Ce jeudi 7 mars, les Instituts d’Émission d’Outre-mer (IEDOM/IEOM) publient une étude sur le potentiel de l’Économie verte dans les territoires ultramarins. Dans le sillage des études sur le Tourisme et l’Économie Bleue, cette étude veut montrer le potentiel de développement de ce secteur, entre gestion de l’eau, traitement des déchets et énergies renouvelables. Interview avec Marie-Anne Poussin-Delmas, Dirigeante des Instituts d’Émission d’Outre-mer.
« Les Outre-mer sont à la recherche de nouveaux leviers de croissance durable et il nous semble clairement que l’économie verte fait partie de ces leviers », explique Marie-Anne Poussin-Delmas, Président de l’IEDOM et Directrice générale de l’IEOM. Un constat appuyé en juin 2018 par le Président de la République lors de la présentation du Livre Bleu Outre-mer, qui affirmait alors son souhait « que les territoires ultramarins soient pionniers en matière de croissance verte et de développement durable ». « L’économie verte, c’est 2,8% des entreprises, 4% des effectifs et 2,2% des financements bancaires », cite Marie-Anne Poussin-Delmas. En d’autres termes, 6 792 entreprises qui vivent de ce secteur, soit 19 624 emplois et 665 millions d’euros d’investissements bancaires. « Ce diagnostic est globalement le même sur l’ensemble des Outre-mer à l’exception de la Guyane où les emplois verts représentent 7% du total ».
Une croissance de 4% sur les emplois
Si Marie-Anne Poussin-Delmas reconnait un poids « assez modeste », elle souligne néanmoins « que la dynamique de croissance de l’économie verte est forte puisque ce secteur a crû de de 4% concernant les emplois, et de 6% en ce qui concerne le nombre des entreprises ». Plus précisément, ces taux de croissance sont évalués par an sur la période 2008-2016, ce qui laisse envisager que « les perspectives sont bonnes ». « D’une part parce que les besoins sont immenses, d’autre part parce que ces différents secteurs s’appuient sur des plans régionaux, locaux, nationaux, qui donnent de la visibilité à l’ensemble des acteurs publics et privés qui souhaiteraient s’investir dans ces domaines. Du fait de cette bonne visibilité, les financements bancaires sont présents, de même que des financements publics, nationaux et européens », assure-t-elle. Dans cette étude, les Instituts d’Émission d’Outre-mer ont fait un focus sur trois secteurs « particulièrement intéressant parce qu’ils représentent des défis stratégiques pour les Outre-mer ».
Gestion de l’eau, énergies renouvelables et traitement des déchets
« Le premier de ce secteur, c’est l’eau », indique Marie-Anne Poussin-Delmas. « L’accès à l’eau est un véritable défi pour les territoires ultramarins, notamment pour la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte. C’est un défi pris en main dans le cadre du plan Eau mais qui reste largement devant nous. Le même diagnostic peut-être fait sur le traitement des eaux usées, puisque 50 à 80% des logements ultramarins ne sont pas raccordés à des réseaux d’assainissement collectif contrairement à l’Hexagone où ce taux est de 20% ».
Pour l’IEDOM/IEOM, le deuxième secteur est celui des énergies renouvelables. « C’est un secteur particulièrement dynamique puisque sur la même période de référence 2008-2016, les emplois ont crû de 5%, et le nombre des entreprises de 8% par an. Ce qui est considérable ». La dirigeante des Instituts soutient son argumentaire sur l’« ambitieux » de la loi de Transition énergétique, qui « prévoit que le mix énergétique des Outre-mer doit être composé d’au moins 50% d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 et ce mix doit être porté à 100% à l’horizon 2030 ». « Or, il faut bien constater qu’aujourd’hui les territoires ultramarins reposent beaucoup sur les centrales thermiques au fioul et au charbon, à l’exception de la Guyane où la part de l’hydraulique dans le mix énergétique est important puisqu’il est de plus de 60% ».
« Si on regarde l’ensemble des sources d’énergies en Outre-mer, on voit que les Outre-mer peuvent compter sur l’hydraulique, en Guyane mais aussi en Polynésie et à La Réunion, sur le photovoltaïques et plus récemment sur la biomasse puisque des centrales charbon-bagasse et biomasse-bagasse ont été ouvertes et sont opérationnelles dans plusieurs territoires, notamment en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion », note-t-elle encore. Marie-Anne Poussin-Delmas cite également des exemples concrets tels que la centrale géothermique de Bouillante en Guadeloupe, unique dans la Caraïbe et en France, celle au bioéthanol de canne à sucre opérationnelle à La Réunion, la future centrale photovoltaïque de Saint-Laurent du Maroni en Guyane, « qui aura la plus grosse capacité de stockage d’énergie solaire au monde grâce à une technologie à base d’hydrogène », ou encore, les énergies marines avec la technologie du SWAC, climatisation par puisement de l’eau froide des profondeurs marines utilisée en Polynésie et à La Réunion.
Un enjeux de société
Enfin, « le traitement des déchets est également un secteur où le défi est important, d’une part en raison de l’insularité, mais également en raison du déficit d’infrastructures (…) pas suffisamment nombreuses pour faire face à une production de déchets croissante », qui rejoindra bientôt la production de déchets dans l’Hexagone. « La solution à court terme repose encore beaucoup sur l’exportation des déchets pour être traités », constate-t-elle.
« Ce qui va être déterminant aujourd’hui c’est la dynamique de croissance du secteur de l’Économie verte et cette dynamique repose sur la prise de conscience collective des enjeux sociétaux », poursuit Marie-Anne Poussin-Delmas. Sur cette prise de conscience, la dirigeante des Instituts d’Émission d’Outre-mer compte également sur les médias, « qui favoriseront cette prise de conscience collective ». Une prise de conscience intimement lié à la valorisation de l’environnement. En effet, soulignant « patrimoine naturel d’exception des Outre-mer, puisque 80% de la biodiversité est ultramarine », Marie-Anne Poussin-Delmas entrevoit l’Économie verte comme « un très fort potentiel de développement pour les Outre-mer (…), à la fois pour la protection de l’environnement, mais aussi pour le tourisme et tout particulièrement pour le tourisme vert ».