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Alors que l’exécutif fait face à la grogne sociale dans l’Hexagone, Emmanuel Macron peut se targuer d’avoir considérablement convaincu les Calédoniens et leurs responsables politiques, toutes sensibilités politiques confondues. Entre les « chapeaux » tirés au Président de la République et les éloges dans les réactions récoltées par les médias locaux, ce déplacement s’apparente à une « réussite », à en croire les premiers concernés.
« Chapeau Président » a sobrement titré le député (UDI – Calédonie Ensemble) Philippe Gomès. Dans son communiqué, le loyaliste « centriste » salue « les mots justes » qu’a employé Emmanuel Macron « pour parler de la France, des Calédoniens, de la nécessaire « alliance des mémoires », de la « souveraineté dans la souveraineté », des « souverainetés» économique, alimentaire et énergétique, de l’éducation et de la jeunesse ». Pierre Frogier, sénateur LR et leader des loyalistes du Rassemblement-LR, a salué un « discours rassurant » au Théâtre de Nouméa, quelques heures avant le départ d’Emmanuel Macron. Ce dernier a, durant son déplacement en Australie et en Nouvelle-Calédonie, longuement développé sa stratégie indo-pacifique s’appuyant sur les relations franco-australiennes et les Collectivités des deux océans. « C’est quelque chose d’assez novateur et (…) très rassurant », ajoute Pierre Frogier. Même son de cloche du côté des Républicains calédoniens de Sonia Backès, qui salue « une réelle vision de la Nouvelle-Calédonie ». Sur Facebook, Philippe Germain, Président du gouvernement calédonien, souligne l’unanimité autour de ce déplacement et se dit « en phase avec les déclarations du Président ».
Même satisfaction du côté des indépendantistes. Paul Néaoutyine, Président de la province Nord et leader du Palika, qui avait accueilli Emmanuel Macron à Koné ce vendredi, assure s’inscrire « dans l’esprit de ce qu’il a dit. Cela ne me choque pas que le Chef de l’Etat éclaire nos amis sur l’avenir ». De son côté, Roch Wamytan, de l’UC-FLNKS, salue un « discours de haute tenue ». « Il a donné une dimension géostratégique qui nous convient, qu’on soit indépendantiste ou non. Cela change avec tous les Chefs d’Etat précédents », ajoute-t-il. Daniel Goa, porte-parole du FLNKS, a vu, à travers les différents discours du Président, un « encouragement » pour la proposition « d’un pays indépendant qui accepte de contribuer au rayonnement de la France dans cette zone ». « Le Président de la République a essayé de conforter les uns et les autres (…) et les projeter vers l’avenir » estime Victor Tutugoro, de l’UNI-Palika. Comme son Premier ministre Edouard Philippe, lors du Comité des Signataires de novembre 2017, Emmanuel Macron aura réussi à faire l’unanimité dans l’ensemble de la classe politique calédonienne.
« Un carton plein »
A Ouvéa ce samedi 5 mai, la tâche n’était pas facile. Le traumatisme du drame du 5 mai 1988 reste bien ancré dans la mémoire collective des habitants de l’île, et plus globalement de la Nouvelle-Calédonie. Une partie des habitants d’Ouvéa, de la tribu de Gossanah plus précisément, refusait de voir Emmanuel Macron fouler le sol de l’île et participer aux commémorations sur la tombe des 19 kanak tombés ce jour-là. Pourtant, le Président de la République a renversé la vapeur.
Du fond du cœur : la France ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie, car elle est une part de cette France-monde.
Elle est au cœur de la vocation de la France : rayonner partout dans le monde. pic.twitter.com/1HypRungiU— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 5 mai 2018
Acceptant finalement de rester en retrait, sa posture a été saluée : ce « n’est pas une provocation, il vient sur l’île pour rendre hommage », s’est félicité un habitant de l’atoll. « Je lui tire mon chapeau, ça fait trente ans qu’il y a eu les événements, il n’y a que lui qui a foulé le sol d’Ouvéa. (…) La France vient s’agenouiller pour nos martyrs c’est pas n’importe quoi », ajoute Kako, natif de la tribu de Banutr. « Formidable », « sympathique », « apaisant », les qualitatifs ne manquent pas aux Calédoniens pour saluer ce Président qui les a appelé à « ne pas faire reculer l’Histoire ». « Il a reconnu le passé colonial, s’est projeté vers le futur et a conclu sur la jeunesse. C’est un carton plein » estime encore un habitant de Nouméa.
Du côté des experts, les retours sont également positifs. « Si on regarde l’essentiel de ces visites, elles tournent autour du monde kanak. C’est finalement un choix normal puisque ce pays est en voie de décolonisation et les seuls ayant été colonisés sont les kanak, les Mélanésiens », explique le Docteur en Histoire Paul Fizin. « Emmanuel Macron semble, en ce sens, donner toutes les garanties pour une pleine décolonisation de ce pays, dans tous les domaines ». Alain Christnacht, constitutionnaliste et expert de la Nouvelle-Calédonie, salue un déplacement « réussi parce qu’empreint de respect ». « Respect dans le choix des mots et dans les attitudes, pour tous, respect des mémoires, des cultures et des traditions. Aucune parole méprisante ou agressive pour personne », indique-t-il. « Il reste à construire cet avenir en commun malgré deux futures campagnes électorales clivantes (référendum et provinciales de 2019, ndlr). Ce n’est pas, pour les deux années qui viennent, le défi le plus facile à relever ».
LIVE | Discours sur la Nouvelle-Calédonie à Nouméa. https://t.co/OXx1hyyAxZ
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 5 mai 2018