Jacques Bangou, candidat à sa réélection durant un meeting le 3 mars dernier © Jacques Bangou Facebook
En Guadeloupe, la gestion budgétaire des communes, régulièrement critiquée par la Chambre régionale des comptes, qui déplore des déficits abyssaux, est au cœur de la campagne municipale, obligeant les élus à s’expliquer ou à prendre des engagements.
Chacun veut tenir « un discours de vérité », qu’il s’agisse du maire sortant défendant son bilan ou des promesses des candidats au poste de premier édile.
« Bien sûr que je dois m’expliquer devant mes concitoyens et montrer les efforts que j’ai faits, même s’ils peuvent être jugés insuffisants », explique Jacques Bangou (PPDG), qui a démissionné de son mandat de maire de Pointe-à-Pitre (16.000 habitants, cœur d’une aire urbaine de plus de 300.000 habitants), alors qu’il était menacé d’une procédure de révocation pour un déficit de près de 80 millions d’euros. « Mais les gens auraient été affectés par le sujet si j’avais été accusé d’enrichissement personnel ou de détournement, ce qui n’est pas le cas. Ils ne souhaitent parler que de leur quotidien », rappelle l’ex-maire candidat à sa réélection.
Reste que le quotidien, pour de nombreux Pointois, c’est une ville insalubre dont les rues ont été la proie des flammes plusieurs fois dans l’année, des commerces qui s’en vont, et des programmes de rénovation inaboutis fautes de cofinancement.
« M. Bangou n’a eu qu’une politique de logements sociaux. Ce qui signifie que sur 16.000 habitants, seuls 2.500 paient des impôts », dénonce Harry Durimel (écologiste), opposant et candidat à l’élection, qui ne voit pas d’autres solutions, pour régler les problèmes financiers de la ville, que d’élargir l’assiette fiscale – et compter sur l’argent public étatique et européen, comme tous les autres candidats.
« Basse-Terre sans les fonds européens et les programmes d’investissement comme cœur de Ville, ce n’est pas la peine », déclare Marie-Luce Penchard (DVD), actuelle maire de la préfecture de Guadeloupe, dirigée auparavant par sa mère Lucette Michaux-Chevry, ancienne ministre de Jacques Chirac.
Assainir les comptes
« Pour redresser les comptes, j’ai annulé les fêtes de Basse-Terre, pourtant très prisées. Si la fête revient un jour, c’est que les comptes auront été assainis. Et j’adopte une politique de transparence envers mes administrés : quand je dois nettoyer après le Carnaval, j’affiche le montant : 50.000 euros », affirme l’ancienne ministre des Outre-mer des gouvernements Fillon.
« Il faut rester modeste dans les promesses que l’on fait », dit André Atallah, opposant socialiste et candidat à Basse-Terre. « Il y a des exemples de villes qui s’en sont sorties : on peut faire avec l’existant plutôt que créer du neuf, faire des économies en refaisant l’éclairage et s’appuyer bien sûr sur les fonds publics, améliorer la gestion de la commune en faisant monter les agents en compétence, par exemple. Ici, comme ailleurs, il faudra plus d’un mandat pour assainir la situation. »
Comment financer son programme
Une situation similaire dans d’autres communes guadeloupéennes, où chacun rivalise pour trouver des idées pour financer son programme : « J’ai fait réfléchir des experts et urbanistes pour voir comment mobiliser des nouveaux fonds », rapporte Jean-Philippe Courtois (LREM), candidat à Capesterre-Belle-Eau (sud-est de Basse-terre), qui envisage de demander au Parc National de reverser une partie des recettes des entrées aux Chutes du Carbet, site très touristique situé dans sa commune.
Certains bilans sont moins faciles à défendre que d’autres. Comme à Sainte-Rose (nord de Basse-terre) ou Pointe-Noire (ouest), où, faute de trésorerie, la paie des agents a été plusieurs fois versée en retard, entraînant des grèves des agents. Reste, pour les candidats, à convaincre les électeurs de leur maîtrise du sujet, sans les noyer dans la haute technicité des questions budgétaires. « Car, note Marie-Luce Penchard, les réseaux sociaux sont présents aussi et si vous dites n’importe quoi, c’est vite fait de vérifier et de vous mettre en face de vos contradictions ».
Au-delà de la Guadeloupe, l’ensemble des communes d’outre-mer connaissent des difficultés budgétaires importantes, selon un rapport parlementaire de décembre dernier : sur 129 communes ultramarines, 46 avaient des délais de paiement supérieurs à 30 jours, 84 sont inscrites au réseau d’alerte des finances locales, 26 font l’objet d’un plan de redressement et 24 ont vu leurs budgets arrêtés par le préfet en 2018.
Avec AFP