Après les débats plutôt tumultueux entre autonomistes et indépendantistes de la Polynésie française, c’est la Nouvelle-Calédonie qui s’est exprimée devant la Quatrième commission de l’ONU chargée des questions spéciales et de la décolonisation. Le Vice-président du gouvernement calédonien a notamment défendu le rayonnement régional de la Nouvelle-Calédonie.
Le Vice-Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie Jean-Louis d’Anglebermes, a mis l’accent sur les avancées résultant des derniers comités des signataires de l’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998, et les litiges relatifs aux listes électorales. Il a précisé que lors du Comité des signataires, du 4 février 2016, une discussion constructive entre les partenaires de l’Accord de Nouméa avait permis d’aboutir à des engagements clairs. Les partenaires étaient ainsi convenus de déclarer comme « politiquement clos » le litige relatif aux inscriptions faites jusqu’en 2015 sur les listes électorales spéciales provinciales, sous réserve du strict respect des dispositions de la loi organique de 1999. « Nous sommes entrés en 2016 dans une phase d’accélération de notre processus d’intégration régionale et internationale », a-t-il dit, avant de préciser que « cette dynamique, en cohérence totale avec le principe de souveraineté partagée consacrée par l’Accord de Nouméa, contribue directement à notre décolonisation ».
« C’est une chance de pouvoir nous gouverner dans le respect de notre identité et de notre mémoire »
Jean-Louis d’Anglebermes a notamment « salué la contribution des observateurs des Nations Unies aux travaux des commissions administratives spéciales chargées de déterminer les listes électorales ». Les experts de l’ONU étaient en effet venus me en Nouvelle-Calédonie afin de surveiller et accompagner la constitution des listes électorales pour le référendum de 2018. Les experts ont achevé leur mission par une série de recommandations destinées aux commissions administratives spéciales, aux collectivités et à l’Etat. Mais le Vice-président du gouvernement calédonien a surtout mis en avant la politique de relations extérieures propre à la Nouvelle-Calédonie. « Nous sommes membres de nombreuses organisations intergouvernementales, notamment régionales, et nous entretenons des relations bilatérales intenses avec nos partenaires régionaux, notamment le Vanuatu et la Nouvelle-Zélande », a-t-il précisé.
Jean-Louis d’Anglebermes a rappelé, dans ce volet, la récente intégration de la Nouvelle-Calédonie (et de la Polynésie française) au Forum des îles du Pacifique en tant que membre à part entière, en soulignant que le Caillou se veut être un pont entre la région Pacifique et l’Union Européenne, en accueillant par exemple le premier sommet UE-Pacifique. Il a par ailleurs annoncé l’intention de la Nouvelle-Calédonie d’adhérer à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et d’être candidate à l’UNESCO en tant que membre associé. « Nous sommes entrés en 2016 dans une phase d’accélération de notre processus d’intégration régionale et internationale », a indiqué en conclusion le Vice-Président.
De son côté, Gérard Poadja, Vice-Président de la Commission des relations extérieures du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui fut il y a quelques années le premier élu (Calédonie ensemble) Kanak de la Province Nord à occuper la présidence du Congrès calédonien, a indiqué que la France « est une chance pour une petite île océanienne de 300 000 habitants ». « C’est aussi une chance de pouvoir nous gouverner dans le respect de notre identité et de notre mémoire ». « Il faudra aussi veiller à ce que le référendum de 2018 ne donne pas l’impression d’une victoire d’une Calédonie sur l’autre ». Or le Vice-président du gouvernement a tout de même fait part d’un risque; qu’une grande partie des Kanaks ne puissent pas prendre part au référendum de 2018 parce qu’ils ne sont pas inscrits sur ces listes. Cette démarche est effectivement volontaire et non automatique.
Discours de Gérard Poadja à la Quatrième commission :
Monsieur le Président de la 4ème commission,
Mesdames et messieurs les membres de la commission,Si je m’exprime aujourd’hui devant vous, c’est au nom de « Calédonie Ensemble », première formation politique de Nouvelle-Calédonie.
De sensibilité non indépendantiste, ce mouvement rassemble des Calédoniens de toutes ethnies, de toutes conditions sociales, de la brousse comme de la ville. J’ai moi-même, au nom de cette formation en 2012, assumé la présidence du Congrès, ce qui était une première pour un Calédonien d’origine kanak du Nord de la Grande-Terre.
Ce que je suis venu vous dire aujourd’hui solennellement c’est qu’une très large majorité de la population calédonienne souhaite continuer à affirmer sa singularité au sein de la République Française. Et que cette population est de toutes les couleurs. Parce que pour nous la France est une chance. Une chance pour une petite île comme la nôtre, peuplée de moins de 300 000 habitants, perdue au milieu du Pacifique Sud, d’être reliée à un « grand et vieux pays » – la France – et à un grand continent – l’Europe – tout en participant pleinement au concert des nations de l’Océanie.
Une chance pour nous de ne pas avoir à tendre la sébile sur la scène internationale, comme trop de pays y sont contraints, pour répondre aux besoins élémentaires de nos concitoyens, en matière de sécurité intérieure et extérieure ou d’éducation, grâce aux transferts financiers de l’Etat qui représente, chaque année, un milliard 300 millions d’euros, soit l’équivalent de la totalité des impôts payés par les calédoniens.
Une chance enfin de pouvoir nous gouverner nous-même, dans le respect de nos mémoires et de nos cultures, au sein même de la République, pour la quasi-totalité des compétences du pays, à l’exception des pouvoirs régaliens.
Cette chance, il nous appartiendra de décider si nous devons en 2018, au moment du référendum prévu par l’Accord de Nouméa, la conserver ou, au contraire, choisir d’accéder à une souveraineté pleine et entière.
Pour nous, calédoniens non indépendantistes de toutes ethnies, au terme du processus de décolonisation négocié dans lequel nous sommes engagés, ce serait une grave erreur de franchir une ultime étape dans l’émancipation de notre pays, qui nous conduirait à sortir des limites de la République.
Et, croyez-moi, le peuple calédonien ne s’y aventurera pas. Pour autant, il nous faut arriver – par le dialogue et dans le respect des convictions de chacun – à construire avec les indépendantistes les équilibres nécessaires pour que ce référendum de 2018 ne soit pas la victoire d’une Calédonie sur l’autre. Il nous faudra, à la fois, continuer à tisser les fils du destin commun, tâche à laquelle nous nous consacrons depuis 30 ans maintenant, et, dans un même temps, pouvoir affirmer nos convictions les plus profondes par rapport à l’avenir du pays. Je suis intimement persuadé, malgré les difficultés que nous rencontrons parfois au quotidien, que l’intelligence collective de notre peuple sera, une nouvelle fois, au rendez-vous de l’Histoire.Je vous remercie.