Violences conjugales et féminicides : À La Réunion, 7 plaintes pour violences conjugales sont déposées chaque jour

Violences conjugales et féminicides : À La Réunion, 7 plaintes pour violences conjugales sont déposées chaque jour

Alain Pitton / Nurphoto

Ce mardi 3 septembre a lieu l’ouverture du Grenelle des violences conjugales, durant laquelle la secrétaire d’État Marlène Schiappa a promis « des annonces fortes ». Au programme de ce Grenelle inauguré par Édouard Philippe, 80 invités, 10 groupes de travail, une centaine de Grenelles locaux et trois axes : prévenir, prendre en charge, punir. Outremers360 s’intéresse au cas particulier de La Réunion, où 7 plaintes pour violences conjugales sont déposées chaque jour. 

Selon nos confrères de RTL Réunion, les forces de l’ordre sont intervenues 6 000 fois à domicile pour des faits de violences conjugales en 2018. C’est 2 000 interventions en plus par rapport à 2012. On note également une augmentation des entretiens avec des victimes de violences conjugales menés à l’ARAJUFA : le nombre d’entretien est passé de 710 en 2015 à 940 en 2018. Dans le classement des régions les plus touchées par le fléau, La Réunion se retrouve en 3ème position, après la Guyane et la Corse. Sur les 121 féminicides recensés l’an dernier en France, 5 ont eu lieu à La Réunion. Sur les trois dernières années, on en compte 15.

Côté dispositifs pour faire face aux violences conjugales, « on a un officier-adjoint prévention, on a 48 référents VIF (violences intrafamiliales) répartis dans les comités de brigade et les brigades territoriales autonomes. On a également un groupe VIF spécifique à la brigade de Saint-Louis, qui est composé de trois militaires (…) particulièrement investis dans ce domaine » énumère le Lieutenant-Colonel de gendarmerie Rudy Lainne. « Ça permet une prise en compte de qualité des victimes et un traitement optimal du dossier » assure-t-il. Un autre groupe VIF de cinq militaires sera mis en place à partir du 1eroctobre au comité de brigade du Tampon, a également annoncé le Lieutenant-colonel.

Ajouter à cela, les forces de l’ordre réunionnaises dispose de quatre intervenantes sociales en commissariat et gendarmerie, « qui couvrent toutes les communes de La Réunion ». Ces intervenantes font « le lien entre la brigade et les différents partenaires », et conseillent les victimes. Lorsqu’elle signale les faits, la victime de violences conjugales peut donc bénéficier de mesures de protection de la part des institutions publiques et des associations. Des mesures pouvant s’étendre aux enfants. La Réunion compte 3 Service d’Accueil d’Urgence Temporaire (SAUT) où les femmes sont accompagnées dans leurs démarches par une équipe dédiée. Ils accueillent actuellement 143 adultes et 150 enfants. Aussi, 133 places d’hébergement sont disponibles pour les victimes de violences à La Réunion.

Le 27 août dernier, un premier contrat local signé entre l’État et des Collectivités, pour mettre fin aux violences conjugales, sexistes et sexuelles, avait été signé à la préfecture. Ce contrat local engage notamment les communes de l’Est de La Réunion comme Saint-Benoît, Saint-André, Salazie ou Bras-Panon, mais aussi les associations, les bailleurs sociaux, les professionnels de santé, le procureur Éric Tuffery et le Rectorat. En tout, 26 personnes ont signé ce premier contrat local. « Un des objectifs phares de ce contrat, c’est (…) la désignation dans chaque commune d’une personne référente qui a en charge d’animer (…) toute la politique et toute la stratégie en faveur de la meilleure prévention, une meilleure prise en charge et une meilleure protection des femmes », expliquait Nadine Caroupanin, déléguée régionale aux droits des femmes.

Avec 101 féminicides depuis le début de l’année avec dimanche, le décès d’une femme de 92 ans dans le Tarn, les associations attendent beaucoup de ce Grenelle qui débute aujourd’hui pour finir le 25 novembre. Côté politique, la députée Ericka Bareigts demande, dans une lettre adressée à la Secrétaire d’État, « une adaptation des subventions pour l’année 2019 et les années à venir au contexte socio-économique de notre territoire, une formation obligatoire dans tous les métiers publics confrontés à ces dossiers (police, gendarmerie, juges, magistrats, etc), un plan d’urgence pour l’hébergement des femmes violentées ainsi qu’un dispositif d’accompagnement et de prise en charge des victimes que sont les enfants ».

De son côté, la députée Nadia Ramassamy « demande d’abord des moyens humains et financiers à nos commissariats pour recueillir les plaintes et mieux former les policiers au traitement de ces plaintes, à notre justice pour accélérer les procédures à nos services sociaux et sanitaires pour accueillir les victimes et leurs enfants. Ensuite, la mise en place d’un accompagnement juridique, social, psychologique, des aides dans l’accès au logement pour les victimes, mais également une campagne de sensibilisation et d’information sur la lutte contre les violences faites aux femmes, plus vigoureuse qu’actuellement. Enfin, la création d’un tribunal spécifique, au civil et au pénal, avec des peines plus fortes pour ces actes de violences ».

La Réunion n’est évidemment pas le seul territoire ultramarin préoccupé par ce fléau. Cité précédemment, la Guyane est, après la Corse, dans le podium des territoires concernés. Pas plus tard que début août, une femme de 26 ans est décédée après avoir été frappée à coups de couteau à la carotide par son mari à Cayenne. Toujours à Cayenne en janvier, une mère de famille de 40 ans avait été tuée par son compagnon. En Polynésie française, elles sont 17% à avoir été victimes de violences conjugales et 19% Nouvelle-Calédonie, selon une étude du CESE datant de 2017. En Guadeloupe, de janvier à novembre 2018, 900 femmes ont été victimes de violence physiques intrafamiliales. À Mayotte, entre octobre et novembre 2018, 48 femmes victimes de violences conjugales ont sollicité l’accompagnement de l’Association pour la Condition Féminine et Aide aux Victimes (ACFAV). En Martinique en 2018, 638 femmes ont porté plainte pour violences conjugales, une augmentation de 31,6% par rapport à 2017.

Le Premier ministre, Édouard Philippe, doit annoncer cet après-midi « de premières mesures d’urgence visant à renforcer la protection des victimes », ont annoncé ses services. « Des mesures supplémentaires concertées de manière collective arriveront plus tard », a ajouté son entourage. Les associations féministes mobilisées sur le sujet souhaitent que l’événement débouche sur un « plan Marshall » doté d' »au moins » 500 millions, voire un milliard d’euros, loin des 79 millions d’euros de crédits spécifiquement alloués à cette lutte, selon une étude menée par cinq organisations.