Azzali Assoumani votant lors du référendum constitutionnel, départ des tensions politiques aux Comores ©Tony Karumba / AFP
Tirs, patrouilles et barricades : la situation restait tendue mercredi aux Comores après des affrontements meurtriers entre armée et opposants au régime du président Azali Assoumani qui ont fait trois morts selon les autorités et suscitent l’inquiétude de l’ONU et de l’Union Africaine (UA).
Pour la troisième journée consécutive les forces de sécurité ont patrouillé mercredi dans les rues de Mutsamudu, la capitale de l’île d’Anjouan, où des tirs ont à nouveau été régulièrement entendus. Des barricades étaient tour à tour érigées par des opposants et démantelées par les forces de sécurité, ont indiqué des témoins.
Sur fond de vives tensions provoquées par la volonté du chef de l’État de prolonger son mandat, les affrontements avaient éclaté lundi lorsque des protestataires ont érigé des barrages dans plusieurs rues et autour de Mutsamudu, ville considérée comme un fief de l’opposition, et que les forces de l’ordre ont ouvert le feu pour les démanteler. Mardi, les affrontements ont fait trois morts, selon le ministre de l’Intérieur, Mohamed Daoudou. Le couvre-feu nocturne était toujours en vigueur sur l’île d’Anjouan. Les autorités accusent le parti Juwa, de l’opposant et ancien président de l’archipel Abdallah Sambi, d’être à l’origine des troubles. Les partis d’opposition réunis en coalition renvoient la responsabilité de la situation au gouvernement.
Climat politique dégradé
Le climat politique s’est singulièrement dégradé aux Comores depuis le référendum constitutionnel du 30 juillet dernier. Ce scrutin aux allures de plébiscite (92,74% de oui) a renforcé les pouvoirs du président Assoumani, notamment en l’autorisant à accomplir deux mandats successifs au lieu d’un. Exprimant leur inquiétude face au risque de dégradation dans cet archipel agité de coups d’État et de crises séparatistes depuis son indépendance de la France en 1975, les Nations unies et l’Union africaine (UA) ont appelé au « calme » et au « dialogue », d’une même voix mais dans des communiqués séparés.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exprimé « sa préoccupation » et « appelle toutes les parties concernées à faire preuve de calme et de retenue dans l’intérêt de la paix et de la stabilité aux Comores ». Déplorant « la suspension, depuis le 2 octobre 2018, du dialogue inter-comorien », la Commission de l’UA « souligne, encore une fois, la nécessité et l’urgence de mesures d’apaisement de nature à faciliter le règlement de la crise », ajoute l’UA. Depuis 2001, la présidence était attribuée tous les cinq ans à un représentant de l’une des trois îles du pays (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli). Ce système tournant avait permis de ramener le calme dans l’archipel de l’océan Indien.
Ancien putschiste élu en 2016, Azali Assoumani a annoncé son intention d’organiser un scrutin présidentiel anticipé l’an prochain, qui lui permettrait de remettre les compteurs électoraux à zéro et de régner sur l’archipel, en cas de victoire, jusqu’en 2029. Les adversaires du chef de l’État, qui ont boycotté le scrutin de juillet, qualifient son régime de « république bananière ». Depuis le référendum, des dizaines de partisans de l’opposition ont été arrêtés.
« Azali Assoumani semble de plus en plus intolérant face à toute divergence d’opinion », commente Jane Morley, analyste à la Fitch Solutions Risk Consultancy. « Un certain nombre de figures de l’opposition, accusées de complot ou de corruption ont été arrêtées ou ont dû se cacher », ajoute-t-elle. Parmi eux, Abdallah Sambi, inculpé dans une affaire de corruption et assigné depuis cinq mois à résidence dans la banlieue de Moroni.
Avec AFP.