La CIJ examine le litige entre Londres et Port-Louis sur l’archipel stratégique des Chagos

La CIJ examine le litige entre Londres et Port-Louis sur l’archipel stratégique des Chagos

Un bombardier B-1B de l’US Air Force décolle de la base de Diego Garcia pour une mission en Afghanistan, le 7 octobre 2001 ©DOD / USAF / AFP

La Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye examine à partir de lundi le différend sur les îles Chagos, Territoire britannique de l’Océan Indien (BIOT) qui accueille une importante base militaire américaine et dont la souveraineté est revendiquée par l’île Maurice.

Les représentants de Port-Louis doivent ouvrir les débats devant le tribunal de La Haye dans un contentieux provoqué par la décision du colonisateur britannique de séparer cet archipel de l’île Maurice en 1965 et d’y installer une base militaire commune avec les États-Unis sur l’île principale de Diego Garcia. Infligeant un revers diplomatique à Londres, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté en juin 2017 une résolution présentée par Maurice et soutenue par les pays d’Afrique demandant à la CIJ son avis consultatif dans ce litige vieux de plus de cinquante ans. Les 15 juges du tribunal doivent entendre les arguments sur « les conséquences légales de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice », une séparation survenue trois ans avant que Port-Louis n’obtienne son indépendance en 1968.

©Sabrina Blanchard / AFP

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L’Union africaine et 22 pays, dont le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne et plusieurs pays d’Asie et d’Amérique latine doivent prendre part à la procédure, qui doit se dérouler pendant quatre jours devant la CIJ. Ensuite, l’organe judiciaire principal des Nations Unies, chargé notamment d’examiner les conflits juridiques entre États, émettra un « avis consultatif ».  Cet avis non contraignant pourrait apporter de l’eau au moulin de Maurice qui réclame le retour des Chagos dans son giron et estime que Londres « a illégalement démembré » son territoire avant l’indépendance. La séparation de l’archipel de 55 îles dont seul trois sont habitées a été suivie de l’expulsion d’environ 2 000 Chagossiens – décrits dans un câble britannique de l’époque comme « quelques Tarzans et Vendredis » – vers l’île Maurice et les Seychelles pour faire place à la base militaire de Diego Garcia.

Guerre froide et 11 Septembre 

Le Royaume-Uni s’était servi des pourparlers sur l’indépendance de ce territoire semi-autonome pour parvenir à ses fins, tout en versant une somme de 3 millions de livres de l’époque en échange des Chagos. Alors que la guerre froide s’intensifiait, le Royaume-Uni a établi au début des années 1970 une base militaire conjointe avec les États-Unis à Diego Garcia, la plus grande et la plus connue des Chagos. Depuis, la base – dont le bail court jusqu’en 2036 – a joué un rôle clé dans des opérations militaires américaines.

Des anciens habitants des Chagos et leurs descendants manifestent devant le Parlement à Londres, le 22 octobre 2008 ©Shaun Curry / AFP (Archives)

Des anciens habitants des Chagos et leurs descendants manifestent devant le Parlement à Londres, le 22 octobre 2008 ©Shaun Curry / AFP (Archives)

Le vote de la résolution sur la saisine de la CIJ était considéré comme un test de la capacité du Royaume-Uni à rallier ses voisins européens, un an après son référendum de sortie de l’UE. Mais ce vote par 95 voix contre 15 a surtout été marqué par l’abstention de 65 pays dont de nombreux membres de l’Union européenne comme la France, l’Italie et l’Allemagne. Londres, qui s’est à plusieurs reprises engagé à céder l’archipel des Chagos à Maurice lorsqu’il ne sera plus nécessaire à des fins de défense, a annoncé qu’il « défendrait fermement » sa position dans les débats s’ouvrant lundi. Le Royaume-Uni a toutefois exclu en 2016 le retour des anciens habitants des Chagos et de leurs descendants.

Maurice, de son côté, dit vouloir éliminer les vestiges du colonialisme et estime que son indépendance ne sera complète qu’avec la restitution des Chagos. Port-Louis reconnait néanmoins l’existence de la base de Diego Garcia et accepte son fonctionnement à l’avenir conformément au droit international. La base a notamment servi aux campagnes de bombardement américaines en Afghanistan et en Irak. Elle a aussi été utilisée par la CIA comme centre d’interrogation de suspects capturés en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001.

Avec AFP.