Economie bleue en Outre-mer : Les potentiels de développement décortiqués par les Instituts d’émission d’Outre-mer

Economie bleue en Outre-mer : Les potentiels de développement décortiqués par les Instituts d’émission d’Outre-mer

Le Grand Port Maritime de La Réunion, 4ème Port de France

Dans une étude publiée ce mardi 30 janvier, les Instituts d’émission d’Outre-mer, IEDOM et IEOM, se sont penchés sur l’Economie bleue dans les territoires ultramarins. « Le caractère littoral ou insulaire des départements et territoires ultramarins tourne nécessairement ces économies vers la mer » notent les Instituts. « L’émergence d’une économie bleue est ainsi une réalité ». En exclusivité pour Outremers360, Marie-Anne Poussin-Delmas, Présidente de l’IEDOM, explique cette étude.

Deux raisons ont poussé les Instituts d’émission d’Outre-mer à se pencher sur l’Economie bleue. « La première, c’est que la France dispose du 2ème domaine maritime mondial. C’est 11 millions de km², et c’est vraiment grâce à ses Outre-mer car 97% de ces surfaces maritimes sont dans les Outre-mer. C’est un atout géopolitique et économique absolument essentiel. La deuxième raison est une raison économique plus prospective, c’est-à-dire que tout ceci représente un potentiel et les Instituts d’émission d’Outre-mer, qui sont également un observatoire économique, se doivent de mettre en avant des domaines qui peuvent être des leviers de croissance durable », explique Marie-Anne Poussin-Delmas. « C’est d’autant plus important que l’on voit aujourd’hui que les Outre-mer ont une croissance qui est essentiellement fondée sur l’investissement public et la consommation des ménages, et il faut donc trouver de nouveaux relais de croissance. L’économie bleue en fait partie ».

« L’étude que nous avons produite est fondée sur 17 secteurs d’activités qui sont le socle de l’économie bleue, et mesurable en termes de volume d’emplois, nombres d’entreprises et financement, au travers de ce qu’on appelle la Nomenclature des activités françaises (NAF) », poursuit la Présidente des Instituts. « C’est un périmètre que nous avons choisi parce que nous souhaitions quelque chose qui soit vraiment mesurable et que chacune de nos géographies a pu quantifier de façon identique et que l’étude produite est une agrégation de ce qui a pu être collecté dans l’ensemble des géographies ». Le premier constat, c’est le paradoxe entre le potentiel et la vertigineuse dimension maritime des Outre-mer et son poids, relativement faible, dans leurs économies.

8 800 entreprises et 12 500 emplois

« De façon globale, le secteur représente 3,5% du tissu entrepreneurial, 2,5% de l’emploi marchand et 1,5% du financement bancaire. Autrement dit, cela représente 8 800 entreprises et 12 500 emplois », notamment de très petites entreprises. « Il n’y a que la Polynésie française qui se distingue sensiblement de cette moyenne : 8% du tissu entrepreneurial, 10% de l’emploi marchand et presque 8% du financement bancaire », indique Mme Poussin-Delmas. Dans son étude, les Instituts d’émission d’Outre-mer ont relevé trois, voire quatre, secteurs de l’Economie bleue particulièrement développés en Outre-mer mais dont les potentiels sont encore considérables.

Nouméa, 2ème Port de l’Océanie

« En terme économique, le transport maritime et l’activité portuaire sont les premiers secteurs de l’économie bleue. Le transport maritime est le premier mode d’échange de marchandises dans le monde », souligne la Présidente des Instituts. « L’OCDE estime que le trafic marchandises et le trafic conteneurs sera multiplié par trois d’ici 2035. Les économies ultramarines ont dans ce domaine un atout à jouer de par leur position géographique, au carrefour de routes maritimes internationales ». Le Grand Port Maritime de La Réunion et le Port de Nouméa ont, à ce sujet, assuré leurs implantations régionales. Le Port de La Réunion est par ailleurs le 4ème port français en termes de trafic de conteneurs et avec le Port de Nouméa, font parties des 10 ports français tant en trafic conteneurs que marchandises. « Nouméa est la deuxième plateforme de transbordement pour l’Océanie, derrière Fidji. La Réunion devient un hub régional dans l’Océan Indien ».

Le Port de Nouméa est le 2ème Port de l'Océanie, derrière Fidji ©AMRPP

Le Port de Nouméa est le 2ème Port de l’Océanie, derrière Fidji ©AMRPP

Pointe-à-Pitre et Fort-de-France sont aussi, selon la Présidente des Instituts, bien placés dans le top 10 des ports français. « Les Antilles françaises aspirent à devenir un hub concernant la Caraïbe sud », même si dans la zone la concurrence est rude face à la Jamaïque, à Porto Rico ou encore, Cuba. « Grâce aux investissements effectués sur ses 4 territoires (La Réunion, Nouvelle-Calédonie, Guadeloupe et Martinique), nous avons un positionnement international important », note Marie-Anne Poussin-Delmas.

La pêche réunionnaise: 65 millions de recettes d’exportation

Le second secteur important de l’économie bleue en Outre-mer est la pêche. « C’est un secteur traditionnel qui a un ancrage culturel fort dans les Outre-mer, et avec un positionnement à la fois sur la pêche industrielle et la pêche traditionnelle ». « Nous avons quelques produits emblématiques : la pêche thonière à La Réunion, en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie ; la crevette guyanaise, la légine et la langouste dans les TAAF », poursuit la Présidente. « Les chiffres d’exportations de poissons à La Réunion atteignent 65 millions d’euros. C’est loin devant les autres géographies en termes d’exploitation de poisson ».

Le thonier Dolomieu à La Réunion ©SAPMER

Le thonier Dolomieu à La Réunion ©SAPMER

Selon l’étude des Instituts, le secteur fait actuellement face à plusieurs difficultés : le vieillissement des navires, des effectifs en raison des formations peu nombreuses et donc, un renouvellement des générations amoindri et enfin, un secteur pas assez structuré. « Ce secteur est aussi confronté à des problématiques environnementales : la pollution des eaux (chlordécone aux Antilles) ou les nécessaires mesures de préservation des stocks halieutiques ». La Guyane est plus particulièrement confrontée à la pêche illégale, représentant trois fois le volume de la pêche légale.

Toujours dans le volet de la pêche, les Instituts se sont intéressés à l’aquaculture, « au poids économique limité, essentiellement en raison de nos coûts de production et des normes européennes qui font la qualité de nos produits mais nous font perdre en compétitivité internationale », explique Marie-Anne Poussin Delmas. « On ne valorise pas assez le respect de ces normes qui est lié à la santé publique ». Les Instituts relèvent deux produits emblématiques : la crevette bleue de Nouvelle-Calédonie et la perliculture en Polynésie, qui représente 64 millions d’euros à l’exportation. Une recommandation : « Nos Outre-mer auraient davantage à se positionner sur des créneaux de niches sur lesquels il y aurait une forte valeur ajoutée. Par exemple, la Réunion se positionne sur la production de micro-algues industrielles ».

Une forte croissance de la croisière

Enfin, le secteur de la croisière « connait une très forte croissance mondiale en raison de l’apparition de très gros paquebots qui ont permis d’abaisser les tarifs passagers, ce qui permet d’attirer à nouveau des touristes ». « Il y a eu une embellie de ce secteur que les Outre-mer ont su profiter. Dans les Collectivités du Pacifique, ce secteur connait une croissance régulière depuis le début des années 2010 et dans les DOM, il y a eu plusieurs années de désaffection mais depuis 2014, on est à nouveau dans un mouvement d’embellie », souligne la Présidente des Instituts. « Il y a eu beaucoup d’investissements réalisés notamment pour permettre l’accueil des bateaux, et notre offre de services s’est améliorée. Il y a encore des potentiels à développer, via notre offre d’escales ainsi que les dépenses par passagers dans nos territoires. Celles-ci sont, comparativement à d’autres destinations, faibles. Il faut que nous montions en gamme et que nous offrions  plus de services de qualité, il faut aussi accueillir les croisières basées qui avitaillent dans nos ports ».

©DR

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Pour ce qui est de la Plaisance, il s’agit là d’un secteur qui se développe mais sur lequel la concurrence régionale est très forte, en raison d’une fiscalité plus attrayante, de coûts personnels moindres et la présence de zones franches qui attirent davantage. « Il nous faut accroître nos capacités d’amarrage et renforcer l’attractivité de notre offre : avoir de meilleures conditions d’accueil, faciliter les formalités administratives, avoir des commerces et une offre d’excursion de proximité,… la durée du séjour des plaisanciers est plus longue que les autres types de touristes. Donc la dépense moyenne est importante », explique-t-elle.

Bien évidemment, l’économie bleue en Outre-mer regorge d’autres secteurs au potentiel considérable et parfois, pas encore exploré. Les Instituts d’émission d’Outre-mer ont par ailleurs relevé les énergies renouvelables maritimes (SWAC, énergie thermique des mers, énergie de la houle,…), le secteur des câbles sous-marins numériques ou encore, l’exploration et l’exploitation des minerais et terres rares gisants dans les fonds marins de quelques territoires d’Outre-mer.

Au centre, Marie-Jeanne Poussin-Delmas, Présidente des Instituts d'émission d'Outre-mer ©Outremers360

Au centre, Marie-Anne Poussin-Delmas, Présidente des Instituts d’émission d’Outre-mer ©Outremers360

IEDOM/IEOM – Etude – Economie Bleue – Outre-mer