Il y a 70 ans, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion accèdent au statut de départements d’Outre-mer. Un changement de statut qui était perçue comme la garantie de l’égalité civile, juridique, économique et sociale entre ces territoires et la France hexagonale. Mais aujourd’hui, pour certains experts de cette période, le bilan reste mitigé.
Fruit d’une longue bataille, la loi de la départementalisation du 19 mars 1946 portée par plusieurs élus (Aimé Césaire,Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès) des « quatre vielles colonies » n’a pas eu les effets escomptés. C’est le constat qu’ont fait hier plusieurs experts, lors d’un colloque organisé par le Ministère des Outre-mer. Pour comprendre cela, il faut remonter 70 ans auparavant. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, les populations des « quatre vielles colonies » sont plongés dans un contexte économique et sociale très difficile. Ces territoires sont marqués par une forte précarité, une augmentation des maladies de carences avec un régime alimentaire où la viande est un aliment de luxe. Les habitats sont précaires dépourvus d’accès à l’eau ou à l’électricité. L’espérance de vie ne dépasse pas 40 ans et la mortalité infantile est très forte. On constate en Martinique, 230 décès pour 1000 naissances. Dans l’esprit des porteurs de la loi du 19 mars 1946, « l’assimilation est nécessaire pour mettre fin à la misère sociale », comme le souligne l’historien guadeloupéen René Belénus.
Une départementalisation actée mais difficile à mettre à mettre en oeuvre rapidement et de manière efficace.Une situation qui s’explique par la longue attente de l’application de grandes lois sociales et le stratagème d’une administration qui n’avait pas réellement la volonté réelle de répondre aux aspirations profondes des aspirations locales. Pour la politologue Françoise Vergés, « la France est dans un contexte où il y a une condamnation du racisme, où le principe d’autodétermination des peuples est reconnu par les Nations Unis (…) donc la France, plongée dans un contexte de reconstruction doit repenser comment établir ses nouvelles relations avec ses colonies, avec l’usage d’un vocabulaire nouveau. Pour les experts de l’époque, le développement des colonies est impossible et que deux solutions s’imposent : la migration et le contrôle des naissances ».
70 ans plus tard, les inégalités sont toujours présentes dans ces quatre départements. À l’épreuve de la pratique, le processus d’adaptation et différenciation va être préféréau concept d’assimilation. Deux des quatre « anciennes colonies » vont connaître une évolution de leur statut,.la Guyane et la Martinique ont récemment changé de statut pour devenir des collectivités territoriales, en fusionnant leur conseil général et leur conseil régional. Pour le déontologue de l’Assemblée Nationale, Ferdinand Melin-Soucramanien, « l’heure est désormais à la différenciation ». Lors de son colloque, la Ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin a également souligné cette évolution statutaire. « C’est une évolution importante, qui permet de consacrer le droit à la différence au sein de l’unité nationale. La réforme constitutionnelle de 2003 consacre à cet égard le principe d’un ‘statut à la carte’, tout en maintenant le cadre de l’article 73 de la Constitution. Cette réforme prévoit ainsi des possibilités d’adaptation des modalités de mise en œuvre du droit national beaucoup plus étendues qu’auparavant, et créé la possibilité d’une délégation du pouvoir normatif, législatif et réglementaire aux départements d’outre-mer », a-t-elle déclaré. Cette commémoration de la départementalisation a également été soulevé les questions sur les nouvelles perspectives pour ces territoires. Nouveau défi avec le rapport de l’égalité réelle économique portée par le député Victorin Lurel, pour aboutir un processus entamé par les élus de 1946. Ces départements d’Outre-mer doivent aussi se façonner avec de nouveaux acteurs : l’Union Européenne et les pays de leur bassin régional. Pour la Ministre des Outre-mer, le bilan sur les 70 ans de la Départementalisation n’a pas été que négatif. « La départementalisation a réussi à démontrer sa modernité et sa souplesse pour tenir compte des aspirations de chacun des territoires et pour offrir aux Départements d’Outre-Mer des statuts désormais adaptés aux volontés communes des populations », a-t-elle conclu.