Le groupe australien New Century Resources vient de confirmer le retrait de son offre de rachat de l’usine Vale NC (VNC) dans le sud calédonien, alors que la rumeur de ce retrait courrait déjà depuis plusieurs jours.
Ce dossier politique et économique brûlant à quelques semaines du second référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie prend aujourd’hui une nouvelle tournure. « New Century Resources Limited informe que l’entreprise a décidé de ne pas poursuivre en présentant d’offre ferme pour la reprise potentielle de 95 % des actions émises par Vale Nouvelle-Calédonie SAS, qui possède et exploite la mine de nickel et de cobalt de Goro en Nouvelle-Calédonie », a annoncé le potentiel repreneur dans un communiqué.
Une décision qui serait notamment motivée par le départ d’un des actionnaires, IGO, qui affichait des divergences sur le rachat du site Vale NC. « Vale va maintenant entamer les démarches nécessaires pour mettre VNC sous surveillance et maintenance, en vue d’un éventuel arrêt de l’exploitation, si aucune solution durable n’est trouvée dans les mois à venir. Dans le même temps, l’entreprise poursuit ses efforts avec l’État français, la province Sud de la Nouvelle-Calédonie et la direction de VNC afin d’obtenir un résultat positif pour la suite des opérations », a informé Vale dans un communiqué.
Antonin Beurrier, PDG de Vale NC, a précisé les « deux scénarios » qui se présentent désormais au groupe minier. D’une part, un scénario « grave » pour les 3 000 emplois directs et indirects, visant à une « diminution de l’activité à la fin de l’année pour préparer une fermeture des opérations », a-t-il expliqué à nos partenaires de Caledonia. Le second scénario est de trouver d’autres « offres sérieuses, crédibles d’un point de vue industriel et financier, portées par les institutions, le management et les salariés de l’entreprise », a-t-il poursuivi. « Aujourd’hui, c’est à nous de proposer et de construire. On ne va pas être passif » ajoute Antonin Beurrier, annonçant mettre en place un « actionnariat salariés » afin de dégager 3 milliards de Fcfp de « cash ».
Depuis plusieurs semaines, le rachat de Vale NC est au cœur des débats politiques, en pleine campagne référendaire en Nouvelle-Calédonie. « Je sais que le nickel est un sujet sensible et politique » dans l’archipel, a reconnu Antonin Beurrier, qui dénonce l’intervention « des personnes qui ne sont pas compétentes juridiquement dans le dossier ». « On a l’État qui regarde le sujet, on a la province Sud qui est compétente en matière d’autorisation, d’environnement, de concession minière : tout cela est fait dans les règles », souligne-t-il. « L’intrusion dans le dossier a produit beaucoup de confusion ».
L’Instance Coutumière Autochtone de Négociation (ICAN) était vivement opposée au rachat de Vale NC par l’Australien New Century Resources (NCR). Elle a été rejointe plus tard par les partis indépendantistes pour former un Collectif coutumier « Usine du Sud = Usine Pays ». Récemment, 34 élus du Congrès, parmi lesquels des indépendantistes et les loyalistes de Calédonie Ensemble, ont demandé une session extraordinaire pour auditionner des acteurs dans ce dossier, et le report du choix du repreneur. Le FLNKS avait dénoncé cette vente comme un « bradage » du « patrimoine minier » de l’archipel.
Le bras minier de la province Nord (Sofinor) avait par ailleurs candidaté à la reprise de Vale NC, à travers un partenariat avec Korea Zinc, en mars dernier. « Korea Zinc propose un projet dans lequel nous serons majoritaire à 56%. C’est cette offre-là qui est favorable au pays », avait déclaré une porte-parole du FLNKS. L’offre avait néanmoins très vite été écarté par Vale NC qui par la suite est entré en négociations exclusives avec le groupe australien. « L’offre ne présentait ni les garanties industrielles, ni les garanties financières » a justifié Antonin Beurrier. De son côté, la Sofinor « a bien pris note des décisions de NCR » et « reste candidate pour son partenaire Korea Zinc ».
« Nous ne doutons pas que le blocage de l’usine, les manifestations, l’interventionnisme en dehors de tout champ légal, la non-décision de l’export de minerais auront eu raison de la motivation du repreneur », a commenté la province Sud, présidée par l’élue non indépendantiste de l’Avenir en confiance, Sonia Backès. « Toutes ces manœuvres sur une opération de droit privé pourraient relever de la simple agitation si les conséquences n’étaient pas si graves pour les milliers d’emplois concernés, leur famille et plus généralement pour notre économie », poursuit-on. L’Avenir en confiance fustige « une entreprise de déstabilisation de la Nouvelle-Calédonie menée par Calédonie Ensemble et les indépendantistes ».
De son côté, le député UDI – Calédonie Ensemble Philippe Gomès a dénoncé une « pantalonnade industrielle en province Sud ». Ce dernier ironise sur la crédibilité de New Century Resources, une « petite compagnie australienne sans expérience industrielle avérée, à la surface financière limitée, dont l’actionnaire principal vient de se retirer il y a une semaine ». Regrettant une conduite du rachat de Vale NC « d’une grande opacité » et « générateur de tensions sur le terrain », Philippe Gomès a annoncé que la session extraordinaire du Congrès sur ce dossier aura lieu le 14 septembre : « Ce sera l’occasion de faire toute la lumière sur cet important dossier qui représente 60 milliards de dépenses annuelles en salaires et prestations dans l’économie du Pays ».
Pour les indépendantistes du FLNKS, l’offre « faite par le consortium SOFINOR – Korea Zinc est désormais la seule qui soit en mesure d’apporter les garanties économiques, sociales et environnementales à la pérennité de l’usine du sud ». « New Century Resources n’avait pas les qualifications », insiste Raphaël Mapou, responsable de l’ICAN. « C’est une victoire pour la Nouvelle-Calédonie. Grâce à ce retrait, l’ensemble des institutions peuvent discuter sérieusement du projet de reprise de cette usine », a-t-il ajouté, appelant la direction de Vale NC à « ouvrir les discussions avec Korea Zinc et la Sofinor ».
Pour Raphaël Mapou, Korea Zinc « est un industriel reconnu au niveau international ». « Nous avons la chance avec Korea Zinc de créer une raffinerie dans le pays et de produire de l’oxyde de nickel ». Pour Pierre Tuiteala, secrétaire général du SOENC Nickel, le retrait de IGO dans l’actionnariat de New Century Resources la semaine dernière, ajouté au contexte politique calédonien a « fragilisé » l’offre de l’Australien. En attendant le prochain rendez-vous de ce brûlot économique et politique calédonien, qui aura donc lieu le 14 septembre au Congrès de l’archipel, une nouvelle mobilisation du Collectif coutumier « Usine du Sud = Usine Pays » est prévue ce mercredi, à Nouméa.
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