Discuté le jeudi 3 décembre au Sénat, le budget 2016 des Outre-mer a relativement été bien accueilli par les Sénateurs. Chacun, de gauche comme de droite, félicitant la Ministre d’avoir préservé ses crédits. Sauf Nuihau Laurey, Sénateur de la Polynésie française, dont l’intervention a jeté un coup de froid dans l’hémicycle.
Il s’en est fallu de peu pour retrouver au Sénat un de ces rares moments d’approbation générale. De gauche à droite, on félicite George Pau-Langevin, Ministre des Outre-mer, d’avoir réussi à maintenir ses crédits, alors que d’autres Ministères voient leur budget diminuer. C’est sans compter sur les irréductibles Sénateurs polynésiens, qui refusent de voir la Dotation Globale d’Autonomie (DGA) baisser d’environ 4 millions d’euros. La DGA a été instaurée en 1996 par Jacques Chirac, elle était sensée combler le déficit financier que représentait la fin des essais nucléaires en Polynésie et aider à son développement et au développement d’une nouvelle économie. Ce n’est pas la première fois que la DGA est amputée d’une partie de son financement. Nuihau Laurey, Sénateur de la Polynésie française, dépose alors un amendement pour revenir sur cette baisse que Georges Pau-Langevin s’était pourtant engagée à combler les 4 millions en puisant dans son propre budget.
Pas contente. D’habitude calme et « flegmatique », George Pau-Langevin s’agace. Elle rappelle le retour de l’Etat dans le financement du RSPF, et surtout, explique que si la solution qu’elle propose est rejetée et par quelques règles comptables, ce sont 16 millions d’euros qui manqueront au budget de la Polynésie française, « si vous voulez absolument faire comme ça, faites-le, vous perdrez 16 millions d’euros ». Sur quoi, Nuihau Laurey répond par le mal-entendu. Selon le Sénateur, la solution proposée par la Ministre des Outre-mer est « bonne », mais il souhaite la « compléter ». Incompréhension de la Ministre, « si vous n’avez pas confiance, vous n’avez pas confiance. Mais ce n’est pas raisonnable par rapport à l’intérêt de votre territoire ». Lana Tetuanui, autre Sénatrice de la Polynésie française, rappelle alors la vocation de la DGA.
On a pas fait des essais dans les autres collectivités. C’est nous qui avons payé le plus cher pour la grandeur et la dignité de la mère-patrie
« Un vent de colère » souffle dans l’hémicycle du Sénat, nous rapporte Tahiti-infos. Lana Tetuanui «s’insurge » contre le grignotage de la DGA, une « dette nucléaire ». « On a pas fait des essais dans les autres collectivités. En Polynésie, si ! C’est nous qui avons payé le plus cher pour la grandeur et la dignité de la mère-patrie ». Pour la Sénatrice, la DGA est « la reconnaissance de notre mère-patrie envers tout ce qui a été fait dans notre Pays ». Tonnerre d’applaudissement dans l’hémicycle, malaise du côté de la Ministre. « Pas à nous ce genre d’observation » lance-t-elle. Ne souhaitant pas porter le mauvais rôle, elle rappelle son opposition à la reprise des essais par Jacques Chirac en 1995. Pour elle, sa solution est « raisonnable » et ajoute, « si vous ne voulez pas, on ne va pas vous forcer. Cet amendement n’ira pas dans le sens de la Polynésie, c’est tout ».
Majoritaire au Sénat, le centre (dont font partie les Sénateurs Polynésiens) et la droite adoptent l’amendement. La confusion s’installe au Sénat, une suspension de séance est demandée en urgence. Nuihau Laurey a gagné son bras de fer face à la Ministre mais risque de perdre, selon les affirmations de la Ministre des Outre-mer, 16 millions d’euros sur le budget de la Polynésie. Si la Ministre a raison, il faudra expliquer aux Polynésiens le trou béant dans le budget du territoire. Edouard Fritch doit s’en mordre les doigts, tant l’opposition ne manquera pas de l’épingler. Un caillou d’autant plus gênant dans la botte de Fritch. En ces temps de COP 21, il s’affaire à ce que la Polynésie retrouve sa place de chouchoute auprès de l’Etat et qu’une entente cordiale s’installe entre François Hollande et le gouvernement de la Polynésie française. Pour l’heure, c’est l’Assemblée Nationale qui aura le dernier mot sur le budget alloué aux Outre-mer, celle-ci est majoritaire à gauche.