A l’issue d’une journée de grève générale et de manifestation, mais aussi de plusieurs années de négociations, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a adopté jeudi une importante réforme économique et fiscale, qui devrait conduire à une baisse des prix dans ce territoire, « le plus cher de la République ».
Pour faire pression sur les élus, une intersyndicale « Vie chère », qui craignait un « détricotage » de la réforme fondée sur deux lois de pays, a organisé jeudi une grève générale ainsi qu’une manifestation devant le Congrès qui a rassemblé entre 2.000 et 5.000 personnes, selon les estimations. « Un équilibre a été trouvé. Il ne faut pas dénaturer ces deux textes. Ca fait dix ans qu’on mène ce combat et on ira jusqu’au bout », a déclaré Didier Guénant-Jeanson, ténor de l’intersyndicale qui regroupe cinq organisations.
Rendez-vous avec l’Histoire
Malgré les nombreux rapports d’expertise recommandant une réforme de l’économie calédonienne à la fiscalité « opaque et archaïque », aucun texte n’a en effet abouti au cours de la décennie écoulée. En août 2014, un agenda partagé avait toutefois été signé entre les groupes politiques du Congrès, les organisations patronales et salariées et le Haut-commissaire pour baliser le chemin des réformes. « Avec ce texte, nous avons rendez-vous avec l’Histoire. Nous sommes en présence d’un projet de loi de pays majeur, fondateur d’une nouvelle fiscalité indirecte et d’un nouveau modèle économique », a déclaré Martine Lagneau, rapporteure du projet et élue du parti de centre-droit, Calédonie ensemble.
Voté à l’unanimité des 54 élus du Congrès, le premier volet de la réforme concerne la création d’une Taxe Générale à la Consommation (TGC) aux taux variant de 0 à 22%, calquée sur le modèle de la TVA. La TGC entrera en vigueur le 1er juillet 2018, à l’issue d’une période de transition de 18 mois. Cette taxe se substituera à un maquis de sept droits et taxes à l’importation, avec un rendement équivalent de l’ordre de 51 milliards CFP (425 millions d’euros). Chef du groupe Les Républicains, Sonia Backès a rappelé que sa formation avait toujours été favorable à l’instauration d’une TVA, tandis que l’indépendantiste Louis Mapou a souligné « un moment important », qui pose « les jalons pour des réformes ».
En revanche, le second volet de la réforme centré sur la compétitivité a suscité plus de polémiques. Afin de contrer les effets inflationnistes liés à l’instauration de la TGC, Philippe Germain (Calédonie ensemble), président du gouvernement collégial, a souhaité instaurer des garde-fous pour « garantir que les taxes supprimées ne seront pas captées pour être transformées en marge ». Selon le rapport de présentation du texte, plusieurs études ont classé la Nouvelle-Calédonie en tête des territoires les plus chers de la République, avec par exemple un panier alimentaire 89% plus onéreux qu’en Métropole à habitudes de consommation comparable. La forte progression des marges, au cours de la décennie de croissance qu’a connue la Nouvelle-Calédonie jusqu’en 2012, a également été pointée par ces études.
Bloc autour du député Philippe Gomes
Aussi, la loi prévoit un encadrement des marges pendant 18 mois pour les entreprises qui ne seraient pas parvenues à conclure un accord interprofessionnel de compétitivité au 1er juillet 2018. Sous le contrôle du Congrès, le gouvernement aura en outre la possibilité d’intervenir pour réglementer les prix en cas de dérapage. Ces dispositions ont suscité la colère du Medef, qui a « dénoncé une politique dirigiste et dangereuse, qui amène les entreprises dans le couloir de la mort ». En séance, les dix élus Les Républicains ont dénoncé « la manière violente et arbitraire du gouvernement de baisser les revenus des entreprises », faisant peser « un risque important sur l’emploi ». Ils ont voté contre le texte, à l’instar des trois élus de l’Union pour la Calédonie dans la France.
Aux côtés du groupe Calédonie ensemble, les deux groupes indépendantistes – UC-FLNKS et UNI- se sont en revanche prononcés en sa faveur, à l’issue de quelques discussions houleuses en interne selon Calédosphère. Le groupe UC-FLNKS a exprimé des réserves, mais l’adoption jeudi de plusieurs de ses amendements l’a convaincu de voter le texte. Après des débats plutôt électriques au sein du Congrès calédonien, le projet de loi « Compétitivité » a été par 40 voix sur 53. Le grand gagnant reste Philippe Gomes, fervent défenseur du texte et chef de file de Calédonie ensemble, qui a réuni autour de lui les voix de son parti ainsi que celles des groupes indépendantistes. Le jeu politique s’éclaircit du même coup à Nouméa…
Avec AFP.