Edouard Fritch, Président du gouvernement polynésien, continue sa campagne de sensibilisation aux problématiques océaniennes dans le cadre de la COP 21 à Paris. Hier, le Président à rencontré Ségolène Royal, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, pour la signature d’un partenariat portant sur les « aires marines éducatives ».
Elle fait 5 millions de km2, autant dire qu’elle est immense, aussi vaste que l’Europe. Cinq heures de vol séparent d’ailleurs Tahiti de l’archipel des Gambier, le plus éloigné, à l’est. C’est la même durée qu’un Tahiti-Hawaï ou qu’un Tahiti-Auckland. Une aire maritime qui fait de la France la deuxième puissance maritime au Monde et qui abrite quelques 118 îles, partagées entre atolls, îles hautes avec récifs et îles hautes sans récifs. C’est donc tout naturellement qu’Edouard Fritch se pose en porte-parole des Etats Insulaires du Pacifique, au milieu des grandes puissances continentales. Selon lui, la montée des eaux « constitue une violation de notre identité, tant notre histoire et notre culture sont intimement liées à l’Océan et à la nature ». Pas de doute, la Polynésie partage avec les Samoa, les îles Cook, Tonga, Tuvalu, Niue ou encore Tokelau, « le même ADN mais aussi le même ennemi : le dérèglement climatique ». Et face aux superficies que représentent les Etats du Pacifique, Edouard Fritch ne veut plus parler de « petits territoires insulaires » mais de « grands pays océaniques ».
Pas des victimes. Le Président du gouvernement polynésien admet, « la Polynésie est coupable malgré elle, car victime des effets de la civilisation moderne ». En effet, le bilan carbone de la collectivité n’est pas reluisant : 3,4 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par habitant, chaque année. De même, les gros 4×4 y sont bien plus courants que les poubelles en centre ville. Ce n’est pas qu’à l’extérieure qu’il faut sensibiliser, c’est aussi des modes de vies propres aux îles qu’il faut revoir. Les projets de transition énergétique ont été avortés, notamment dans le solaire, car certains monopoles ont encore du mal à prendre conscience de la situation. L’EDT, filiale d’Engie et producteur majoritaire d’électricité en Polynésie, garde ardemment la distribution électrique et ne semble pas prête à franchir le pas du renouvelable. Qu’importe, Edouard Fritch souhaite accéder au « fond vert », veut apporter des solutions, « pour que nous soyons nous-mêmes un exemple » et engager la transition autour de trois axes, « protéger notre biodiversité, respecter notre culture et promouvoir l’éco-citoyenneté ».
Beau discours, belles perspectives. Mais la réalité n’est pas si lisse. Si les Etats océaniens souhaitent voir le réchauffement limité à 1,5°C, nul doute que l’accord « universel, ambitieux et contraignant » qui accouchera de cette COP 21 dépassera les 2°C. « Vraisemblablement, ils seront déçus », admet Edouard Fritch tout en tempérant, « la COP 21 a été une plateforme excellente pour nous : on a pu parler des problèmes insulaires, des problèmes des Océaniens ». Si ce n’est que ça… Quoiqu’il en soit, la Polynésie veut exporter ses initiatives. La première nous vient des îles Marquises. Là-bas, on implique les enfants dans la protection du littoral, une bonne façon de rallier éducation et responsabilité environnementale. « Exportable au plan national mais aussi international » selon le Directeur de l’agence des aires marines protégées. Fierté absolue, Ségolène Royal souhaite exporter l’initiative aux écoliers métropolitains. La ville de La Rochelle pourrait être la première a en bénéficier. Le partenariat permettra également de faire briller la Polynésie, puisque le projet « Aire marine éducative » portera le label polynésien.
Autre grand projet, faire de la Polynésie, une « Aire marine gérée », notamment en centralisant toutes les actions menées séparément dans les cinq archipels. Le but étant, au final, de devenir une « Aire marine protégée ». Première étape d’un long processus de concertation avec les populations et les acteurs économique du secteur. Les volontés sont là, certes. Elles se traduisent par de belles envolées lyriques sur la protection des océans et le ralentissement du réchauffement climatique. Cependant, tout le monde en Polynésie n’a pas la même vision de l’engagement d’Edouard Fritch et son gouvernement, notamment au niveau de la protection des vallées.
L’association « Ia Ora Taharu’u » dénonce l’extraction de roches dans la vallée de la Taharu’u, roches sensées servir au démesuré projet de complexe touristique Mahana Beach. D’autres associations, qui protègent la plus profonde vallée de Tahiti appelée « Maroto », se lèvent contre un autre projet touristique, l’Eco Park, qui n’aurait d’écologique que son nom. Plus à l’est de l’île, les habitants de la vallée de la Vai’iha tremblent à l’idée de voir leur vallée affublée d’un barrage hydraulique, barrage qui détruirait l’authenticité naturelle de la vallée. En bref, la Polynésie et son gouvernement ne semblent pas être des exemples de vertus en terme de transition énergétique et de protection de l’environnement. Et il semble bien plus facile de prêcher le changement que de l’opérer chez soi.