©Julien Cinier / LNC
Dans la nuit du dimanche 29 au lundi 30 janvier, de graves tensions ont de nouveau éclaté dans la tribu de Saint-Louis, proche de Nouméa en Nouvelle-Calédonie et ont fait trois blessés. Demain, « une réunion de la dernière chance » aura lieu entre les coutumiers et l’Etat qui n’exclut plus l’emploi de la force pour venir à bout des tensions à Saint-Louis.
Des tirs d’armes à feu et des jets de pierres ont atteint des usagers circulant sur la RP1 qui traverse Saint-Louis, ainsi que des gendarmes venus constater la situation dans la nuit de dimanche à lundi. Trois personnes ont été blessées, deux gendarmes et le passager d’une voiture et la route est à nouveau bloquée par mesure de sécurité. Il apparaît que cette fois, les munitions utilisées par les « fauteurs de troubles » de Saint-Louis ont été trafiquées afin de transpercer les véhicules blindés de la gendarmerie nationale. Selon les autorités, les seuls véhicules assez blindés pour faire face à ce type de munitions sont actuellement mobilisés en Afghanistan. « Ces types de munitions ne sont même pas utilisées sur le théâtre de missions en Afrique », a affirmé Laurent Cabrera, Secrétaire général du Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie.
« C’est une responsabilité qui est lourde, mais c’est une responsabilité que l’Etat assumera »
« Nous sommes arrivés au bout de l’exercice de médiation », poursuit-il. Les autorités de l’Etat et les autorités coutumières de Saint-Louis se sont entendues sur une « réunion de la dernière chance » ce mardi. « Compte tenu de ce qui s’est passé dans la nuit, désormais les règles d’engagement de la gendarmerie seront différentes ». Si les forces de l’ordre souhaitent débloquer la route le plus rapidement possible, avant la fin de la semaine plus particulièrement, celles-ci n’excluent pas l’idée de répliquer si des tirs sont engagés à leur encontre. « Et compte tenu des armes qui sont utilisées par les tireurs et celles dont dispose la gendarmerie, il y aura des dégats. C’est une responsabilité qui est lourde, mais c’est une responsabilité que l’Etat assumera », a déclaré Laurent Cabrera, non sans gravité. « Il y aura des pertes d’un côté, ou de l’autre, voire des deux ».
Du côté de la population environnante, la lassitude gagne du terrain. Le collectif « Citoyens montdoriens » appelle les particuliers à porter plainte individuellement contre l’Etat pour entrave à la libre circulation. Le collectif a déjà déposé une plainte collective pour le même motif. Le maire de la commune du Mont-Dore, Eric Gay, dénonce des actes « inqualifiables et intolérables ». « J’en appelle une fois de plus , à l’Etat garant de l’Ordre Public et de la protection des citoyens afin que tous les moyens soient mis en œuvre pour garantir la libre circulation en toute sécurité des populations , sans que l’on ait à craindre pour sa vie ou celle de sa famille », a-t-il déclaré sur la page Facebook de la Ville du Mont-Dore. Il appelle « toutes les forces vives de Nouvelle-Calédonie, qu’elles soient politiques , religieuses, coutumières, économiques, associatives, médiatiques… à agir de manière concertée et en responsabilité pour dénoncer et contribuer à résoudre cette situation en tenant compte de son extrême sensibilité ». Sur les réseaux sociaux, la tension monte également. Certains internautes appelant même à rassembler une « armée civile ».
La route desservant les communes du sud de Nouméa, dont celle du Mont-Dore, sera coupée pendant plusieurs jours, prévient la gendarmerie. En attendant, une navette maritime a été de nouveau mise en place pour contourner le secteur interdit et permettre l’acheminement des malades évacués vers les hôpitaux de Nouméa. Ce week-end, la voiture d’une personne âgée victime d’un AVC a été la cible de tirs et de caillassages lors de son passage à proximité de la tribu. Le 16 janvier, le Garde des Sceaux ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, a diffusé une nouvelle circulaire « de politique pénale territoriale pour la Nouvelle Calédonie », comme il s’y était engagé à l’occasion de son déplacement sur le territoire, du 14 au 20 décembre dernier. « En effet, l’évolution préoccupante de la criminalité en Nouvelle-Calédonie nécessitait la définition d’orientations de politique pénale tenant compte des spécificités du territoire sur les plans institutionnel, géographique, démographique, sociologique, économique et culturel », précise le Ministère de la Justice.
La nouvelle circulaire du Ministère de la Justice:
Etablie à la suite des consultations et des échanges menés lors de son déplacement, cette circulaire du Garde des Sceaux fixe cinq objectifs principaux de politique pénale territoriale :
– Renforcer la lutte contre les atteintes aux personnes, par une attention particulière portée à la problématique de la consommation excessive d’alcool et de cannabis, l’amélioration du traitement des plaintes et une répression systématique, rapide et empreinte de fermeté, des auteurs de violences, notamment à l’encontre des forces de l’ordre ou commises dans le cadre intrafamilial ;
– Réduire les atteintes aux biens, par une politique de fermeté face à l’émergence d’une délinquance organisée, le regroupement des procédures, la saisine des services d’enquête spécialisés et l’emploi de procédés de police technique et scientifique ;
– Prévenir la délinquance routière face au risque lié à la hausse de la consommation d’alcool et de stupéfiants, en maintenant les actions de prévention et de sensibilisation, notamment en milieu scolaire, et en augmentant les contrôles routiers et les confiscations de véhicules ;
– Prévenir la délinquance des mineurs, en favorisant le recours aux alternatives aux poursuites pour les primo-délinquants, afin de favoriser la prise de conscience du mineur et de permettre à la juridiction de juger dans des délais raisonnables les infractions les plus graves ou commises par des réitérants ;
– Renforcer la prévention de la délinquance, par la signature de contrats locaux de sécurité pour les territoires identifiés comme sensibles et l’investissement soutenu du parquet dans les instances partenariales, notamment les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et les états-majors de sécurité.
Cette circulaire de politique pénale dédiée, adaptée aux spécificités de la Nouvelle Calédonie, vient conforter les actions engagées en vue de renforcer les moyens d’action de l’institution judiciaire, d’une part par la localisation et l’affectation de magistrats et fonctionnaires de greffe supplémentaires, d’autre part par l’allocation de moyens budgétaires complémentaires.
Elle sera enfin utilement complétée par les propositions de modification législative introduites dans le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, actuellement en discussion au parlement, qui facilitent et accélèrent le traitement des affaires pénales en assouplissant les modalités de composition du tribunal de Wallis et Futuna et en élargissant la liste des délits relevant de la compétence du juge unique.
[Communiqué]