ici et maintenant.
Jacques Lalié, président de la province des îles Loyauté et membre du FLNKS, interrogé par Caledonia :
C’est un résultat favorable car on voit qu’on a augmenté de trois points. Si la jeunesse s’est mobilisée aujourd’hui, c’est qu’elle se mobilisera encore demain et dans les générations à venir. Il y a encore quelques abstentionnistes, notamment sur Lifou où on en recense un peu plus de 2000. Il faudra qu’on travaille et personnellement, à partir du budget de 2021, toute l’action politique sera sur le travail pour préparer le référendum. C’est-à-dire qu’on va se mobiliser sur les deux années pour préparer les gens à venir voter.
Thierry Santa, président du gouvernement calédonien et du parti Le Rassemblement-LR, sur NC 1ère :
Je suis satisfait du résultat mais pas satisfait de la situation de redondance que nous vivons ce soir. Après un premier référendum en 2018, un deuxième aujourd’hui, qui montre à nouveau le clivage profond qui sépare la population calédonienne sur cette question fondamentale de l’indépendance ou pas. Je suis convaincu que maintenant que tout le monde a fait le plein de ses voix (…), on aura l’intelligence et la responsabilité de nous mettre maintenant autour de la table et de discuter de ce qu’on veut pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Roch Wamytan, président du Congrès et membre du FLNKS, sur NC 1ère :
Nous continuons à nous battre pour l’indépendance de notre pays. Nous sommes dans un déroulé qui remonte à une trentaine d’années et nous irons jusqu’au 3ème référendum. Nous n’avons pas d’hésitation à le dire parce que nous l’avons ainsi décidé. Si au 3ème référendum, c’est encore non, nous allons à ce moment-là nous réunir pour envisager la suite. Nous sommes arrivés à un moment où on teste ce que nous avons fait pendant 10 ans et 20 ans. Est-ce qu’au bout de 30 ans, nous pouvons répondre à deux questions : Est-ce que le peuple originel de ce pays est satisfait de sa situation, ses conditions de vie, de son désir et de son droit à l’indépendance ? est-ce que nous sommes capables de répondre à cette question et lui proposer quelque chose, avec toutes les communautés qui sont dans ce pays et que nous ne rejetons pas ?
Bilo Railati, membre du Parti travailliste, sur NC 1ère :
Le peuple kanak ne fera jamais le deuil de son indépendance. Le peuple kanak est d’accord pour discuter, mais dans sa logique, il existe un référendum parce qu’il y a un peuple qui est colonisé. Ce qu’on oublie de dire aussi c’est que dans cette campagne référendaire, il y a aussi des non kanak qui se sont alliés avec le peuple kanak parce qu’ils ont compris. Au MNSK, on dit que Kanaky c’est l’ossature, Kanaky c’est la symbolique, mais l’essentiel est dans le nationalisme et la souveraineté. Mais il ne faut pas occulter le fait qu’il y a une progression chez les non kanak.
Charles Washetine, membre de l’Union nationale pour l’Indépendance, sur NC 1ère :
C’est par le dialogue qu’on va sortir de ce statuquo, ici avec l’État. Discutons des sujets, des transferts de compétences, de ce qui se serait passé si le oui l’avait emporté.
Interview de Philippe Gomes, député de Nouvelle-Calédonie et leader Calédonie ensemble, par Outremers360 :
Comment accueillez-vous le résultat de ce 2ème référendum d’indépendance ?
Très négativement, parce que la Nouvelle-Calédonie française sort fragilisée de ce 2ème référendum : elle a perdu 3,41 points par rapport au résultat de 2018. Je condamne d’autant plus la situation dans laquelle désormais on se trouve parce que Calédonie Ensemble était opposé à la tenue de ce 2ème référendum. Nous avons dit après le premier, il faut se mettre autour de la table et discuter. Et après le premier, le non avait une très bonne avance par rapport au oui.
Hélas, d’autres partis non indépendantistes et indépendantistes, l’Avenir en Confiance et le FLNKS, ont demandé le 2ème référendum et maintenant, on se trouve dans une situation où la Nouvelle-Calédonie française n’a plus l’assise qu’elle avait après le premier référendum.
Comment expliquez-vous la progression du « oui » à l’indépendance ?
Il y a deux raisons majeures. D’abord je crois que le FLNKS a fait une très bonne campagne de mobilisation de ses soutiens et notamment de ses abstentionnistes de 2018. Et la deuxième raison majeure, c’est le non développé par « Les Loyalistes », ce rassemblement de tous les partis non indépendantistes, sauf nous, mais avec notamment le Front national. C’était un « non » très agressif, très radical, très anti-océanien et anti-kanak. Ce « non » là, à la sortie, a fait fuir les Calédoniens modérés, qui ont voté un « non » modéré en 2018, qui ne se sont pas retrouvés dans leur « non » et ont finalement voté « oui ».
Nous avons développé un « non » plus modéré, plus respectueux, mais nous ne sommes pas le centre de gravité de cette campagne en matière de « non ». Le centre de gravité, c’était le front Loyaliste mais le « non » qu’il a développé, radical et raciste, a fait réduire le suffrage pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France. Les défenseurs les plus intransigeants de la Nouvelle-Calédonie française se sont révélés comme étant les fossoyeurs de celle-ci.
Que faut-il faire désormais, selon vous ?
Maintenant, au lendemain de ce deuxième référendum, il n’y a plus d’autre solution, on le dit depuis le début mais ça devient un impératif : c’est de se mettre autour d’une table et de construire un « oui » collectif qui soit en quête d’un consensus sur un avenir partagé dans notre pays. Un « oui » qui arrive à concilier souveraineté et République.
Dans le référendum binaire, on nous oppose la souveraineté et la République. Mais nous disons qu’on a déjà réussi à concilier souveraineté et République dans les accords de Matignon et Nouméa. Alors continuons ce processus et ce chemin d’émancipation de notre pays. C’est sûr que nous, les non indépendantistes, sommes en plus mauvaise posture qu’on ne l’était en 2018. Les indépendantistes ayant gagné 3 points et demi peuvent considérer qu’ils peuvent encore gagner des points et accéder à l’État souverain dont ils rêvent.
Ne pensez-vous pas que les indépendantistes, après ce meilleur score, seraient tentés par un 3ème référendum ?
Grâce à l’Avenir en confiance qui a voté pour ce 2ème référendum, grâce au rassemblement Les Loyalistes qui a développé ce « non » agressif : les indépendantistes ont le vent dans les voiles. Et quand on est poussé par les alizés, on peut considérer que ce n’est plus la peine d’attendre ceux qui sont derrière. Nous sommes clairement dans une moins bonne posture pour dialoguer qu’on ne l’était au lendemain du premier référendum. Maintenant il faut essayer de sortir par le haut de cette bérézina.
Êtes-vous satisfait par l’allocution du Président de la République ?
Le président de la République a pris des engagements à la fois sur le thème du dialogue mais aussi sur un spectre très large, car c’était à la fois sur l’institutionnel mais aussi sur les sujets de société qui sont autant de défis pour nous. C’est une bonne chose. Il faut que l’État reprenne la main sur le processus. Si on a signé Matignon, c’est parce que Michel Rocard a pris la main. Si on a signé l’accord de Nouméa, c’est parce que Lionel Jospin s’est investi. C’est quand l’État prend la main et le dossier à bras le corps qu’on peut avancer. L’État doit être acteur et non greffier de ce processus. Donc je suis très heureux que le Président de la République veuille reprendre la main et on ne peut que s’en féliciter.
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