Les 22 et 23 février 2016, le Président de la République, François Hollande, sera en voyage officiel en Polynésie française. Si plusieurs enjeux et sujets seront abordés par le Président, celui des essais nucléaires, qui ont eu lieu en Polynésie de 1966 à 1996, fera sans aucun doute beaucoup de bruit. Décryptage.
L’année 2016 est symbolique pour la Polynésie française. Elle fête, à la fois, le premier et le dernier essais nucléaire effectué sur le territoire d’Outre-mer, sur les atolls de Moruroa et Fangataufa. En effet, la France lançait son premier tir nucléaire le 2 juillet 1966. 30 ans plus tard, Jacques Chirac y a mit complètement fin, après les avoir repris, le 27 janvier 1996, suite notamment à la signature de la France du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Au total, 193 tirs ont été effectués : 46 aériens, 147 souterrains et autant de conséquences sanitaires, environnementales, humaines et culturelles. A l’orée de la visite de François Hollande en Polynésie française, les 22 et 23 février, les associations Moruroa e Tatou et la très jeune Association 193, se mobilisent pacifiquement pour faire entendre leur voix auprès du Président de la République. Le but ? Obtenir un référendum sur les essais, ses conséquences et les éventuelles réparations.
Pour cela, l’Association 193, « fille spirituelle » de Moruroa e Tatou (association des vétérans du nucléaire au même titre que l’Aven) a fait circuler une pétition qui a récolté à ce jour 27 593 signatures. Parmi elles, celle de Marcel Tuihani, président de l’Assemblée de Polynésie française et proche de Gaston Flosse, ainsi que celle du ministre de la Santé, Patrick Howell. Les deux hommes politiques ont affirmé leur soutien aux associations, Marcel Tuihani s’est même engagé à ouvrir le débat avec les conseillers. Lundi, un sit-in a été organisé et mardi, une manifestation rassemblait près de 200 militants à travers la ville de Papeete. Menée par le père Auguste, président de l’Association 193, Roland Oldham, membre fondateur de Moruroa e Tatou et une membre de la Ligue internationale du droit des femmes, la marche a fait le tour des institutions polynésiennes pour obtenir le soutien des représentants politiques, locaux et nationaux. Marie Baville, directrice de cabinet du Haut-commissaire de la République en Polynésie, aurait même promis une entrevue avec les conseillers de François Hollande lors de sa prochaine visite. Les associations ont également réalisé un symbolique lâché de ballons, près de la stèle en mémoire aux essais. Chacun des ballons portait le nom des 193 tirs lancés en Polynésie française.
Lors des élections présidentielles de 2012, le candidat Hollande promettait une révision de la loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, autrement appelée Loi Morin et votée en 2010 par l’Assemblée Nationale. Celle-ci était jugée peu efficace, voir pas du tout. Peu de temps après son élection, l’association Moruroa e Tatou voyait cette promesse abandonnée lors d’une visite au Ministère de la Défense. Cette année, les associations qui se battent pour que l’Etat français reconnaisse le fait nucléaire et ses conséquences en Polynésie française comptent bien inverser la donne et obtenir la tenue d’un référendum afin de mettre fin au « mutisme ». Elles peuvent compter sur un apparent réveil de certains politiques, qui furent un temps les grands défenseurs des essais, en plus de déjà compter sur le soutien des politiques qui dénoncent les essais depuis les premières heures de l’installation du Centre d’Expérimentation du Pacifique (CEP). Affaire à suivre, de près.