Référendum en Nouvelle-Calédonie : Vers une « déclaration commune » et un scrutin en octobre 2018

Référendum en Nouvelle-Calédonie : Vers une « déclaration commune » et un scrutin en octobre 2018

Lors du 16ème Comité des Signataires, le Premier Ministre Edouard Philippe a largement fait l’unanimité auprès des élus calédoniens indépendantistes et non indépendantistes ©Outremers360

Le long processus de décolonisation entamé à la signature de l’Accord de Matignon en 1988 arrive à sa phase finale. Un an avant le référendum d’autodétermination, l’épineuse question du corps électoral appelé à s’exprimer dans le cadre de ce référendum est résolue, ne reste plus que la date et la formulation exacte de la question à définir. Avant cela, le Premier Ministre Edouard Philippe se rendra en Nouvelle-Calédonie, selon nos sources, du 2 au 5 décembre. L’occasion pour le Chef du gouvernement de tenter de rassembler l’ensemble des élus calédoniens, indépendantistes et non-indépendantistes, autour d’une « déclaration commune » qui va dessiner la dernière ligne droite vers la consultation.

Il aura fallu une dizaine d’heures, jeudi 2 novembre, pour que l’ensemble des délégations politiques calédoniennes tombent d’accord sur la constitution de la liste électorale référendaire (ou spéciale) et l’inscription automatique des natifs calédoniens sur cette liste, ô combien primordiale pour la légitimité et la crédibilité du scrutin. Grâce à un « accord politique », qui doit encore trouver sa « traduction juridique », 11 000 non-encore inscrits sur la liste référendaire le seront automatiquement : il s’agit de 7 000 Kanak (personnes de statut civil coutumier) et 4 000 non-Kanak (personnes de statut de droit commun). Au total, 169 000 calédoniens seront amenés à s’exprimer sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie : 77 000 Kanak et 92 000 non-Kanak. Si la frontière peut être poreuse, l’arithmétique électorale ne ment pas ; l’avantage est au maintien au sein de la République. Ce qui, dans un territoire où la paix civile reste fragile, peut s’avérer être une bombe à retardement qui inquiète nombre de personnalités politiques du Caillou.

Une déclaration commune pour rassembler plutôt qu’opposer

En effet, les rendez-vous électoraux présidentiels et législatifs ont exacerbé les crispations entre les franges plus extrêmes de l’échiquier politique calédonien. Ajouter à cela un contexte économique et social compliqué, où se mêle décrochage scolaire et chômage des jeunes généralement Kanak en marge de la société qui a pour conséquence un taux de délinquance élevé, la Nouvelle-Calédonie a tout d’une poudrière si le référendum n’a pour effet que d’exacerber les oppositions. En d’autres termes, quel que soit le résultat, celui-ci ne devra pas être vécu comme une humiliation par un camp ou l’autre. Dans ce contexte, la prochaine visite du Premier Ministre Edouard Philippe est attendue, notamment pour définir les contours d’une « déclaration commune » entre indépendantistes et non-indépendantistes, qui devraient, plutôt qu’opposer, rassembler toutes les valeurs communes qui ont fait la Nouvelle-Calédonie ces trente dernières années et surtout, définir la date du référendum. Une date butoir pour cette déclaration : fin avril 2018.

Paul Néaoutyine (deuxième en partant de la droite), leader du Palika et Président de la province Nord, pencherait pour un statut d'Etat souverain avec partenariat ©Outremers360

Paul Néaoutyine (deuxième en partant de la droite), leader du Palika et Président de la province Nord, pencherait pour un statut d’Etat souverain avec partenariat ©Outremers360

Cette « déclaration commune », c’est en tout cas une attente forte du parti Calédonie Ensemble (CE), composante avec le Rassemblement-LR, le MPC et Tous Calédoniens de la Plateforme loyaliste. Recevant plusieurs journalistes de la presse nationale ce mercredi matin autour d’un échange informel, les députés CE Philippe Gomes et Philippe Dunoyer ont annoncé leur intention de démarrer les discussions autour de cette déclaration qu’ils souhaitent politique et fondatrice de la dernière ligne droite avant le scrutin. « C’est un geste fort à l’égard de la population calédonienne », disent Philippe Gomes et Philippe Dunoyer qui souhaitent rassembler les indépendantistes et les loyalistes, du moins, ceux de la Plateforme.

Philippe Dunoyer et Philippe Gomes, députés de la Nouvelle-Calédonie, avec Philippe Germain, Président du gouvernement calédonien, arrivant au 16ème Comité des Signataires ©Outremers360

Philippe Dunoyer et Philippe Gomes, députés de la Nouvelle-Calédonie, avec Philippe Germain, Président du gouvernement calédonien, arrivant au 16ème Comité des Signataires ©Outremers360

En plus d’être un socle des valeurs communes de la Nouvelle-Calédonie, elle devrait aussi acter la date du scrutin, qui serait, dans cette perspective, avalisée par le Congrès calédonien et non en dernier recours par l’Etat. Pour celle-ci, Calédonie Ensemble plaide pour une consultation en octobre 2018, plutôt qu’en novembre. La raison : la coïncidence historique avec le boycott des élections de 1984, pendant lesquelles Eloï Machoro avait brisé une urne à la hache. Après avoir réussi à mettre d’accord l’ensemble des élus calédoniens sur la problématique du corps électoral, Philippe Gomes et Philippe Dunoyer attendent donc du Premier Ministre d’insuffler la nécessité de cette « déclaration commune » dans la perspective d’un référendum serein.

Quelle formulation pour la question ?

Si le sens de la question est constitutionnalisé par l’Accord de Nouméa de 1998, la formulation exacte reste encore à définir. Selon les termes de l’Accord, la consultation doit porter sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie avec comme issue la transformation de la citoyenneté calédonienne en nationalité, le transfert des compétences régaliennes et l’accession à un statut international. Là encore, dans la perspective d’une déclaration commune, c’est le Congrès calédonien qui aura la maîtrise de la formulation précise de la question. Celle-ci doit être connue au prochain et dernier Comité des Signataires. L’exercice réussi d’Edouard Philippe lors du 16ème Comité des Signataires laisserait présager d’une entente de l’ensemble des partenaires calédoniens sur ce sujet.

Mai 1988: l'historique poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou lors de la signature de l'Accord de Matignon, point de départ de trente ans de préparation du référendum d'autodétermination ©DR

Juin 1988: l’historique poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou lors de la signature de l’Accord de Matignon, point de départ de trente ans de préparation du référendum d’autodétermination ©DR

Une fois la question, la date et la « déclaration commune » actés, le Président de la République se rendra sur le terrain avant mai 2018, a priori, dans une Nouvelle-Calédonie fin prête à se prononcer sur son avenir. La date retenue pour cette visite présidentielle n’est pas anodine, puisqu’elle marque les trente ans de la signature de l’Accord de Matignon par Michel Rocard, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou : le point de départ du long processus qui mène la Nouvelle-Calédonie à se prononcer sur son Avenir.