©Serge Gelabert / IRT
Ce mardi 21 novembre, Jean-Paul Virapoullé, maire de Saint-André et 3ème Vice-président de la Région Réunion, a signé une convention d’étude avec Naval Group (ex-DCNS) à Paris pour la réalisation d’un Techno Port à Saint-André. « Nous voulons faire de La Réunion la porte d’entrée de l’Europe dans l’Océan Indien », a-t-il indiqué dans une interview exclusive pour Outremers360.
C’est dans le cadre du Groupement d’intérêt public rassemblant le Conseil régional de La Réunion, la commune de Saint-André et la Communauté intercommunale Réunion Est (Cirest), que Jean-Paul Virapoullé a signé une convention d’étude avec le Naval Group, nouveau patronyme de DCNS, spécialiste français dans l’industrie navale de défense et les énergies marines renouvelables. « Nous voulons, nous petite Réunion, donner l’exemple en faisant un ‘Techno Port’ de services maritimes et d’énergies renouvelables exemplaires dans l’Océan Indien. Ce Techno Port va servir peut-être de référence dans la région », espère le maire de Saint-André.
Premier volet de ce grand projet, Jean-Paul Virapoullé veut faire de ce Techno Port de Saint-André « une station de service de ravitaillement de bateaux » en gaz naturels liquéfiés, moins polluant que les fiouls lourds. « On pourra aussi développer la diversification agricole pour alimenter ces navires », poursuit-il. « Les bateaux doivent être ravitaillés en Gaz naturels liquéfiés (GNL) pour tout l’hémisphère nord, mais on ne parle pas de l’hémisphère sud. Donc, dans le prochain règlement européen, nous inscrirons que notre zone fait partie de la zone où circulent les grands porte-conteneurs avec du GNL qui pollue beaucoup moins ».
L’énergie thermique des mers pour la production d’électricité
« Deuxièmement, nous avons la chance d’être un des trois points du monde où passe le courant d’eau profonde, qui à Hawaï fait 3 milliards de $ de PIB. Je suis au siège de Naval Group pour mettre en place une unité expérimentale de production d’électricité à partir de la combinaison de l’eau froide et de l’eau chaude, qui réchauffe et refroidit de l’ammoniaque, ce qui créé une dépression. Et il suffit de mettre une turbine pour produire de l’électricité ». Plus concrètement, il s’agit ici d’énergie thermique des mers, utilisée également dans les systèmes de climatisation. « Une fois l’électricité produite, on purifie cette eau, on garde ses éléments nutritionnels et on la met en bouteille. Cette eau s’arrache dans le monde », indique-t-il également. « Troisièmement et avec Sophia-Antipolis, on va signer une convention pour développer un pôle cosmétique ».
« Nous étudions aussi la possibilité d’installer des salles blanches avec des Datacenter qui pourront être refroidis par l’eau profonde et qui représentera une économie d’énergie. En diversifiant l’économie réunionnaise sur les cosmétiques, l’eau, les énergies renouvelables, sur l’élevage de camarons, sur la thalasso ou encore sur les Datacenter, nous mettons en place les rampes de lancement d’une économie moderne. Avec une colonne vertébrale ; le numérique ».
Un Techno Port en complément de l’actuel Port réunionnais
Néanmoins, ce grand projet de Techno Port à Saint-André ne pourrait-il pas mettre en danger l’actuel port de La Réunion, 4ème port français et premier en Outre-mer ? « L’hypothèse que pose aujourd’hui notre bureau d’étude, c’est que l’on peut tenir avec notre port actuel pendant 15 ans. Mais 15 ans en économie, c’est deux jours ! Dans 15 ans, le port actuel sera saturé. A ce moment-là, on se posera la question : où va-t-on ? », interpelle Jean-Paul Virapoullé. « Comme on sait que le port actuel doit être optimisé dans les conteneurs et le transbordement, on l’oriente dans ce sens. Pour le reste, on le développe sur le port de Saint-André. Les deux formeront un seul port : le Port Réunion, avec un seul conseil de surveillance, un seul conseil de développement. On renforce le port actuel, on le rentabilise, on optimise ses services, on le rend attractif parce qu’on lui donne de l’espace, et dans le même temps, on crée des services nouveaux à Saint-André ».
Pour Jean-Paul Virapoullé, « La Réunion vaut par la mer », assurait-il dans une précédente interview accordée à Outremers360. Le maire ne voit qu’une « nécessité » : faire « entrer la Région Réunion dans l’économie mondiale ». « Le choix est simple : ou La Réunion reste un port d’importation (…), et on vit sous l’ère postcoloniale avec peu de création d’emplois et pas de pénétration des marchés extérieurs. Ou bien alors on se dit : on a des atouts, quels sont-ils et comment les valoriser ? », interroge Jean-Paul Virapoullé. « Je me réfère au discours du Président de la République et à celui du Président Junker en Guyane : les régions éloignées de l’Europe que sont les Antilles, la Guyane et La Réunion, ont vocation à devenir les hubs maritimes de l’Europe dans leurs régions respectives », rappelle-t-il en soulignant que pas moins de 400 navires passent au large de La Réunion chaque jour.
Sur le chemin de la Chine, de l’Inde et de l’Afrique du Sud
« C’est une question de logique, de bon sens et de fierté réunionnaise de dire que nous ne sommes pas les mendiants de l’Europe », plaide Jean-Paul Virapoullé. « Nous apportons à l’Europe le plus grand espace maritime, nous apportons à l’Europe les richesses de la mer ». Pour autant, la région est déjà partagée entre trois « mastodontes » de l’économie maritime mondiale : l’Afrique du Sud, la Chine et l’Inde. N’y verrons-nous pas là un léger excès « d’arrogance » de la part du 3ème Vice-président du Conseil régional réunionnais de venir se frotter à ces trois éminents membres des BRICS ? « Ce n’est pas sur le terrain de l’arrogance que se situe notre projet mais sur le terrain de la fierté des Réunionnais. Les ports sud-africains sont saturés. Le trafic qui passe devant Saint-André, c’est du trafic indien et chinois. Nous allons être en complémentarité des mastodontes. Une fourmi ne peut pas lutter contre un éléphant mais peut se servir de ce dernier pour se faire transporter », conclut Jean-Paul Virapoullé.
Interview intégrale ci-dessous: