Crise sociale en Guyane: Dialogue renoué entre le collectif et le gouvernement

Crise sociale en Guyane: Dialogue renoué entre le collectif et le gouvernement

©Gerno Odang

Après quatre semaines du mouvement social qui paralyse la Guyane, le dialogue a repris mardi soir entre le collectif qui pilote la mobilisation et le gouvernement, alors que la tension s’est renforcée sur le terrain après un durcissement des barrages routiers. De son côté, le leader des « 500 frères » Mickaël Mancée a annoncé qu’il quittait le collectif.

Le collectif « Pou la Gwiyann dékolé » (Pour que la Guyane décolle), qui exprime des revendications sécuritaires, économiques et sociales pour permettre au territoire d’outre-mer de rattraper son retard sur l’Hexagone, a annoncé mardi soir avoir reçu une réponse du gouvernement à qui il a envoyé dimanche « un projet de protocole d’accord« , pour tenter de mettre un terme à ce conflit social.

La réponse gouvernementale, « très technique », devait être analysée dans la nuit, puis examinée à nouveau mercredi matin par des experts et les élus de Guyane, a indiqué la porte-parole du collectif Valérie Vanoukia. « On va se revoir demain, pour revoir la contre-proposition que nous avons à faire, mais en l’état, compte-tenu que c’est d’une technicité particulière, nous ne pouvons pas aujourd’hui dire à la population que ce document est une bonne réponse ou pas », a-t-elle avoué.

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La veille, le collectif, qui rassemblent socio-professionnels, syndicats et associations, avait annoncé un renforcement des barrages routiers qui bloquent les principales villes de Guyane, afin de mettre la pression sur le gouvernement et l’inciter à répondre le plus rapidement possible, à quelques jours de la présidentielle, samedi en Guyane. S’il est signé, le protocole permettra de « suspendre le mouvement sous sa forme actuelle », a assuré Valérie Vanoukia.

Dans sa version, le collectif propose d’ « acter » le plan d’urgence gouvernemental de plus d’un milliard d’euros et de « rouvrir le dialogue sur les deux milliards » supplémentaires qu’il réclamait jusqu’à présent. Il demande également « la rétrocession totale du foncier », « l’ouverture d’une consultation citoyenne » sur l’avenir institutionnel de la Guyane et la garantie qu’aucun manifestant ne sera sanctionné. La justice a en effet ordonné des contrôles de police sur les barrages après des plaintes de particuliers pour « entrave à la circulation ». Sur ce dernier point, Valérie Vanoukia a assuré que l’exécutif validait la demande du collectif d’une absence de sanctions. Pourtant, dans une déclaration à CNews, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a rappelé que la justice était indépendante en Guyane comme ailleurs.

Départ du leader charismatique Mickaël Mancée

La réponse du gouvernement intervient alors que le leader charismatique du mouvement, Mickael Mancée, a annoncé qu’il quittait le collectif, car « l’évolution de la mobilisation et des événements n’est pas en adéquation avec (sa) vision des choses ». Mickaël Mancée s’était abstenu lundi soir sur le choix du collectif de reprendre et d’intensifier les barrages routiers, après une trêve de trois jours lors du week-end pascal. Cet ancien policier, qui s’était mis en retrait de son métier pour créer le collectif des « 500 frères contre la délinquance » a également laissé les rennes de ce collectif très présent dans la mobilisation.

Mickaël Mancée, leader charismatique des "500 frères contre la délinquance" a annoncé son départ du mouvement ©Jody Amiet / AFP

Mickaël Mancée, leader charismatique des « 500 frères contre la délinquance » a annoncé son départ du mouvement ©Jody Amiet / AFP

Dans une lettre envoyée à France-Guyane, il précise qu’il ne se « reconnaît pas dans les méthodes employées », qui « ne correspondent pas aux idéaux de la marche qui avait attiré à nous les médias nationaux et internationaux », en référence à la mobilisation qui avait rassemblée plusieurs milliers de Guyanais le 28 mars, qualifiée d’historique par le préfet. Pour Mickaël Mancée, les barrages « datent d’un autre temps ». S’il juge qu’ils étaient « nécessaires à la prise de conscience collective », il considère désormais que « la tendance s’est clairement inversée » et que « les décisions du collectif sont prises dans le dos du peuple ».

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« Ca ne veut pas dire que le combat s’arrête, bien sur que non. c’est un engagement que j’ai pris et auquel je me tiendrai. (…) On ne peut pas rattraper 50 ans de retard en deux jours ou en deux semaines, c’est pas possible, il faut préparer un tel combat », a-t-il ajouté. Néanmoins, son départ pourrait créer une vraie division dans le collectif et la population. Depuis plusieurs jours déjà, les divergences se sont intensifiées sur l’opportunité de continuer à maintenir des blocages. Mardi, plusieurs incidents sur les barrages ont été rapportés, tandis que des fédérations d’entrepreneurs guyanais se sont désolidarisées du collectif. Le pôle économique du collectif, composé de 16 syndicats patronaux, a également montré son désaccord sur la méthode. « Ce document n’a pas fait l’objet d’un travail avec l’ensemble des pôles et se trouve déjà frappé d’obsolescence puisqu’il ne tient pas compte des travaux réalisés depuis 7 jours », a-t-il indiqué dans un communiqué.

Avec AFP.