Lors du dernier Comité des signataires, en février dernier, les élus calédoniens et Manuel Valls ont abordé les sujets du litige électoral, de l’avenir institutionnel du Territoire et la crise du nickel ©Matignon
Le XVème Comité des signataires des Accords de Nouméa aura lieu le 7 novembre à Paris. Ce sera le dernier de l’actuelle législature. Autour du Premier ministre, les élus calédoniens se pencheront sur les sujets essentiels encore en suspens avant le référendum d’auto-détermination de 2018: les listes électorales spéciales, l’avenir institutionnel ou encore, le nickel. Explications.
En février 2016, la crise du nickel avait retenu toutes les attentions du XIVème Comité des signataires. En juin 2015, il était centré sur les litiges autour des listes électorales spéciales consultatives (LESC). Il y avait été aussi décidé de consacrer l’année 2016 à dresser le solde des convergences et divergences entre les partisans de l’indépendance et les tenants du maintien de la Calédonie dans la République, dotée d’un très large statut d’autonomie. Ce rapport sera présenté lundi : sera-t-il acté ou non ?
Cette année, la 15ème réunion des signataires s’apparente donc à un comité où la prudence sera de mise. Mais à coup sûr, certains sujets sortiront du lot. Les tensions vécues à Saint-Louis le week-end dernier devraient se retrouver dans chacun des points établis à l’ordre du jour. Autre sujet de discorde, les élus indépendantistes calédoniens vont défendre l’inscription d’office des Kanak sur les listes électorales spéciales.
Les listes électorales spéciales consultatives
C’est le premier point établi à l’ordre du jour de ce XVème Comité des signataires. Alors que le contentieux sur le corps électoral avait fait l’objet d’un débat lors des précédents comités et qu’il semblait purgé, la demande d’inscription d’office des électeurs Kanak non encore inscrits sur les listes électorales spéciales consultatives le relance de façon inattendue. Selon les indépendantistes, ils seraient 25 000 à ne pas y figurer. Ce sont ces 25 000 électeurs dont l’Union Calédonienne et ses alliés indépendantistes réclament l’inscription d’office, sans démarche personnelle volontaire comme c’est de mise lorsqu’on souhaite voter. Du côté de l’Etat, on confie qu’on n’y serait pas opposé, par principe, notamment pour assurer une crédibilité maximale au scrutin de 2018 et éviter toute contestation. Or, les délais seraient courts pour acter une décision dès lundi. En effet, l’inscription d’office passe par une loi organique qui devra être votée par le Parlement puis validée par le Conseil d’Etat avec en amont des travaux pour évaluer le nombre exact des Kanak non encore inscrits. Or, dès février, les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat seront déserts, campagne électorale oblige.
Le parti Calédonie Ensemble (centriste), pour qui le nombre de cas à régler est de l’ordre de quelques milliers, propose de son côté d’inscrire d’office tous les natifs de la Nouvelle-Calédonie, quelle que soit leur communauté d’origine, démarche qu’il estime incontestable devant le Conseil constitutionnel. Le parti Les Républicains de Nouvelle-Calédonie est nettement moins favorable à cette démarche sans précédent. « A supposer que l’on décide d’inscrire tous les natifs, cela reviendrait à inscrire d’office les Kanak de droit coutumier et à demander aux autres de justifier de leurs intérêts moraux et matériels », explique Sonia Backes, présidente du groupe Les Républicains au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Quoiqu’il en soit, si l’Etat parait sensible et favorable à cette demande, les indépendantistes n’obtiendront pas gain de cause lors de ce Comité. Au mieux, ils auront l’assurance d’un recensement des Kanak non-inscrits par les services de l’Etat et l’inscription de tous les natifs, mais pas avant mai 2017.
L’avenir institutionnel
Le rapport des experts – menés par Alain Christnacht – sur les divergences et les convergences en matière de compétences régaliennes sera au mieux « acté ». L’Etat veut en faire « un document de référence » et continuer à faire travailler les élus calédoniens sur les valeurs communes, ce qui suscite l’accord du parti Calédonie Ensemble et du Parti de libération kanak (Palika). Pour Philippe Gomes, député Calédonie Ensemble (UDI), il y aurait 90% de convergences contre 10% de divergences. Encore une fois, l’avis du parti Les Républicains de Nouvelle-Calédonie diverge. Pour Thierry Santa, président du Congrès calédonien, ce rapport « comporte en son sein un aspect dangereux puisqu’il rend une indépendance potentiellement viable et attrayante alors que tout ce qui est défini dans ce rapport en faveur de l’indépendance ne sera pas ce qui sera mis en place si c’était le choix des Calédoniens. On sait tous aujourd’hui que la majorité des Calédoniens ne veulent pas de l’indépendance, il faut au contraire travailler sur la solution qui maintient la Nouvelle-Calédonie dans la France et à ce moment là, toutes les discussions et convergences que l’on pourra trouver avec les partenaires auront leurs intérêts ». Thèse également défendue par le sénateur LR de Calédonie Pierre Frogier.
Le Nickel
Dans ce volet, on attend pas de grandes annonces. L’Etat devrait rappeler ce qui a été fait pour sauver la Société Le Nickel, dont il est actionnaire majoritaire. Concernant l’avenir de l’usine du Nord – Koniambo, l’Etat n’étant pas l’actionnaire majoritaire, laissera la charge aux indépendantistes de la province Nord, actionnaire majoritaire via la SMSCP, de gérer cette crise. C’est également la volonté des premiers concernés qui n’ont, en aucun cas, demandé une aide de l’Etat dans le redressement de l’usine de Koniambo. Une déclaration solennelle de soutien à la défiscalisation pour l’usine du Nord devrait toutefois émaner des différentes délégations. L’Union nationale pour l’Indépendance (UNI) « ni voit pas d’objection, mais pas d’intérêt non plus ». Son représentant en l’absence de Paul Néaoutyne, Victor Tutugoro, demande « simplement (…) une sortie de la défiscalisation de l’usine du Nord ».
Tensions à Saint-Louis: priorité au Ministère de l’Intérieur
Si les récentes tensions à Saint-Louis devraient revenir dans les discussions de lundi, c’est essentiellement demain matin -samedi 5 novembre – au Ministère de l’Intérieur que des solutions devraient être prises. En confiant le dossier au ministre de l’Intérieur, l’Etat fait un geste « symbolique », « c’est du jamais vu » nous assure-t-on. Le but est de ramener le sujet « dans une enceinte plus spécialisée » en mettant en avant « une réunion de haut niveau ». La ministre des Outre-mer a confirmé sa présence et le ministre de la Justice, ou un de ses conseillers, devrait également prendre part aux discussions. Des annonces sont prévues à l’issue de cette réunion. On parle d’un message de fermeté sur la sécurité, de prévention améliorée et d’une approche globale sur les réponses à donner à l’insécurité.
Au lendemain de ce Comité des signataires, le traditionnel Comité technique aura lieu au Ministère des Outre-mer. Il portera essentiellement sur les questions économiques et le transfert des compétences.