©Jody Amiet / AFP
Une tribune, signée notamment du député européen Yannick Jadot et de la porte-parole de la Jeunesse autochtone en Guyane, demande mercredi au ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy de renoncer au projet industriel d’extraction d’or Montagne d’or en Guyane.
Ce projet, le plus important projet de mine d’or à ciel ouvert français, à l’étude en Guyane, prévoit l’exploitation d’une mine de 2,5 km de long, à partir de 2022, au sud de Saint-Laurent du Maroni, en forêt tropicale, via un procédé de récupération de l’or par cyanuration en circuit fermé. « Quand allez-vous enfin renoncer au projet minier de la Montagne d’or en Guyane ? », demandent les signataires dans cette tribune publiée dans Libération, dans laquelle on retrouve aussi le candidat écologiste aux européennes Alexis Tiouka, expert en droit des peuples autochtones, et le comédien Lambert Wilson.
Revenant sur la récente rupture d’un barrage minier qui a fait 110 morts et 238 disparus au Brésil, ils soulignent que « des ruptures de digues et de barrages, il y en a eu 26 dans le monde ces vingt dernières années. Plus d’une par an. Preuve n’est donc plus à faire que ces mines à ciel ouvert sont des catastrophes environnementales et sanitaires », insistent-ils. Ils demandent au ministre, qui doit s’exprimer jeudi à l’Assemblée nationale dans le cadre d’un débat organisé sur l’utilisation du cyanure dans l’extraction aurifère, de « s’insurger contre l’utilisation de ce poison ». Ce débat a été demandé par le député de Guyane Gabriel Serville (GDR) dans le cadre de son projet de loi visant à interdire le cyanure dans l’industrie minière, co-signé par plusieurs dizaines de députés.
Le projet Montagne d’or, soutenu par le patronat local et une partie des élus, est conduit par un consortium réunissant le russe Nordgold et le canadien Columbus Gold. Il permettrait la création de 750 emplois directs majoritairement locaux et 3 000 emplois indirects, selon ses promoteurs. Il est combattu par les associations de défense de l’environnement et les organisations amérindiennes de Guyane. Le président de Montagne d’Or, Pierre Paris, a précisé récemment qu’en France, la règlementation ne permettait pas de construire un barrage s’il existait des installations en contrebas, comme c’était le cas au Brésil. Il a aussi rappelé que les méthodes de construction de barrages doivent en France être validées par deux organismes de contrôle.
Vendredi dernier, alors qu’il recevait plus de 130 maires et élus ultramarins à l’Élysée à l’occasion du Grand débat national, le président de la République a estimé que « ce projet n’est pas à la hauteur. On ne peut se permettre de lancer un projet qui ne répond aux standards environnement et les créations d’emploi sont incertains », a-t-il poursuivi, interpellé par un maire guyanais favorable au projet.
Avec AFP.
Lettre ouverte à François de Rugy: « La Guyane vaut tout l’or du monde »
Le 25 janvier 2019. Brumadinho. Brésil. Rupture d’un barrage minier : 110 morts. 238 disparus. Une catastrophe. Une de plus, une de trop. Quatre ans plus tôt. Au Brésil toujours. Un désastre presque similaire avait coûté la vie à 19 personnes et avait ravagé des dizaines de villages krenaks. Des millions de personnes touchées.
Le 30 janvier 2000. Baia Mare. Roumanie. Une digue minière cède laissant s’échapper 100 000 mètres cubes d’eau truffée de cyanure et de métaux lourds. 100 000 mètres cubes qui ont pollué fleuves et rivières et ont entraîné des taux de contamination records. Des ruptures de digues et de barrages, il y en a eu 26 dans le monde ces vingt dernières années. Plus d’une par an, donc. Preuve n’est donc plus à faire que ces mines à ciel ouvert sont des catastrophes environnementales et sanitaires. Dangereuses pour les hommes comme pour la nature.
Aussi, monsieur le ministre d’Etat, fort de ce constat accablant, quand allez-vous enfin renoncer au projet minier de la «Montagne d’or» en Guyane ?
Quand allez-vous renoncer à cette folie de creuser une fosse de 2,5 kilomètres de long, de 500 mètres de large et de 400 mètres de profondeur, qui engloutira 2 000 hectares de forêt tropicale ?
Quand allez-vous renoncer à cette ineptie qui va entraîner le massacre d’une partie de la forêt amazonienne qui abrite la moitié de la biodiversité française ?
Quand allez-vous renoncer à cette aberration consistant à injecter 47 000 tonnes de cyanure et à user de 57 000 tonnes d’explosifs pour extraire le précieux minerai ?
Quand allez-vous vous poser la question des conséquences délirantes, des 50 millions de tonnes de boues cyanurées que cette extraction aura générées ?
Quand la France va-t-elle, enfin, reconnaître les droits des peuples autochtones sur ces terres que vous allez saccager ?
Quand, monsieur le ministre d’Etat ?
Le 7 février, vous allez vous exprimer au Parlement sur l’utilisation du cyanure dans l’extraction aurifère. Vous «exprimer» ? Ou enfin annoncer que vous vous insurgez contre l’utilisation de ce poison ? La République tchèque a interdit le cyanure en 2000. L’Allemagne en 2002. La Hongrie en 2009. Le Parlement européen a déjà pris ses responsabilités, en 2010 et 2017, en votant des résolutions demandant l’interdiction. Et nous, monsieur le ministre ? Nous, la France ? Quand serons-nous à la hauteur de nos engagements ?
Allons-nous, comme trop souvent, brader la santé de nos concitoyens et une nature exceptionnelle sur l’autel des intérêts de quelques-uns ? De qui d’ailleurs ? Un consortium russo-canadien partout pointé du doigt par les ONG pour les désastres écologiques, sanitaires et humanitaires dont il est coupable !
Monsieur le ministre d’Etat, les jeunes, qui défilent par milliers dans les rues du monde entier pour défendre la planète, ne nous pardonneront jamais ce nouvel abandon. Soyons enfin à la hauteur de leurs espérances.
Yannick Jadot (eurodéputé), Amandine Galima (porte-parole de la Jeunesse autochtone de Guyane), Anne Suarez et Olivier Rabourdin (comédiens dans la série Guyane), Alexis Tiouka (expert en droit des peuples autochtones et candidat écologiste aux Européennes) et Lambert Wilson (comédien).