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Le débat public autour du très controversé projet industriel d’extraction aurifère en Guyane, porté par la Compagnie de la Montagne d’or (CMO), s’achève le 7 juillet, dans l’attente désormais du positionnement de l’Etat.
Le projet, financé par les multinationales de l’or Nordgold (Russie) et Columbus Gold (Canada), a été présenté lors de réunions et ateliers publics du 3 avril au 18 juin. Le président Emmanuel Macron a indiqué qu’il recevrait à l’automne les résultats du débat public. « Il faudra prendre position à ce moment-là ». Mais « seules des exploitations exemplaires en terme environnemental et socio-économique pourront être envisagées », a-t-il dit lors de la remise du Livre Bleu Outre-mer. « Confiant », le président de la CMO, Pierre Paris, n’a constaté « aucun point bloquant » pour sa future demande de permis d’exploitation. « Le débat public, même s’il a été agité, a été positif. L’objectif était de communiquer, de prendre le pouls et de répondre aux interrogations », a-t-il expliqué. Autre son de cloche, la WWF annonce dans un communiqué que « 72% des Guyanais déclarent ne pas avoir été convaincus par la compagnie Montagne d’Or pendant le débat (ils sont 81 % dans l’arrondissement de Saint-Laurent) ».
Il défend un projet de mine à ciel ouvert de 2,5 kilomètres de long sur 400m de large et 400m de profondeur, situé à 125 kilomètres de Saint-Laurent-du-Maroni, d’où 82 tonnes d’or environ pourraient être extraites. Les principales interrogations remontées du débat public concernent, selon lui, le transport de matières dangereuses, les retombées économiques pour la Guyane, la question de l’énergie utilisée et l’utilisation de cyanure pour l’extraction d’or. Sur ce point, « je me suis engagé à respecter la plus contraignante des normes », au-delà des normes françaises, a-t-il assuré. Les associations écologiques, une partie de la population amérindienne et les élus écologistes dénoncent en effet des conséquences graves pour l’environnement. Laurent Kelle, responsable du bureau guyanais du WWF France, regrette « des réponses très floues » lors du débat public, notamment « sur les risques encourus en cas d’accident industriel ».
Rémy Pignoux, médecin en charge d’une étude sur l’intoxication au mercure sur le Haut-Maroni et participant d’un récent rapport sur la pollution au plomb, craint aussi que « l’activité minière favorise la remise en suspension des métaux lourds », dont le mercure endogène (contenu dans le sous-sol guyanais), qui vont « réintégrer les milieux aquatiques et pour certains (…) in fine, l’alimentation des humains ».
Urnes dans chaque commune ?
Si « 90% des élus se disent favorables au projet », selon l’ancien député Paulin Bruné, le débat public n’a pas permis de connaître l’avis de la population, en dehors du sondage réalisé par la WWF. « Ce n’est pas un référendum », a rappelé le président de la Commission nationale du débat public, Roland Peylet. Selon lui, les personnes venues aux réunions publiques étaient « plutôt des opposants ». À Apatou, bourg le plus proche du site, « très peu des personnes (…) ont participé au débat », selon le directeur général des services, Kevin Hardeveld. « Certains pensent que c’est une mine comme celle des garimperos (orpailleurs clandestins, ndlr) », signe que l’information n’est pas toujours bien passée.
Soutien indéfectible au projet, le président de la Collectivité Territoriale de Guyane, Rodolphe Alexandre, est prêt à « mettre des urnes dans chaque commune ». Mais toujours selon le sondage WWF (Ifop), sur 608 personnes, 69% des personnes interrogées se disent opposées à la mine et 81% la perçoivent comme un risque environnemental. Au sein du gouvernement, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a estimé qu’il y avait « intérêt » à « remettre à plat » les impacts environnementaux et les bénéfices économiques du projet. Pour son homologue des Outre-mer Annick Girardin, « tel qu’il est construit, tel qu’il est porté, le projet n’aboutira pas ». Des positions saluées par le président de WWF France, Pascal Canfin: « On est en train de voir une prise de distance progressive entre le gouvernement et le projet ».
Fer, bauxite, diamant et or : depuis longtemps les scientifiques ont montré la richesse du sous-sol guyanais. Pourtant, l’économie peine à décoller et le chômage touche 22% de la population. Dans ce contexte, le projet de mine « ne semble pas témoigner d’un risque excessif par rapport aux bénéfices attendus », a estimé l’économiste Philippe Chalmin. Parmi les bénéfices avancés, la création de 750 emplois directs majoritairement locaux et de 3.000 emplois indirects, des recettes fiscales et la création « d’un fonds régional de diversification économique », souhaité par le président de la Collectivité.
Avec AFP.