Siège de l’ONU à New York ©DR
Ce mardi 3 octobre, la Quatrième commission des Nations unies, chargée de la décolonisation, a examiné le cas de la Polynésie française, réinscrite sur la liste des territoires à décoloniser depuis mai 2013. Pour la seconde fois, le Président polynésien Edouard Fritch a défendu le statut d’autonomie. Face à lui, une délégation de 15 élus indépendantistes habitués à l’exercice, venus défendre le droit à l’autodétermination et la décolonisation de la Polynésie.
Ce n’est pas la première fois que la Quatrième commission des Nations unies, chargée de la décolonisation, examine le cas de la Polynésie française, réinscrite sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU le 17 mai 2013. Il s’agit toutefois de la seconde fois que la mouvance autonomiste, considérée comme majoritaire en Polynésie, s’exprime par la voix du Président polynésien Edouard Fritch. Face à lui, 15 élus indépendantistes, dont Oscar Temaru et le député Moetai Brotherson, sont venus défendre, pour la 13ème fois selon Tahiti-infos, le droit à l’autodétermination et la décolonisation en Polynésie.
« La Polynésie (…) n’est pas sous domination coloniale »
« La Polynésie française est un véritable Pays autonome et (…) n’est pas sous domination coloniale », a assuré le chef de l’exécutif polynésien Edouard Fritch. Pour étayer son propos, Edouard Fritch a cité l’accession de la Polynésie française au Forum des îles du Pacifique sous le statut de « full member » (membre à part entière). « C’est le résultat de 13 années d’observations et d’analyses de la situation institutionnelle et politique de la Polynésie française par les instances du Forum dont vous connaissez le sérieux », a-t-il défendu, « si mon Pays n’était pas autonome, le Forum des Iles du Pacifique, n’aurait jamais accepté d’intégrer la Polynésie française en son sein ».
Sujet prépondérant des discussions onusiennes autour de la Polynésie française : les essais nucléaires. « La France a reconnu les effets néfastes des essais nucléaires », a déclaré Edouard Fritch. Selon lui, l’Etat aurait versé plus de 180 millions de dollars (environ 153 millions d’euros) non pas aux victimes des essais, mais au titre de la « dotation globale d’autonomie », compensation financière annuellement allouée à la Polynésie depuis la fin des essais en 1996. Dans le cadre de la loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (loi Morin), le Comité d’indemnisation des victimes des essais (Civen) a versé depuis 2010 un peu moins de 6 millions d’euros d’indemnités.
Evoquant « l’amélioration des finances » de la Collectivité, Edouard Fritch souligne que « la priorité était au développement économique et non à l’idéologie » et défend « une Polynésie moderne et ouverte sur le monde ». Le Président polynésien a également réfuté les conclusions du rapport de Carlyle Corbin sur le niveau d’autonomie de la Polynésie. Selon ce rapport, le statut de la Polynésie ne remplirait pas les critères d’autonomie. « L’expert qui a établi ce rapport (…), rémunéré par un parti indépendantiste polynésien, était assis au banc des pétitionnaires en 2016 et le sera encore en 2017. Permettez-moi donc de douter fortement de l’objectivité de ce rapport. Aurait-il plus de légitimité que moi-même ? », s’est-il interrogé en mettant en avant les compétences acquises par la Polynésie à travers son statut d’autonomie.
Le statut d’autonomie : « une illusion » selon les indépendantistes
Après le discours d’Edouard Fritch, c’est Oscar Temaru, leader indépendantiste et maire de la commune de Faa’a, qui s’est exprimé devant la Quatrième commission. « La colonisation par consentement est tout de même du colonialisme », a-t-il répliqué. Le leader indépendantiste a notamment pointé du doigt la nouvelle taxe sur le transport aérien, « qui rapporte beaucoup d’argent à la France », et a accusé l’Etat français, absent du débat, de ne pas respecter la charte des Nations unies. Pour Anthony Geros, Président du groupe indépendantiste à l’Assemblée de la Polynésie française, l’actuel statut d’autonomie « est une illusion dont se berce un gouvernement qui a accepté le colonialisme ». « La puissance administrante continue à contrôler pleinement les ressources de la Polynésie française », a affirmé de son côté Stanley Cross, avocat du parti indépendantiste polynésien (Tavini Huira’atira).
Sur le volet des essais nucléaires, les indépendantistes semblent moins convaincus par les dernières modifications apportées à la loi d’indemnisation des victimes des essais, notamment sur la suppression du risque négligeable. Le député Moetai Brotherson a notamment rappelé que la Collectivité n’a « pas choisi de devenir le terrain de jeux des essais nucléaires ». Mais sur ce dossier, c’est Maxime Chan, membre de l’association 193, qui a été le plus virulent à la tribune de l’ONU. « La réalité est que la Polynésie est un paradis empoisonné par l’Etat français. Les Polynésiens ont servi de cobayes (…). La France doit prendre à sa charge tous les frais de maladie », a-t-il déclaré. Maxime Chan met en avant « 600 nouveaux cas de cancer par an » et des « taux anormalement élevés d’enfants malformés à la naissance ». Qualifiant Edouard Fritch de « messager de la France », Maxime Chan estime que les trente années d’essais nucléaires en Polynésie sont un « crime contre l’humanité ».
La Polynésie française n’est pas le seul territoire ultramarin à passer devant la Quatrième commission des Nations unies. En effet, les avancées sur le référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie seront également examinées et la problématique des listes électorales référendaires devrait être amplement abordée. Comme pour la Polynésie, indépendantistes et loyalistes calédoniens ont fait le déplacement pour défendre chacun leur point de vue. L’examen du cas polynésien ayant pris plus de temps que prévu, le passage de la Nouvelle-Calédonie devant la Quatrième commission a été repoussée de 24 heures. Comme les années précédentes, Rock Wamytan (Indépendantiste) et Gaël Yanno (plate-forme « loyaliste ») conduisent les délégations calédoniennes.