Dans une lettre ouverte, David Lorion appelle l’ensemble des députés réunionnais à une « nouvelle rédaction » de l’article 73 de la Constitution

Dans une lettre ouverte, David Lorion appelle l’ensemble des députés réunionnais à une « nouvelle rédaction » de l’article 73 de la Constitution

Dans le cadre de la réforme constitutionnelle, le député de La Réunion David Lorion (LR) a proposé, dans une lettre adressée à ses collègues députés, une « nouvelle version » de l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution. Appelé également « amendement Virapoullé », cet alinéa exclue le droit d’adaptation à La Réunion, au contraire de la Guadeloupe ou la Martinique. Si la députée Ericka Bareigts (Nouvelle Gauche) confiait en novembre dernier sa volonté de supprimer cet alinéa, David Lorion propose « une nouvelle version qui pourrait retenir notre attention de député ». Sa lettre ouverte en intégralité ci-dessous.

Nous sommes à un moment important de notre évolution statutaire dès que nous nous attaquons à une rédaction nouvelle de l’article 73 de notre constitution. Celle-ci a connu deux rédactions successives en 1958 et en 2003 depuis l’approbation de la constitution de 1946. Nous travaillons donc sur la dernière rédaction celle de 2003 qui retranscrit clairement une première phase d’adaptation des politiques publiques à l’Outre-mer. Cette version de 2003 confirme l’application des lois et des règlements de plein droit en même temps qu’un pouvoir d’adaptation qui s’est mis en place difficilement et tardivement dans les départements d’Outre-mer des Antilles. La Réunion en avait été exclue dans l’alinéa 5 de cet article 73.

Cet alinéa affirmait certes la non application de ces adaptations au département et à la région de La Réunion, mais citait par là même qu’il existait un département et une région à La Réunion et pouvait alors être compris comme l’affirmation d’un statu quo institutionnel. C’est en tout cas comme cela que l’histoire l’a retenu permettant sans doute, et ce n’est pas tout à fait neutre, que La Réunion exprima ainsi sa volonté indéfectible de rester française. Sans doute, la lecture du septième alinéa de l’article 73 selon lequel peut être créée, à la place d’un département et d’une région d’Outre-mer, une assemblée délibérante unique, n’a pas modifié le sentiment de l’impossibilité de la non évolution statutaire.

Néanmoins depuis cette dernière modification constitutionnelle, nous avons vu, à travers toutes les interventions de tous les bords politiques, s’affirmer deux orientations majeures, la première de pouvoir adapter au mieux les règles s’appliquant sur notre territoire y compris dans des domaines relevant de la loi à l’exception naturellement des compétences régaliennes (armée, justice, nationalité, la monnaie,… alinéa 4 de l’article 73) et la seconde que cette véritable décentralisation normative n’affecte pas notre statut de département et de région française dans l’océan Indien. L’évolution vers une assemblée unique n’étant pas compromise par l’écriture de l’article 73 dans sa version de 2003, je considère qu’elle n’a donc pas été depuis 2003 la principale préoccupation des différents élus, même si des demandes nouvelles peuvent naturellement s’exprimer.

A la lecture du projet de  loi de révision constitutionnel en cours de l’article 73, nous avons un consensus sur les différents alinéas,  l’alinéa 1 et sur l’alinéa supplémentaire « les collectivités (d’Outre-mer) peuvent, à leur demande, être habilitées par décret en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement, et dans les conditions fixées par une loi organique ». L’aliéna 5 étant celui qui fait s’interroger, parfois au-delà du raisonnable sur la volonté réelle du gouvernement de signer des décrets dans des domaines ne relevant pas de la compétence des collectivités d’Outre-mer, j’ose vous proposer une nouvelle version qui pourrait retenir notre attention de député :

5- Les habilitations prévues au deuxième alinéa s’appliquent pour le département et la région de La Réunion. 

Naturellement, cette proposition positive a pour ambition de suggérer une rédaction consensuelle pour tous les parlementaires de La Réunion, ce qui n’est pas tout à fait neutre face au gouvernement et à la population. Certes, l’alinéa 5 est pérennisé et réaffirme la volonté de garder le principe d’un département et d’une région, ce qui me semble être à l’origine de l’amendement initial. Mais les autres alinéas ne changeant pas, libres naturellement à ceux qui le souhaitent de pouvoir utiliser les possibilités offertes par la Constitution sans s’opposer à cette nouvelle rédaction de l’alinéa 5.

L’objectif de cette proposition est de sortir par le haut de la situation d’attente et de divergence entre les députés et les sénateurs de La Réunion, sans que personne ne soit dans l’humiliation ou la frustration. Mais en réalité derrière ce débat, nous avons aussi à affirmer notre volonté pleine et entière d’être réunionnais et de jouer au sein de notre région océanique, auprès des pays des rivages de l’océan indien, un rôle politique et économique majeur. Tout n’est pas seulement une affaire de texte constitutionnel mais aussi de l’expression affirmée de part et d’autre que la France fait confiance à ses Outre-mer pour mener à bien et dans un intérêt national sa politique régionale dans les grands bassins océaniques.

David Lorion, Député de La Réunion.