Présidentielle 2017: En Polynésie française, Gaston Flosse soutiendra-t-il Marine le Pen ?

Présidentielle 2017: En Polynésie française, Gaston Flosse soutiendra-t-il Marine le Pen ?

©Gregory Boissy (AFP) / Robert Pratta (Reuters)

La rumeur court en Polynésie française depuis quelques semaines. L’ancien Président de la Polynésie française Gaston Flosse serait-il en passe de soutenir Marine Le Pen pour la Présidentielle de 2017 ?

« Il n’y a à ce jour aucun rapprochement entre le Tahoera’a Huiraatira et le Front National » a balayé ce lundi le parti autonomiste historique fondé et présidé par Gaston Flosse. « Il est exact que le président du Tahoera’a Huiraatira a rencontré Monsieur Louis Alliot, vice-président du Front National, lors de son passage à Papeete. A cette occasion, il a également rencontré et échangé avec Monsieur Eric Minardi, représentant du Front National en Polynésie française », précise toutefois le parti, en mettant en avant des échanges dans le cadre d’un « débat démocratique et républicain ». Pourtant, plusieurs signes semblent confirmer un rapprochement entre les deux partis, l’officialisation ne serait qu’une question de formalités et de temps.

Une bataille locale remportée par l’adversaire de Gaston Flosse

Gaston Flosse et son parti le Tahoera’a Huiraatira, qui avait soutenu François Fillon au second tour de la primaire de la droite et du centre, s’est vu doublé par son adversaire autonomiste Tapura Huiraatira, présidé et fondé par l’actuel Président de la Polynésie française et ancien numéro 2 de Gaston Flosse, Edouard Fritch, ce dernier ayant récupéré l’investiture Les Républicains pour les prochaines Législatives. A Paris, l’idée de s’allier avec l’ancien Président de la Polynésie française ne suscitait pas l’enthousiasme chez Les Républicains. Le site Tahiti-Infos parlait même « d’embarras » dans les instances dirigeantes du parti de droite.

Edouard Fritch, Président de la Polynésie française, à l'issue de son entretien avec François Fillo, organisé lors de sa dernière mission à Paris ©Outremers360

Edouard Fritch, Président de la Polynésie française, à l’issue de son entretien avec François Fillon, organisé lors de sa dernière mission à Paris ©Outremers360

« Le président par intérim des Républicains, Monsieur Laurent Wauquiez, s’était engagé à transmettre au Tahoera’a Huiraatira un projet de protocole d’association qui prévoyait d’accorder à notre formation la représentation exclusive des Républicains en Polynésie française » indique le parti de Gaston Flosse, « François Fillon (…) a rejeté le Tahoera’a Huiraatira pour s’allier avec le Tapura [Huiraatira] qui avait fait campagne contre lui. Ce faisant, le candidat à l’élection présidentielle des Républicains a redonné sa liberté au Tahoera’a Huiraatira, qui est en réflexion ». Autrement dit, le parti de Gaston Flosse cherche un nouvel allié sur le plan national.

Des programmes qui se rapprochent

Révélé début février par Te Nati – Front national polynésien, le programme de Marine Le Pen pour la Polynésie française semble plus proche des nouvelles préoccupations de Gaston Flosse que de l’ADN même du parti frontiste. En effet, sur l’autonomie de la Polynésie française, « elle doit être renforcée et étendue, pour autant que l’État conserve ses attributions fondamentales (ordre public, défense, justice); dans ces conditions, la notion de « pays associé » au sein de la France, avec un statut qui serait adopté conjointement par les Polynésiens et l’État, n’est pas un tabou ». D’une part, l’idée d’un statut de pays associé est aujourd’hui défendue par Gaston Flosse et d’autre part, celui-ci fut, depuis les années 80, l’artisan des différents statuts d’autonomie, de plus en plus élargie sans pour autant franchir le grand pas. Le Front national parle même, à la surprise générale, de la mise en place d’un référendum d’ici 10 à 15 ans.

Sur la justice, le Front national met en avant l’idée d’une « remise en ordre générale de l’institution judiciaire, qui se traduira par sa dépolitisation et le renforcement de l’exigence d’impartialité pesant sur les magistrats, la justice polynésienne sera invitée à traiter convenablement et également tous les justiciables. L’acharnement sur tel ou tel pour des motifs politiques et médiatiques doit cesser; les droits de la défense seront renforcés ». Une mesure qui rappelle l’ « acharnement judiciaire » souvent mis en avant par Gaston Flosse pour justifier ses nombreuses condamnations.

Une relation qui ne date pas d’hier

En mars 2013, Marine Le Pen et Louis Alliot faisaient un court séjour, « semi-privé », en Polynésie française. La tête de file du Front national et son Vice-président avaient alors rencontré Gaston Flosse lors d’un petit déjeuner « informel » sans pour autant « se ranger derrière lui » en amont des territoriales de mai 2013. Selon nos informations et à la veille de la Présidentielle, l’ancien proche de Jacques Chirac et la leader frontiste échangeraient des courriers plutôt courtois depuis maintenant six mois, une information confirmée par le blog Tahiti Today, proche du mouvement de Gaston Flosse qui voit en Marine Le Pen « la seule candidate à porter aussi haut les couleurs de l’Outre-mer ».

Marine Le Pen et Louis Alliot à leur arrivée en Polynésie française en mars 2013 ©Tahiti-infos

Marine Le Pen et Louis Alliot à leur arrivée en Polynésie française en mars 2013 ©Tahiti-infos

Ce lundi, le Tahoera’a Huiraatira a annoncé avoir « transmis la profession de foi de ses candidats aux élections législatives, aux deux candidats de la Droite en course pour l’élection présidentielle : Monsieur François Fillon, candidat des Républicains, et Madame Marine Le Pen, candidate du FN. Il attend à présent d’eux qu’ils se prononcent sur le programme et les ambitions que le Tahoera’a Huiraatira porte pour le redressement et l’avenir de la Polynésie française. En tout état de cause, ce seront les instances dirigeantes du parti qui prendront la décision le moment venu », a déclaré le parti dans son communiqué « Précisions du Tahoera’a Huiraatira ». Marine Le Pen devrait être la seule à répondre au courrier envoyé par le parti autonomiste et ce, de façon positive. Une fois la réponse du Front, il ne restera plus qu’à annoncer le soutien de Gaston Flosse à Marine Le Pen.

Jackpot pour le Front national

Avec un tel rapprochement, jamais le Front national ne pourrait espérer un soutien aussi fort dans les Outre-mer. Rappelons-le, Gaston Flosse fut un des membres fondateurs du RPR et ami intime de Jacques Chirac. Il a surtout dirigé la Polynésie française durant de longues années au gré de succès électoraux jusqu’en 2004, année de sa plus retentissante défaite face à l’indépendantiste Oscar Temaru. Revenu en mai 2013 grâce à une large victoire aux élections territoriales, il perd une nouvelle fois son mandat en septembre 2014, ayant été condamné à trois ans d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics. Toutefois, la base électorale du Tahoera’a Huiraatira reste importante et Marine Le Pen rêve d’un beau score dans les Outre-mer. En 2012, elle avait récolté 5,73% des votes au premier tour de l’élection présidentielle en Polynésie. Si un tel soutien est officialisé, Marine Le Pen peut espérer une augmentation considérable de son électorat en Polynésie française.

Gaston Flosse quitte le tribunal de Papeete (Archives Jan. 2014) ©Gregory Boissy / AFP

Gaston Flosse quitte le tribunal de Papeete (Archives Jan. 2014) ©Gregory Boissy / AFP

Malgré la montée en puissance incontestable du Front national, soutenir le parti d’extrême droite reste une épreuve politique à risque, encore plus dans les Outre-mer. Que gagnerait Gaston Flosse, mise à part (peut-être ?) une investiture FN pour les législatives ? Lorsqu’il fut condamné en 2014, l’ancien Président polynésien avait demandé au Président de la République une grâce présidentielle, refusée par ce dernier. Serait-ce là la clé du soutien de l’ancien homme fort de la Polynésie française ?