©Archives / AFP
Dimanche 21 et lundi 22 février, le Président de la République sera à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française pour une visite marathon des deux Outre-mer. Attendu depuis le début de son quinquennat, François Hollande tient là une de ses promesses faite lors de sa campagne aux Présidentielles de 2012 ; visiter tous les Outre-mer. Mais quels seront les sujets qu’il abordera lors de cette visite ? Décryptage.
Ce week-end, François Hollande, accompagné par Georges Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, quittera la douceur parisienne pour un climat plus tropicale. Il arrivera en Polynésie française dimanche aux aurores pour s’envoler directement à Wallis-et-Futuna, dans l’Ouest du Pacifique. Il passera ainsi la ligne de changement de date et après seulement 2h45 de vol, François Hollande atterrira à l’aéroport de Hihifo lundi matin. S’en suivra une journée de visite et de rencontre avec les forces politique wallisiennes et futuniennes avant de reprendre l’avion à 17h, le même jour, pour la Polynésie française où il atterrira dimanche soir à 23h. Le lendemain matin, lundi donc, il entamera sa tournée polynésienne dès 6h du matin pour rejoindre Paris dans la soirée. Zéro dimanche, deux lundis, François Hollande va remonter le temps. L’information n’est pas primordiale, mais on pose ça là.
Les enjeux économiques
En Polynésie française, François Hollande s’exprimera bien sûr les enjeux économiques, le territoire étant en proie à une crise économique durable. Le Président de la République compte rebondir, dans son allocution à la Présidence de la Polynésie française, sur le discours d’Edouard Fritch, président du gouvernement polynésien, qui sera prononcé avant celui de François Hollande. Pour Olivier Kressmann, président du Medef de Polynésie, c’est le Pays qui doit prendre en charge sa stratégie de développement, « on n’attend pas du Président de la République qu’il soit un secours » a-t-il expliqué à Tahiti-infos. Cependant, le président du Medef souhaite un déblocage de la défiscalisation, « sujette au bon vouloir de Bercy dans son application », un avis partagé par le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). Plus surprenant, Olivier Kressmann interpelle le Président de la République sur le prix élevé de l’électricité en Polynésie française ; « je rappelle qui si la métropole a aujourd’hui un coût de l’électricité parmi les moins chers d’Europe, c’est grâce au choix de l’énergie nucléaire. Cette énergie, où a-t-elle été affinée technologiquement ? En Polynésie française ! Il est plus que légitime que le peuple polynésien ait un retour de cette contribution au développement du nucléaire et se retrouve lui aussi à profiter des bénéfices d’une technologie qu’il a largement contribué à mettre au point ». En lame de fond, le sujet qui sera sur toutes les lèvre lors de cette visite présidentielle est sans conteste celui du nucléaire.
Vers la rétrocession des terrains militaires
Le Président de la République devrait procéder et signer lundi matin la finalisation de la rétrocession des terrains militaires, en compagnie d’Edouard Fritch, président du gouvernement de la Polynésie française. Une rétrocession attendue par les communes qui abritent ces terrains et qui en récupèrent donc la compétence. Les communes concernées auront ensuite 15 ans pour dynamiser et ré-investir les lieux, délais dépassé, les terrains militaires reviendront sous le giron de l’Etat. Dès la signature finale de la rétrocession, le gouvernement pourra débloquer un peu plus de 4 millions d’euros qui seront alloués aux communes concernées. « Les maires sont des gens responsables. Ce sont des élus responsables. Je vous rappelle que les projets qui apparaissent dans le contrat de re-dynamisation sont des projets proposés par les communes. Ils ne vont pas proposer des choses qu’ils ne peuvent pas réaliser. Ils auront besoin de financement. Le délai de réalisation est de 15 ans. Ce n’est pas rien. Avec le Pays, avec l’État, avec les banques, avec les bailleurs de fonds, il faudra effectivement que l’on monte des plans de financement pour que ces projets aboutissent. Mais moi je suis optimiste », a confié Edouard Fritch au micro de TNTV. Aux 4 millions d’euros s’ajouteront une participation de l’Etat à hauteur de 6 millions d’euros, soit en tout, 10 millions d’euros pour amortir le coût totale des projets communaux estimé à 27 millions d’euros.
Terrain glissant : le fait nucléaire
Sur les conséquences liées aux trente années d’essais nucléaires en Polynésie française, une source gouvernementale nous assure, « il va aborder ces sujets et faire savoir qu’il a entendu les élus et les associations (…), pour ensemble tourner la page du nucléaire ». Le magazine Tahiti Pacifique révèle que François Hollande annoncera une modification de la loi d’indemnisation des victimes du nucléaire, pour arriver à plusieurs centaines d’indemnisations au lieu d’une petite dizaine actuellement. Mais « tourner la page du nucléaire », pas sûr que les associations l’entendent ainsi. Pour elles, les essais nucléaires auront des conséquences également sur les générations futures, constat vérifié par les experts scientifiques du sujet. Pour rappel, les associations 193 et Moruroa e Tatou ont lancé une pétition demandant la mise en place d’un référendum sur la reconnaissance du fait nucléaire et la réparation des conséquences. À ce jour, la pétition a recueilli plus de 30 000 signatures. Questionnée sur cette demande, la même source confie, « je ne sais pas si c’est un sujet qui porte à référendum. Il faut le traiter convenablement, entre la Polynésie et la République ». Pas sûr donc que les associations obtiendront pleinement satisfaction lors de cette visite, même si l’assouplissement annoncé de la loi d’indemnisation pourrait calmer le jeu et satisfaire, en partie, les associations qui semblent aujourd’hui soutenues par quelques acteurs de l’économie et une partie considérable l’opinion polynésienne.
Rencontre avec Oscar Temaru
Le maire souverainiste de la commune de Faa’a, président-fondateur du parti indépendantiste polynésien et candidat aux Présidentielles de 2017, Oscar Temaru, a obtenu une rencontre avec le Président de la République. « Oscar Temaru a souhaité le rencontrer, il se connaissent depuis longtemps, c’est une rencontre à caractère amicale ». Le Président de la République a d’abord proposé au leader souverainiste une rencontre à l’aéroport de Tahiti-Faa’a avant d’accepter l’invitation d’Oscar Temaru dans son fief. Quels seront les sujets abordés ? Probablement sa candidature aux élections présidentielles ou « sa volonté de poursuivre son combat pour l’indépendance en lien avec l’ONU ». En somme, c’est Oscar Temaru qui sera maître des sujets à aborder, parmi lesquels on suppose ; le soutien de François Hollande à sa candidature aux présidentielles, la compétences sur les terres rares, ou encore la décolonisation. Il faudra attendre lundi pour voir sur quels terrains le leader souverainiste promènera le Président de la République. En 2013, la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU, obtenue par Oscar Temaru a l’issue d’une longue campagne de lobbying, avait jeté un froid sur les relations entre les deux hommes et les deux partis partenaires, socialiste et indépendantiste. « Une divergence d’approche » tempère-t-on du côté de l’Etat, « le Président de la République se rend bien compte que la majorité des Polynésiens n’est pas favorable à l’indépendance et notre position a toujours été que l’on respecte le choix de la population. Tant qu’on en n’est pas la, il n’est pas souhaitable de faire intervenir la communauté internationale ».
Pouvanaa a Oopa
Un autre sujet s’est immiscé dans la visite officielle de François Hollande en Polynésie française, celui du député tahitien Pouvanaa a Oopa. Lundi à 6h35, le Président de la République sur rendra sur la tombe de l’ancien député où il est fort probable qu’il prononce un discours. Petit rappel historique : à la fin des années 50, le premier député tahitien, Pouvanaa a Oopa, est accusé à tord d’avoir voulu incendier la ville de Papeete le soir du référendum d’indépendance, où la victoire a largement été donnée au maintien de la Polynésie française au sein de la République. Pouvanaa a Oopa prônait l’indépendance de la Polynésie, ce qui interférait avec les projets nucléaires du Générale de Gaulle. Il a donc été écarté de la vie politique polynésienne et exilé en France avant d’être finalement gracié à un âge où il ne représentait plus une menace pour l’Etat. Aux yeux de la Justice, Pouvanaa a Oopa est toujours coupable d’avoir voulu incendier Papeete.
En 2012, Nicolas Sarkozy, en pleine campagne présidentielle, donne accès aux fonds d’archives permettant à la famille Oopa de constituer un dossier solide pour une demande de révision du procès. Une demande soutenue par François Hollande pendant la même campagne. En 2013, l’Assemblée de la Polynésie française vote à l’unanimité une motion pour la révision du procès et Christiane Taubira, ancienne Garde des Sceaux, saisie la commission de révision des condamnations pénales en juin 2015. Cette accélération est largement dû à la sortie, en 2012, du premier documentaire retraçant la vie politique de ce personnage incontournable en Polynésie française. Ce documentaire, Nicolas Sarkozy l’a vu ainsi que les conseillers de Christiane Taubira. La révision du procès de Pouvanaa a Oopa est aujourd’hui entre les mains de la Justice, l’exécutif ayant fait son travail en saisissant la commission de révision. La présence, lundi matin, de François Hollande sur la tombe de celui qui est encore considéré comme le « Metua » (père, en tahitien), s’apparente très fortement à une « réhabilitation politique » de ce dernier.
Taputapuatea
Dernier temps fort de la visite de François Hollande en Polynésie française ; son déplacement éclaire sur l’île de Raiatea où le Président de la République foulera le Marae de Taputapuatea, haut-lieu de la Polynésie ancestrale et candidate au Patrimoine mondial de l’Humanité. Taputapuatea a également accueilli, en 2015, les principaux leaders des îles du Pacifique, réunis autour d’Edouard Fritch, président du gouvernement de la Polynésie française. Cette visite sur le Marae de Taputapuatea sera probablement une façon pour François Hollande d’assoir la présence de la France dans le Pacifique, au travers de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et de la Polynésie française, comme ce fut le cas lors du dernier Sommet France-Océanie qui s’est tenu début décembre 2015 à Paris. En somme, la présence du Président de la République sur un lieu majeur de l’Histoire de la grande Polynésie est un message diplomatique fort à l’encontre des autres Etats insulaires du Pacifique.
A Wallis-et-Futuna
À Wallis-et-Futuna, le Président de la République abordera « des sujets importants, à l’échelle de l’archipel. Il y aura des annonces fortes, sur l’électricité notamment ». Des annonces majeures, « importantes pour les wallisiens et futuniens », mais à l’échelle du petit territoire insulaire. Sur place, François Hollande rencontrera les différentes chefferies de l’archipel, qui lui feront goûter le fameux « kava » royale, une tradition réservée aux invités de marque. Il rencontrera aussi les élus de l’Assemblée territoriale.
C’est donc deux journées marathon qui attendent François Hollande. Deux journées sensibles, surtout en Polynésie française, où le Président de la République devra rassurer les associations et l’opinion polynésienne sur le fait nucléaire. C’est incontestablement le sujet sur lequel il est le plus attendu, et incontestablement le sujet le plus glissant. Il faudra au Président de la République beaucoup de kava royale, à Wallis-et-Futuna, pour aborder sereinement sa journée polynésienne, qui sera sans doute, aussi perturbée et orageuse que la météo qui sévit actuellement en Polynésie française.